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psychiatre et philosophe allemand De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Karl Jaspers (en allemand: /kaʁl ˈjaspɐs/[1], ? Écouter [Fiche]), né le à Oldenbourg et mort le à Bâle, est un psychiatre et philosophe germano-suisse représentatif de l'existentialisme. Ses travaux ont eu une grande influence sur la théologie, la psychologie, la psychiatrie et la philosophie. Il obtient la nationalité suisse en 1967.
Naissance | |
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Décès | |
Sépulture |
Cimetière à Hörnli avec crématorium (d) |
Nationalités | |
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École/tradition | |
Principaux intérêts | |
Idées remarquables | |
Œuvres principales |
La Situation spirituelle de notre temps • Psychopathologie générale • Nietzsche : Introduction à sa philosophie • Les Grands philosophes |
Influencé par | |
A influencé | |
Fratrie |
Erna Margarete Dugend (d) |
Conjoint |
Gertrud Jaspers (d) |
Distinctions | Liste détaillée Prix Goethe de la ville de Francfort () Prix de la paix des libraires allemands () Doctorat honoris causa de l'université de Paris () Prix Érasme () Ordre Pour le Mérite Ordre Pour le Mérite pour les sciences et arts (d) |
Né d'un père juriste et d'une mère travaillant dans une coopérative agricole en 1883, Jaspers montre un intérêt précoce pour la philosophie, bien que le parcours paternel au sein du système judiciaire l'ait sans doute poussé à d'abord étudier le droit, abandonné dès 1902 pour des études de médecine (doctorat en 1909). À 18 ans, on lui diagnostique une maladie grave, ne lui donnant plus qu'une dizaine d'années à vivre[2].
Il commence alors à travailler dans un hôpital psychiatrique de Heidelberg, où Emil Kraepelin avait lui-même exercé quelques années auparavant. Jaspers ne se satisfait pas de la façon dont la communauté médicale de l'époque approche la maladie mentale ; il tente donc d'améliorer cette approche.
En 1913, il reçoit un poste temporaire de professeur de psychologie à l'Université de Heidelberg. Ce poste devint rapidement permanent, ce qui lui permit de ne jamais reprendre son activité clinique.
À 40 ans, soit au début de la République de Weimar, Jaspers se tourne vers la philosophie, explorant les thèmes qu'il avait entamés durant son activité de psychiatre. Il devint un philosophe renommé, demeurant influent au sein de la communauté philosophique jusqu'à son décès en 1969. La jeune philosophe Hannah Arendt, parce qu'elle est l'élève de Martin Heidegger, est envoyée par celui-ci faire son doctorat sous la direction de Jaspers, qui est alors l'ami de Heidegger[3] jusqu'en 1933. Les deux philosophes allemands entretiennent une correspondance. Arendt soutient sa thèse, Le Concept d'amour chez Augustin, le . Julia Kristeva, biographe et commentatrice d'Arendt, cite le « rapport réservé » qu'en fait Jaspers, qui reproche à Arendt l'approximation de ses citations et le fait de n'avoir pas utilisé tout ce qu'Augustin avait écrit sur l'amour[4].
En 1931, il publie La Situation spirituelle de notre temps, ouvrage profondément conservateur et anti-communiste, dans lequel il déplore la Première Guerre mondiale comme sorte de guerre civile et appelle à la nécessité d'un conflit de civilisation avec l'URSS[5].
Son mariage avec une juive, Gertrud Mayer (1879-1974), le poussera à s'éloigner du nazisme, de même que le fait qu'il considère que les « origines de l'Occident » se retrouvent tant dans la philosophie grecque que chez les prophètes juifs[5].
L'avènement du nazisme le prive de sa chaire : en 1937, il est mis à la retraite d’office et en 1938, il est frappé d’une interdiction de publier[6].
