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peintre italien de la pré-Renaissance De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Cenni di Pepo, dit Cimabue, est un peintre majeur de la pré-Renaissance italienne né vers 1240 à Florence et mort vers 1302 à Pise.
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Cenni di Pepo |
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Cimabue assure le renouvellement de la peinture byzantine en rompant avec son formalisme, mais ses types physionomiques sont encore héritiers de la tradition byzantine[1]. Il introduit des éléments de l'art gothique, tels que le réalisme des expressions et un certain degré de naturalisme dans la représentation du corps des personnages. De ce point de vue, il peut être considéré comme l'initiateur d'un traitement plus naturaliste des sujets traditionnels, ce qui en fait le précurseur du naturalisme de la Renaissance florentine.
Développée et éclipsée par ses deux disciples Duccio et Giotto, l'impulsion qu'il a donnée a été communiquée à la peinture italienne et plus généralement occidentale.
Notre perception de Cimabue a cependant été faussée durant des siècles par le portrait qu'en a donné Giorgio Vasari dans sa première version des « Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes » (connu aussi comme les « Vies ») biographie s'inscrivant dans une vision orientée à la gloire de Florence (écartant de facto Giunta Pisano, peintre originaire de Pise, actif entre 1229 et 1254) et dont le principal objectif est de servir d'introduction et de faire-valoir à celle du florentin Giotto. Le simple fait qu'il soit dans les « Vies » a longtemps rendu inacceptable sa formation à Pise (qui était, alors, la principale rivale de Florence), les biographies continuant systématiquement à le rattacher à Coppo di Marcovaldo - le florentin le plus illustre de la génération précédente. Et le retrait de la Madone Rucellai du catalogue de Cimabue en 1889 - œuvre clef selon Vasari - a même, un temps, remis en cause la véracité de son existence.
L'une des toutes premières représentations, en Italie, du Christus patiens, venue de la tradition byzantine et dans une attitude de souffrance - à la place du Christ en gloire, ou triomphant (de l'art du Moyen-Âge occidental) - serait apparue à Pise au début du XIIIe siècle, dont celle, bien conservée du Crucifix no 20 par un maître byzantin. Or Cimabue a eu sa formation de peintre à Pise et, ainsi, à un moment où la représentation de la douleur qui affecte le corps de Jésus doit être figurée, dans son corps d'homme, d'être humain avec cette charge émotionnelle dont témoignent les Crucifixions de Cimabue[2].
La ré-évaluation de Cimabue s'est aussi heurtée à une malédiction persistante dont souffre le maigre corpus d’œuvres parvenues jusqu'à nous : la céruse (blanc de plomb) utilisée dans les fresques de l'église supérieure Saint François d'Assise est, par oxydation, devenue noire, produisant l'effet d'un « négatif photographique » , déroutant voire illisible; par ailleurs, le sublime Crucifix de Santa Croce a subi des dommages irréversibles lors de l'inondation de Florence en 1966, et enfin le tremblement de terre de 1997, en Ombrie a fortement endommagé la voûte des quatre évangélistes - la partie jusqu'alors la mieux préservée des fresques de la basilique supérieure Saint-François d'Assise, pulvérisant notamment le saint Matthieu.
La connaissance de l'œuvre de Cimabue a cependant bénéficié de la découverte, en 2019, de La Dérision du Christ, appartenant à un diptyque de dévotion (dont la plus grande partie n'est pas connue actuellement) et venant compléter les deux seuls autres panneaux connus de ce dyptique, la Vierge à l'Enfant trônant et entourée de deux anges (National Gallery, Londres) et la Flagellation du Christ (The Frick Collection, New York). La Dérision du Christ est classée trésor national par le ministère de la culture le . Enfin une meilleure connaissance du contexte, de la peinture byzantine alors en pleine mutation, et les transferts culturels qui s'opèrent dans le milieu italien en particulier, permettent de mieux appréhender ce qu'apporte Cimabue à son époque[3].
L'essentiel des images que nous jugeons, aujourd'hui, selon des criètres artistiques, sont, dans l'Italie vers 1300, au service de la religion catholique. Une grande partie est constituée de commandes de l'Église mais aussi de commandes de particuliers (en particulier, les tableaux de dévotion), et les artistes doivent respecter le contrat sur lequel ils se sont engagés, ou, parfois, doivent se mettre, pour un temps, en tant que domestique au service de leur mécène. La nature de l'objet, ses dimensions, la nature et le poids des matériaux mis en œuvre, ainsi que les thèmes qu'il développe y sont précisément définis. Lui même n'est qu'un homme de métier, d'extraction modeste, il sort du petit peuple urbain[5]. Leurs innovations sont strictement encadrées sur fond de dogmes catholiques[6].
À l'époque de Cimabue (v. 1240-1302) la piété mariale, la dévotion à Marie, mère de Jésus, était devenue une pratique fondamentale à travers toute l'Europe, depuis le XIe siècle. Elle avait été préparée, soutenue et amplifiée par la pensée de grands mystiques et théologiens comme saint Bernard de Clairvaux (1090-1153), saint François d'Assise (v. 1182-1226), saint Antoine de Padoue (1195-1231) et saint Bonaventure (v. 1220-1274) ou encore saint Thomas d'Aquin (v. 1225-1274). Les quatre derniers étant contemporains de Cimabue. Dans le même temps on assistait à une humanisation du Christ et à l'abandon, en conséquence de l'image du Christ de Victoire, victorieux de la mort, au profit d'une image plus touchante d'un Christ souffrant, car Dieu s'est fait homme et cette humanité avait été imposée, vers 1140 par Gratien (le Decretum Gratiani) qui rappelle le décret du concile in Trullo de 691-692, imposant la représentation anthropomorphe du Christ ; Gratien est le premier canoniste à prendre à son compte les décisions du concile de Nicée II[7].
La tradition picturale antique était toujours demeurée vivace en Italie du fait de ses relations avec Byzance ; mais la peinture byzantine avait évolué vers des schémas et une stylisation qui s'écartait de l'esprit des origines antiques[8]. Le prince qui dirigeait le sud de l'Italie, Frédéric II (1194-1250), vivant dans une cour très hétéroclite et apprécié des arabes car le plus vif opposé au pape, avait fait ériger, vers 1230-1260, à Capoue, une porte monumentale (construite entre 1234 et 1239) sur un modèle antique, ornée, entre autres, de bustes de ses conseillers, d'inspiration antique et d'un Jupiter couronné de lauriers[9]. Les papes Grégoire IX (r. 1227-1241) et Innocent IV (r. 1243-1254) s'imposaient aussi à cette époque, non seulement dans le nord de l’Italie, mais se dressaient aussi, dans le Sud, contre le pouvoir de Frédéric II. Par contre les papes de l'époque attachaient la même importance à la tradition antique. L'un d'eux ordonna la restauration, à Rome, des grands sanctuaires de l’Antiquité tardive des IVe et Ve siècles qu’il confia, en partie, à Pietro Cavallini. Les mosaïques de cet artiste qui figurent la Vie de la Vierge, dans la Basilique Sainte-Marie-du-Trastevere (1291) : « au dessin large et ferme, manifestent un sens de la grandeur, la recherche d'une certaine majesté antique »[10].
À la mort de Frédéric II, en 1250, le pape Innocent IV, successeur de Saint Pierre, héritier de l'empereur Constantin, prétend alors à la puissance universelle et use d'un népotisme sans précédent en tant que pape[11]. La vision, quasi impériale, antique, qu’il a de sa place dans le monde aura été à l’opposé de la vie exemplaire de François d'Assise. Leur opposition est restée célèbre[12]. Dans cette période de vives tensions entre religion et politique on assiste donc à de puissants mouvements de retour à une spiritualité militante. Les ordres mendiants, qui apparaissent à cette époque, Dominicains et Franciscains, vont aller au devant du peuple des laïques. L’ordre mendiant des Franciscains est fondé en 1223 peu après la fondation de celui des Dominicains en 1216, avec des motivations et des méthodes bien différentes, l’un et l’autre.
Mais, par delà les oppositions, certaines idées sont dans l’air et plus ou moins partagées par tous. Les disciples de François, plus encore que les Dominicains, ont reconnu d’emblée le pouvoir évocateur de l’image. Pour les Franciscains c’est, en effet, alors que François priait devant le crucifix qu’il aurait entendu l’injonction de la voix divine. Dans le même temps, les pratiques rituelles changent. Les franciscains, en rapports avec les byzantins, adoptèrent la formule de ce rapport à l'image, avec, d'une part, l'adoption du motif iconographioque du type douloureux du Christ patiens (une innovation byzantine du XIIe siècle, avec d'autres thèmes pathétiques[13]) et, d'autre part, avec une grande image du saint, en l’occurrence Saint François placée dans les scènes les plus édifiantes de sa vie. Le format pouvait être monumental dans des salles ouvertes à un grand nombre de fidèles.
D’autre part, la dévotion catholique se fait aussi plus intime pour des individus qui savent lire[14]. Ces dévots sont encouragés, en particulier par Dominique de Guzman, à s’absorber, seuls ou collectivement, dans la Lectio divina (la lecture d'un texte à caractère spirituel, la Bible ou les œuvres d'auteurs chrétiens) au moment où se répandent de nouvelles images, privées, de petit format, dérivées des icônes de la vie des saints. Les icônes importées d'Orient sont, alors, très nombreuses, et ce jusqu'au XIIIe siècle[15]. En ce qui concerne les panneaux présentant la vie du Christ, ceux-ci pouvaient être très modestes. Ils pouvaient s’adresser à de petites communautés religieuses, voire à une cellule ou encore à une chapelle privée. Il semblerait que Cimabue ait introduit ce type de panneau, dont feraient partie deux fragments, une Flagellation (Frick Collection) et une Vierge à l’Enfant (National Gallery, Londres) (25 x 20 cm). Tous deux auraient été peints dans les années 1280[16].