Jaspers retourne à l'Université de Heidelberg en 1945[7], où il prononce une série célèbre de conférences sur la « culpabilité allemande », dans lesquelles il reste assez optimiste quant à la prise de conscience des Allemands de l'atrocité des événements de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, il se trouve assez isolé au sein de sa propre université, qui devient alors le lieu où plusieurs chercheurs ouvertement nazis non seulement reviennent, mais aussi font tout pour échapper au processus de dénazification (le linguiste Eugen Fehrle (de), l'historien Johannes Kühn (de), l'économiste Helmut Meinhold (de)). Déçu par ces événements, Jaspers quitte l'Allemagne en 1948, renonce à sa nationalité et rejoint l'Université de Bâle[8]. Il y meurt en 1969, alors âgé de 86 ans[9].
Les désillusions de Jaspers envers l'approche commune de la maladie mentale le poussèrent à s'interroger sur les critères diagnostiques et les méthodes cliniques de la psychiatrie. Il publia un article révolutionnaire en 1910 dans lequel il posait le problème de l'origine de la paranoïa, aspect de la personnalité ou plutôt résultat de changements biologiques. La problématique n'était pas révolutionnaire, mais sa méthode d'étude était innovante. Il avait en effet étudié plusieurs patients en détail, donnant des informations biographiques aussi bien que des notes sur le vécu subjectif des patients vis-à-vis de leur trouble. Cette méthode s'est fait connaître sous le nom de méthode biographique, s'imposant comme le standard de la psychiatrie moderne.
Jaspers réunit ses écrits sur la maladie mentale dans son livre Psychopathologie générale[10]. Les deux volumes constituant ce travail sont devenus des classiques de la littérature psychiatrique, si bien que de nombreux critères diagnostiques découlent des idées qui y sont exposées. Une idée majeure de Jaspers est que les symptômes (en particulier ceux de la psychose) doivent être répertoriés selon leur forme plutôt que leur contenu (ou fond). Par exemple, en portant le diagnostic d'hallucination, le fait que le sujet perçoive des phénomènes visuels en l'absence de stimulus sensoriel pour les justifier (forme) est plus important que ce qui est vu (fond). Jaspers pensait que les illusions pourraient être analysées de la même façon, expliquant qu'une croyance ne devrait pas être considérée comme telle uniquement selon son contenu, mais plutôt par la façon dont l'illusion s'impose à la conscience. Jaspers fit aussi la distinction entre illusions primaires et secondaires. Les illusions primaires se définissent comme étant créées de toutes pièces, indépendantes, ne pouvant se comprendre en termes de processus mental normal ; alors que les illusions secondaires peuvent être comprises parce qu'influencées par les antécédents de l'individu (son histoire personnelle), sa situation actuelle ou son état mental.
Il s'est montré très critique envers la psychanalyse, dont il pensait qu'elle confondait les explications tirées de la psychologie compréhensive avec celles de la psychologie causale. Voici ce qu'il écrivait :
Jaspers considérait les illusions primaires comme des entités impossibles à comprendre, considérant qu'il n'existait pas de raisonnement cohérent sous-jacent à leur existence. Cette vue n'est pas sans opposition, et a été critiquée par des spécialistes tels que Ronald Laing et Richard Bentall (en) qui appuient l'idée que suivre cette piste amènerait le psychiatre à la facilité de croire que parce qu'il ne peut comprendre le patient, alors ce dernier ne justifiera pas d'enquête plus poussée de la part du médecin, celle-ci étant vouée à être infructueuse.
Karl Jaspers est le plus souvent associé au mouvement existentialiste, en partie en raison de ses idées issues des jalons posés par Friedrich Nietzsche et Søren Kierkegaard et en partie parce que le thème de la liberté individuelle occupe une large part de son travail. Dans Philosophie (1932), Jaspers donne son point de vue sur l'histoire de la philosophie et présente ses thèmes principaux. Commençant avec la science moderne et l'empirisme, il fait remarquer que pendant que l'on interroge la réalité, nous affrontons les limites de ce qu'une méthode scientifique ou empirique ne peut transcender. À cet instant, l'individu doit faire face à un choix : ou bien sombrer dans le désespoir et la résignation ou bien faire un pas vers ce que Jaspers nomme la Transcendance. En faisant ce pas, l'individu se confronte par induction à la limitation de sa propre liberté, qu'il appelle « Existenz », afin de pouvoir enfin ressentir une véritable existence.