D’autre part, la célébration de la messe valorise l’image, bien plus qu’avant. L’ancien antependium, placé sur le devant de l’autel est alors remplacé par le tableau dressé derrière. Le rite de l’élévation de l’hostie est célébré face à lui. Ce rite de l’élévation de l’hostie qui s’impose dans la seconde moitié du XIIIe siècle participe aussi à la valorisation de l’image « dans la mesure où l’espèce consacrée se trouve ainsi exaltée devant une image qui en extrapole le caractère hautement symbolique »[17]. La portée essentielle de ce retable, éventuellement une Maestà, sera soigneusement fixée dans un programme, défini par les instances religieuses compétentes ; dans le cas de Cimabue ce seront des Franciscains, essentiellement, qui définiront le programme de ses peintures, leur localisation et jusqu’aux matières picturales.
Les premières années de Cimabue sont très peu documentées. Un premier crucifix est réalisé probablement dans les années 1260[18], pour les dominicains à Arezzo. Mais ceux-ci étaient assez réticents à l’égard de l’image[19]. C’est la seule commande exécutée par Cimabue pour les Dominicains que nous connaissions. On sait que le peintre est à Rome en 1272, mais la raison de ce déplacement est obscure. L’essentiel de son œuvre, qui suit cette période initiale, est conservé entre la basilique d’Assise et la basilique Santa Croce de Florence. La basilique Saint-François d'Assise a été l’un des plus grands chantiers de son temps, sinon le plus grand.
La décision de couvrir l’œuvre de saint François par un monument éblouissant et d’un luxe évident a été prise par la papauté. C’était, en quelque sorte, nier le vœu de pauvreté de François[20]. Par contre le choix a été fait de la couleur, dans une architecture gothique avec sa structure singulière, à la manière de ce qui se faisait en France. C'est l’un des premiers jalons de la pénétration du gothique en Italie, sur des modèles angevins et bourguignons, avec de grandes fenêtres à vitraux réalisés par des verriers germaniques[21]. Des recherches publiées en 2013[22] ont montré que, si les fonds provenaient de Rome, les décisions portant sur les choix iconographiques et décoratifs revenaient aux franciscains d’Assise. Ainsi, pour ce qui concerne ces peintures, les détails des commandes passées à Cimabue sont bien à l’initiative des frères et d’eux seuls.
En général, les églises des ordres mendiants étaient divisées entre l’espace réservé aux frères, à proximité du grand autel, et l’espace réservé aux laïques. Une cloison percée d’ouvertures, ou, au moins, une poutre faisait office de séparation. Le plus souvent, une image de Marie y décorait l’espace des laïques. Des peintures monumentales représentant la Vierge et l’Enfant, ou Maesta, étaient particulièrement populaires. Les frères favorisaient la création de « confraternités » qui se rassemblaient pour chanter des hymnes en priant la Vierge devant ces grandes images. Une Maesta pouvait aussi être l’objet de prières et de chants de la part des frères (Saint François en a composé).
Dans ce contexte la Maesta est devenue un leitmotiv des églises d’Italie à la fin du XIIIe siècle. Cimabue en peint quatre, dont deux pour les franciscains : la fresque dans l’église basse d’Assise, et le grand panneau originellement pour l’église Saint François, à Pise, actuellement au Louvre. On y décèle l’émergence d’un réalisme « optique » (le point de vue oblique sur le trône, premier essai de perspective dans la théologie du naturalisme de la Pré-Renaissance) ainsi qu’une nouvelle fonction des images de la Madone. Par ailleurs, de telles commandes, de la part des franciscains, montrent l’affinité particulière de François pour Marie. Cette relation était liée à l’église de Santa Maria degli Angeli, de Porziuncola, l’endroit attaché à la fondation de l’Ordre et le lieu des miracles les plus significatifs de la vie de saint François.
Dans l’église basse d’Assise, la Maesta peinte à fresque se situe sur la tombe des cinq premiers compagnons de François, à Santa Maria degli Angeli, là où il a reçu les stigmates. La figure de saint François est à la droite de la madone pour le dévot, c’est aussi la figure la plus proche du grand autel qui est aussi le tombeau du saint. Cette Maesta, avec l’image de François en faisait un centre de dévotion important. Sur la foi d’une légende, de nombreux pèlerins espéraient la rémission de leurs péchés en faisant le pèlerinage. Ils passaient devant la Maesta, déposant leurs offrandes dans l’église basse, après avoir participé à la messe et reçu la communion dans l’église haute, et sur le chemin de leur pèlerinage à Porziuncola[23]. Cette peinture, de très grande importance pour les franciscains, a été repeinte de nombreuses fois et le travail de Cimabue a, en grande partie, été effacé.
Le peintre a eu la mission de créer, pour Assise, une version franciscaine de la Madone sur le trône, pour commémorer les premiers moments de l’Ordre. De telles innovations aidaient les franciscains à se démarquer des autres ordres mendiants. Les églises d’alors contenaient de nombreuses images, des monuments commémoratifs, des tombeaux de saints, d’hommes d’église et de laïques, des tombeaux anciens ou très récents, qui invitaient à faire du présent un constant travail de mémoire tourné vers le passé, la messe en étant l’acte central, en mémoire de la « Dernière Cène ». Les rituels servaient ainsi à générer les souvenirs d’une société, ce que Maurice Halbwachs appelait une « mémoire collective ». Ici, on renouait les liens initiaux entre saint François, la Vierge et l’Enfant.
Les commanditaires, franciscains, étaient motivés par leur foi et les représentations mystiques qui touchaient, en particulier, le domaine de l’image dont ils percevaient la valeur métaphysique. Et c’est pour des motifs relevant d’une mystique de la lumière[24] et avec la conviction que la préparation du blanc de plomb relevait de l’alchimie[25] que Cimabue fit usage du blanc de plomb pour les fresques de l’abside (ce qui a entraîné, ultérieurement l’inversion des valeurs, ce blanc mêlé aux couleurs devenant noir avec le temps). Comme les fenêtres à vitraux étaient en place au moment de la mise en place des fresques, Cimabue a pu réaliser l’effet de cette lumière colorée mouvante, au fil de la journée. La théologie de la lumière[N 1] dans l’espace avait été l’élément fondateur de l’architecture gothique, avec la pensée de Suger lorsqu’il avait conçu les tout premiers vitraux de l’histoire, à l’abbaye de Saint Denis, près de Paris [26]. Ainsi la dominante de sa palette à base de ce blanc de plomb allait d’autant plus briller que ce blanc était censé être plus « lumineux » que les autres. Le résultat actuel est tout à fait surprenant.
Le peintre et ses commanditaires franciscains se sont ainsi engagés dans des idées, purement intellectuelles et théologiques, qui portaient sur les matériaux et les matières picturales, la mémoire, la beauté et l’expérience, créant avec tout cela des œuvres novatrices qui célébraient l’Ordre et rendaient possibles de nouveaux types de dévotion chrétienne.
C’est aussi ce que l’on peut constater si l’on s’étonne de l’aspect « transparent » du périzonium, le voile qui enveloppe le bas du corps du Christ crucifié, tel qu’il est peint par Cimabue dans la basilique Santa Croce de Florence. Cette église, les franciscains l’ont reconstruite probablement ou moment de la commande de la croix en question, dans les années 1280, après que les dominicains aient construit de leur côté l’impressionnante Santa Maria Novella en 1279. Après une autre rénovation, achevée en 1295, la croix était probablement en place [27]. Pour les franciscains, la quasi-nudité du Christ est l’emblème de sa pauvreté. Mais cette nudité est aussi intimement liée à la sainteté de François, dans sa proximité avec le Christ[28]. Dans un geste resté fameux, François, fils de drapier, s’était dépouillé de son vêtement pour un mendiant, en signe de renonciation à la vie mondaine. Saint Bonaventure, héritier direct de la pensée de François, rappelle qu’« en toute circonstance il voulait sans aucune hésitation être conforme au Christ crucifié, suspendu à sa croix, souffrant et nu. Nu, il s’était trainé devant l’évêque au début de sa conversion, et pour cette raison, à la fin de sa vie, il a voulu quitter ce monde nu ». Les franciscains attachaient la plus grande importance à cet acte symbolique. Un acte, donc, hautement significatif que cette peinture de périzonium transparent.
Toujours en étudiant le Christ en croix de Santa Croce, si on le compare avec des peintures exécutées auparavant ou à la même époque, tous les spécialistes ont relevé les mêmes innovations évidentes. Ainsi les membres du corps, aux articulations, ne sont plus indiquées par des traits de séparation – ce qui se pratiquait dans la peinture byzantine - mais par des muscles tendus, bien identifiables quoique représentés dans leur volume avec douceur. C’est avec le même souci de naturalisme que le volume de l’abdomen est rendu par les muscles apparents d’un corps amaigri. La chair de l’abdomen, elle-même, est traitée avec de très subtils passages dans le modelé, quand la tradition se contentait de quelques ruptures nettes. Le Christ de Florence est donc de beaucoup plus naturel que tous ceux qui l’avaient précédé et même, bien plus que le Christ d’Arezzo, qu’il avait peint au début de sa carrière, pour les dominicains. Ici, dans cette église franciscaine, le naturalisme avec lequel est représenté le corps du Christ met l’accent sur le fait que c’est en tant qu’homme qu’il est crucifié. Avoir mis l’accent sur ce signe est en parfait accord avec la théologie de l’Incarnation. Les franciscains y attachaient la plus haute importance pour comprendre et faire l’expérience de Dieu[29].
Bien qu’il s’agisse d’un des peintres les plus importants de la peinture occidentale, Cimabue n’échappe pas au sort de nombreux artistes du duecento (XIIIe siècle) pour lesquels nous n’avons que très peu d'informations documentées. De plus nous n’avons qu’un seul document concernant le jeune Cimabue (daté de 1272), tous les autres documents précèdent de quelques mois seulement sa mort (de à ).