Karl Jaspers aura une influence sur l'existentialisme chrétien. Le philosophe Gabriel Marcel lui rend cet hommage :
« Et ce n'est pas à mes yeux un mince mérite que celui d'un Karl Jaspers, reconnaissant après Kierkegaard et aussi sans doute Heidegger, que l'existence (et a fortiori la transcendance) ne se laisse reconnaître ou évoquer que par-delà le domaine d'une pensée en général procédant par repères sur les communaux du monde objectif[11]. »
La Transcendance (liée au terme « Englobant » dans ses travaux ultérieurs) est, pour Jaspers, ce qui est par-delà le monde physique. Sa formulation de la Transcendance comme absence d'objectivité ultime a mené bien des philosophes à disserter sur le fait que finalement, Jaspers était un moniste, bien que Jaspers lui-même préférât insister sur la nécessité de la reconnaissance de la validité des concepts de subjectivité et d'objectivité. Pour Jaspers, le terme « existence » (Existenz) désigne l'expérience intime et indéfinissable de la liberté et du choix ; une expérience constituant l'authentique Moi d'individus s'éveillant à l'« Englobant » en se confrontant à la souffrance, le conflit, la culpabilité, le hasard, et la mort. Bien qu'il ait toujours explicitement rejeté les doctrines religieuses, y compris la notion de Dieu personnel, Jaspers influença la théologie contemporaine via sa philosophie de la transcendance et des limites des expériences humaines. Jaspers lui-même fut profondément influencé par la tradition chrétienne mystique, en particulier par Maître Eckhart et Nicolas de Cues. Il s'intéressa aussi aux philosophies orientales, en particulier au bouddhisme. Jaspers entama aussi un débat public avec Rudolf Bultmann, dans lequel il critiqua sèchement la démythologisation du christianisme opérée par Bultmann.
Jaspers écrivit aussi abondamment au sujet des Droits de l'homme et des menaces pesant sur eux provoquées par la science moderne, l'économie, et les institutions politiques. Dès avant la Seconde Guerre mondiale, il fut forcé de quitter son poste d'enseignant et soumis à interdiction de publier, non seulement en raison de la judaïté de son épouse, mais aussi des idées qu'il avait exprimées quant à l'influence positive du judaïsme sur la pensée occidentale. Quand il voulut réintégrer Heidelberg après la fin de la guerre, il fut confronté à l'attitude de certains collègues, anciens nazis. En effet, ses travaux suivants abordaient la question de la responsabilité allemande, où il examinait la culpabilité de l'Allemagne dans les atrocités perpétrées par le IIIe Reich.
Les travaux principaux de Jaspers présentent une certaine complexité. Ses dernières tentatives sur la systématisation d'une philosophie de l’Existenz (Von Der Wahrheit, À propos de la réalité) sont toujours inédites. Cependant, ses travaux les plus courts, en particulier Introduction à la philosophie, sont accessibles à tous. La philosophie de Jaspers est volontiers comparée à celle de son contemporain Martin Heidegger. Les deux hommes ont tâché d'explorer le sens de l'être (Sein) et de l'existence (Dasein). Ils furent brièvement amis, mais leur relation se détériora du fait de l'adhésion de Heidegger au parti nazi et parce que leurs vues sur la philosophie divergeaient. Deux représentants majeurs de l'herméneutique phénoménologique, Paul Ricœur (qui fut un des étudiants de Jaspers) et Hans-Georg Gadamer (qui succédera à Jaspers à Heidelberg), montrent dans leurs travaux respectifs une forte influence de Jaspers. Quant à Jean-Paul Sartre, représentant de l'existentialisme athée, il se démarque de Jaspers en le classant parmi les « existentialistes chrétiens » aux côtés de Gabriel Marcel[12].
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