Cimabue comparaît à Rome, en tant que témoin d'un acte notarié[N 2], relatant l’adoption de la règle augustinienne par les moniales de l’ordre de Saint-Pierre Damien (franciscain) qui avaient fui l’Empire Byzantin (« de Romanie exilio venientes »). Parmi les nombreux témoins (« aliis pluribus testibus »), seuls sept sont nommés : cinq religieux (le dominicain fra Rainaldo, évêque de Marsica et qui en 1273 sera élu évêque de Messine ; Pietro, chanoine de Santa Maria Maggiore, membre de la grande famille romaine des Paparoni ; fra Gualtiero da Augusta, un autre dominicain ; Gentile et Paolo, chanoines de l’église San Martino ai Monti et Armano, prêtre de San Pietro in Clavaro) et seulement deux laïcs : Jacopo di Giovanni, de la célèbre famille romaine del Sasso et enfin Cimabue (« Cimabove, pictore de Florencia »). Mais surtout deux personnalités prestigieuses sont présentes, en tant que protecteurs des moniales : le dominicain fra Tommaso Agni (it), tout juste nommé patriarche latin de Jérusalem (1272-1277), envoyé personnel du pape Grégoire X (1272-1276) et le cardinal Ottobuono Fieschi, neveu du pape Innocent IV (1243-1254) et futur pape sous le nom d'Adrien V (1276).
Ce document montre ainsi Cimabue – vraisemblablement âgé d'une trentaine d'années pour pouvoir témoigner – considéré comme une personne de qualité, au milieu de hautes personnalités religieuses, notamment dominicaines, ordre pour lequel il avait déjà réalisé le grand Crucifix d'Arezzo.
Il s'agit de la commande d'un polyptyque muni d'une prédelle par l’Hôpital Santa Chiara de Pise[N 3] à Cimabue (« Cenni di Pepo ») et « Nuchulus » : « un tableau avec des colonnettes, des tabernacles, une prédelle, représentant les histoires de la divine et bienheureuse Vierge Marie, des apôtres, des anges et autres figures également peintes »[N 4].
évoque les rémunérations des journées de Cimabue (« Cimabue pictor Magiestatis ») travaillant sur la mosaïque absidiale du dôme de Pise[N 5].
Le dernier document - celui du - indique que Cimabue a réalisé le saint Jean (« habere debebat de figura Sancti Johannis »), qui est ainsi l’unique œuvre de Cimabue documentée.
Dans un document cité par Davidsohn en 1927[30] mais non retrouvé, il est mention des héritiers de Cimabue (« heredes Cienni pictoris »)[31].
La Société des Piovuti reçoit une nappe anciennement propriété de Cimabue[31]. Cimabue, n'étant pas pisan, il semble peu probable qu'il ait été membre de la Compagnia dei Piovuti, réservée aux citoyens pisans (peut-être le propriétaire de son logement).
En résumé, nous n'avons donc que très peu d’informations documentées concernant la vie de Cimabue: il est né à Florence, était présent à Rome le ; il œuvra à Pise en 1301 et 1302, exécutant le Saint Jean et il est mort en 1302.
Tous les autres éléments biographiques découlent soit des textes anciens - tous posthumes - soit de l'étude de son œuvre.
La majorité des historiens d'art la situent vers 1240 pour entre autres les raisons suivantes :
Son vrai nom Cenni di Pepo (forme ancienne de « Benvenuti di Giuseppe »[34]) ne nous est connu que par le document du (la commande du polyptyque Santa Chiara de Pise).
Le prénom Giovanni ne figure sur aucun document historique : il semblerait donc que cela soit une erreur tardive (XVe siècle) de Filippo Villani, malheureusement rapidement propagée par l'Anonyme Magliabechiano[35] et surtout les Vite de Vasari. Il sera utilisé jusqu'en 1878 !
Partout ailleurs c’est son surnom « Cimabue » qui est utilisé et qui passera à la postérité. Deux interprétations de ce surnom prédominent, suivant que l’on considère « cima » comme substantif ou comme verbe. Comme substantif ('sommet' ou 'tête'), Cimabue pourrait alors être compris comme « tête de bœuf », surnom qualifiant généralement une personne obstinée, têtue. Pour un autre exemple, on pourrait citer le surnom de Volterrano : Cima de buoi. Comme verbe (cimare : au propre 'couper, écimer' ; au figuré : 'écorner, railler'), Cimabue signifierait un homme fier, méprisant[34],[36]. Cette deuxième acception semble être confirmée par les études étymologiques[N 6], par la citation de Dante au chant XI du Purgatoire, chant consacré aux orgueilleux, et surtout par le commentaire de l'Ottimo Commento, ouvrage daté de 1330, commentaire écrit donc quelque temps après la mort de l’artiste et qui pourrait fort bien rapporter une tradition populaire encore vivante :
« Cimabue fut un peintre de Florence, de l'époque de notre auteur (Dante), très important, que tout un chacun connaissait ; mais il était tellement arrogant et fier avec cela, que si quelqu’un découvrait un défaut dans son travail, ou s'il en avait perçu un lui-même (comme cela arrive souvent à l'artiste qui échoue du fait de son matériel, ou des défauts des instruments qu’il utilise), il abandonnait immédiatement ce travail, aussi coûteux soit-il. »
Ce texte fut repris entre autres par Giorgio Vasari[33], qui lui assura une large diffusion. Il montre à la fois un homme fier, orgueilleux, de fort caractère, mais surtout extrêmement exigeant envers lui-même et son art, notamment dédaigneux des considérations matérielles. Cette attitude qui nous parait extrêmement moderne, est étonnante pour un artiste du XIIIe siècle, où le peintre est avant tout un humble artisan, travaillant au sein d’un atelier, encore bien souvent de manière anonyme. Aussi Cimabue préfigure la révolution du statut de l’artiste, généralement située à la Renaissance. Ceci, et le fait que Cimabue est florentin expliquent que la biographie de Cimabue ouvre le célèbre ouvrage des Vite de Vasari, cet ensemble de biographies à la gloire de Florence qui mène à celle de Michel-Ange, figure de l’artiste créateur par excellence[N 7].
Diptyque de dévotion composé de huit panneaux représentant des scènes de la Passion du Christ dont seuls quatre panneaux du volet gauche sont connus :
Cette fresque a été restaurée en 2014. Une vue de cette restauration a été publiée dans la presse[39].
Un panneau de Cimabue, La Dérision du Christ, a été adjugé à 24,18 millions d’euros le 27 octobre 2019 à Senlis, record mondial pour un panneau de cet artiste[41],[42]. Ce tableau avait refait surface dans une collection privée près de Compiègne, échappant de peu à la déchetterie. Il devient aussi le tableau primitif le plus cher vendu aux enchères.
En , le gouvernement annonce que le tableau est déclaré trésor national, et de ce fait interdit de sortie du territoire [43],[44].
L'influence de Cimabue fut majeure pendant le dernier tiers du XIIIe siècle, notamment en Toscane.
À Florence tout d'abord, son influence est visible sur les peintres en activité : Meliore (même avant son devant d’autel de 1271, aujourd’hui aux Offices), le jeune Maître de la Madeleine et ses élèves Corso di Buono et le remarquable Grifo di Tancredi; mais aussi Coppo di Marcovaldo (cf. Madone de l’église Santa Maria Maggiore à Florence) et son fils Salerno di Coppo. Parmi les continuateurs anonymes, très proches du maître, on peut citer : le Maître de la Madone San Remigio, le Maître de Varlungo (it), le Maître de la chapelle Velutti, le Maître du crucifix Corsi, le Maître de la Croix de San Miniato al Monte... Enfin il y a évidemment Giotto.
À Sienne, il influence tous les grands peintres siennois Dietisalvi di Speme, Guido da Siena, Guido di Graziano, mais aussi Vigoroso da Siena[45] et Rinaldo da Siena, et bien entendu, son grand disciple : Duccio.
À Pise, l'influence de Cimabue est plus limitée du fait du rayonnement du Maître de Saint-Martin/Ugolino di Nerio, qui domine le troisième quart du XIIIe siècle. On peut cependant citer le lucquois Deodato Orlandi et le tardif Maître de San Torpè.
En Ombrie, les fresques de Cimabue n'ont pas eu de réelles influences sur la peinture locale - même si sur le chantier d'Assise elle est notable sur le Maître de la capture du Christ et le Maître de la montée au Calvaire. Ce constat s'explique du fait de maîtres locaux importants (citons le Maître de Saint-François et le Maître de Sainte-Claire/Maître de Domina Benedicta) et surtout par la révolution giottesque qui a suivi de peu. Dans le domaine de l'enluminure, on ne peut oublier le Maître des missels de Deruta-Salerno. L'influence à Orvieto est indirecte, liée à la présence de Coppo di Marcovaldo et de son fils Salerno.
À Rome, les fresques du Maître de Sancta Sanctorum, le principal auteur de la décoration de l'oratoire de Sancta Sanctorum (vers 1278 et 1280) montrent de nombreuses et très fortes similitudes avec les fresques d'Assise de Cimabue[46]. L'influence de Cimabue est aussi visible sur Jacopo Torriti mais bien moindre[47]. On peut aussi citer l'auteur du grand Crucifix peint (vers 1275-80) de la Walters Art Gallery (Baltimore)[48],[49]. Enfin, les fresques dégradées du prétendu temple de Romulus de l'église Santi Cosma e Damiano - peut-être dues au Maître de Sancta Sanctorum[46] sont clairement cimabuesques.
Enfin par l'intermédiaire de Manfredino di Alberto la leçon de Cimabue s'étend jusqu'à Gênes et Pistoia.
« [Cimabue] triompha des habitudes culturelles grecques qui semblaient passer de l’un à l’autre : on imitait sans jamais rien rajouter à la pratique des maîtres. Il consulta la nature, corrigea en partie la raideur du dessin, anima les visages, plia les tissus, plaça les personnages avec beaucoup plus d’art que ne l’avaient fait les Grecs. Son talent ne comportait pas la grâce ; ses Madones ne sont pas belles, ses anges dans un même tableau sont tous identiques. Fier comme le siècle où il vécut, il réussit parfaitement les têtes des hommes de caractère et spécialement celles des vieillards, leur imprimant un je ne sais quoi de fort et de sublime que les modernes n’ont pu dépasser. Large et complexe dans les idées, il donna l’exemple des grandes histoires et les exprima en grandes proportions. »
— Luigi Lanzi
Son influence est immense dans toute l'Italie centrale entre 1270 et 1285 environ. Les deux tiers du livre de Marques consacré au duecento concerne le cimabuisme, l'influence de Cimabue. :
« Avec ses surprenantes capacités d’innovation et avec la puissance imaginative qui lui a permis les grands effets d'Assise, Cimabue fut de loin le peintre le plus influent de toute l’Italie centrale avant Giotto ; mieux : il en fut le point de référence. »
— Luciano Bellosi
Notre connaissance de Cimabue ne peut faire abstraction de deux textes, presque systématiquement cités à la moindre évocation de Cimabue : les vers du Purgatoire de Dante et la biographie des Vite de Vasari[N 9].
Dante (1265-1321) témoin oculaire de Cimabue, l’évoque dans un célèbre passage (XI, 79-102) du Purgatoire, le deuxième volet de la Divine Comédie, lors du passage de Dante et Virgile sur la première corniche ou premier cercle, celui où souffrent les orgueilleux. L’un d’entre eux reconnaît Dante et l’appelle, Dante répond :
79 | «Oh!», diss' io lui, «non se' tu Oderisi, l'onor d'Agobbio e l'onor di quell' arte ch'alluminar chiamata è in Parisi?». |
« Oh » ! lui dis-je, « n'es-tu pas Oderisi, l’honneur de Gubbio et l’honneur de cet art qu’on appelle à Paris enluminure ? » |
82 | «Frate», diss' elli, «più ridon le carte che pennelleggia Franco Bolognese; l'onore è tutto or suo, e mio in parte. |
« Frère », dit-il, « les feuillets où met ses pinceaux Franco Bolognese sont plus riants; l’honneur est tout à lui, je n'en ai qu'une part. |
85 | Ben non sare' io stato sì cortese mentre ch'io vissi, per lo gran disio de l'eccellenza ove mio core intese. |
Je n’aurais pas été aussi courtois pendant ma vie, à cause du grand désir de l’excellence où mon cœur aspirait. |
88 | Di tal superbia qui si paga il fio; e ancor non sarei qui, se non fosse che, possendo peccar, mi volsi a Dio. |
De cet orgueil on paie ici la dette; et je n'y serais pas encore si ce n'était que, pouvant pécher, je me tournai vers dieu. |
91 | Oh vana gloria de l'umane posse! com' poco verde in su la cima dura, se non è giunta da l'etati grosse! |
Oh ! vaine gloire de la puissance humaine ! Comme il dure peu le vert sur votre cime, s'il n'est suivi par des temps plus grossiers ! |
94 | Credette Cimabue ne la pittura tener lo campo, e ora ha Giotto il grido, sì che la fama di colui è scura. |
Cimabue crut, dans la peinture tenir le champ, et Giotto à présent a le cri, si bien que la gloire de l'autre est obscure. |
97 | Così ha tolto l'uno a l'altro Guido la gloria de la lingua; e forse è nato chi l'uno e l'altro caccerà del nido. |
Ainsi un Guido a pris à l’autre la gloire du langage ; et peut-être est-il né celui qui chassera l'un et l’autre du nid. |
100 | Non è il mondan romore altro ch'un fiato di vento, ch'or vien quinci e or vien quindi, e muta nome perché muta lato. |
La rumeur du monde n'a qu'un souffle de vent, qui tantôt vient de là, tantôt d'ici, et change de nom en changeant de côté. |
Dante, Purgatoire, XI, 79-102 | Traduction J. Risset |
Il faut expliquer ici la profonde symbolique des lieux : celle du purgatoire et plus précisément celle de la corniche des orgueilleux.
Le Purgatoire a été officiellement reconnu par l’Église chrétienne en 1274, lors du deuxième concile de Lyon. Jusque-là, les royaumes de l'au-delà étaient officiellement deux : Enfer et Paradis. Ce « troisième lieu » intermédiaire où l’on purge ses péchés véniels, fait ainsi passer le dogme d'un schéma binaire (bien/mal, enfer/paradis) à une structure ternaire (bien et mal pris dans la logique dialectique d'une nouvelle répartition des âmes entre Enfer, Purgatoire et Paradis).
Avec la Divine Comédie, écrite juste quelques décennies plus tard, cette idée neuve du Purgatoire acquiert pour la première fois une représentation majestueuse, un espace total, « montagne au milieu de la mer, dans la lumière du soleil, habitée par les anges, rythmée par les manifestations de l'art – sculptures, chants, rencontres de poètes » (J. Risset[50]). Cette montagne est constituée de sept cercles ou corniches dont la circonférence diminue en allant vers le sommet, correspondant aux sept péchés capitaux, dans l'ordre : l'orgueil, l'envie, la colère, la paresse, l'avarice, la gourmandise et la luxure. Dante et son guide Virgile vont parcourir ces sept corniches, se purifiant, s'élevant au double sens physique et spirituel. Le Purgatoire est ainsi « le lieu où l'on change – lieu de la métamorphose intérieure » (J. Risset[51]), lieu intermédiaire « en rapport avec la problématique de l'Incarnation, et, par voie de conséquence, avec tous les champs où l'homme se manifeste comme créature incarnée, double, en chemin vers Dieu et la vérité dévoilée, dépositaire d'un savoir précisément intermédiaire et voilé : c'est le champ de l'art. » (J. Risset[52]).
Ainsi la première corniche - celle des orgueilleux - est presque par défaut celle des artistes, et Dante lui-même, le voyageur Dante « sait qu'il viendra, après sa mort, au Purgatoire; il sait déjà dans quelle corniche : celle des orgueilleux. »[N 10]. Il convient donc de relativiser quelque peu l'affirmation selon laquelle seul l'orgueil de Cimabue expliquerait son évocation sur la corniche des orgueilleux.
Enfin un mot sur l’hypothèse de Douglas[53] – selon laquelle Dante placerait Cimabue dans une position aussi prestigieuse pour exalter un concitoyen florentin, elle est contredite par les autres artistes évoqués, Dante opposant à un miniaturiste ombrien (Oderisi da Gubbio) un Bolonais (Franco (it)), et à un poète Émilien (Guido Guinizelli) un Florentin (Guido Cavalcanti)[54].
Parmi les sources littéraires du Trecento se trouvent les commentaires de La Divine Comédie qui commentent les vers ci-dessus, notamment ceux de :
On désigne par ce nom de convention un des plus importants commentaires datant du trecento de la Divine Comédie de Dante Alighieri, dont on possède jusqu'à 34 manuscrits :
« Fu Cimabue nella città di Firenze pintore nel tempo dello Autore, e molto nobile, de più che uomo sapesse; e con questo fu sí arrogante, e si sdegnoso, che se per alcuno gli fosse a sua opera posto alcuno difetto, o egli da sé l’avesse veduto (che, come accade alcuna volta, l’artefice pecca per difetto della materia in ch'adopera, o per mancamento che è nello strumento, con che lavora) immantenente quella cosa disertava, fosse cara quanto si volesse. »
« Cimabue fut un peintre de Florence, de l'époque de notre auteur (Dante), très important, que tout un chacun connaissait ; mais il était tellement arrogant et fier avec cela, que si quelqu’un découvrait un défaut dans son travail, ou s'il en avait perçu un lui-même (comme cela arrive souvent à l'artiste qui échoue du fait de son matériel, ou des défauts des instruments qu’il utilise), il abandonnait immédiatement ce travail, aussi couteux soit-il. »
Ottimo Commento della Divina Commedia - (éd. Torri 1838, p. 188), repris in [Benkard 1917][55] et [Battisti 1967][56].
Ce texte fut presque intégralement repris par Vasari dans sa vie de Cimabue[33].
Dans une lettre (XXXII) de 1473 pour Bellosi[57], 1474 pour Battisti[58], dédiant au duc d’Urbino Frédéric de Montefeltre (federicum feretranum urbini) sa traduction en latin de la Vie d'Apollonios de Tyane de Philostrate, Alamanno Rinuccini (1426-1499) cite Cimabue, aux côtés de Giotto et de Taddeo Gaddi, parmi les génies qui illustrèrent les arts avant les peintres du Quattrocento (et parmi eux Masaccio, Domenico Veneziano, Filippo Lippi et Fra Angelico) :
« Cogitanti mihi saepe numero, generosissime princeps Federice, […] Atque, ut ab inferioribus profecti ad maiorem tandem veniamus, sculturae picturaeque artes, iam antea Cimaboi, Iocti, Taddeique Gaddi ingeniis illustratas, qui aetate nostra claruerunt pictores, eo magnitudinis bonitatisque perduxere, ut cum veteribus conferri merito possint […] »
— Lettere ed Orazioni (éd. Giustiniani 1953), p. 106 cité in [Battisti 1967 US], p. 94
Cristoforo Landino (1425-1498), dans la préface à son édition de la Divine Comédie de 1481, présentant les Florentins remarquables en peinture et en sculpture, commence précisément par Ioanni Cimabue[59] :
« Fu adunque el primo Joanni fiorentino cognominato Cimabue che ritrovò e liniamenti naturali et la vera proportìone, la quale e greci chiamano Symetria; et le figure ne' superiori pictori morte fece vive et di vari gesti, ci gran fama lasciò di sé: ma molto maggiore la lasciava, se non avessi avuto sì nobile successore, quale fu Giotto fiorentino coetaneo di Dante. »
— Landino, texte établi selon [Battisti 1967 US], p. 94-95
.
« Le premier fut donc Giovanni, un Florentin nommé Cimabue, qui retrouva à la fois les lignes naturelles des physionomies et la véritable proportion que les Grecs nomment symetria ; et il rendit la vie et l’aisance des gestes aux personnages qu’on aurait dits morts chez les anciens peintres; il laissa après lui une grande réputation. »
— traduction in [BELLOSI 1998 FR], p. 13
.
Dans ce passage, Landino, responsable de la première édition révisée de l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien en 1469 et de sa traduction italienne en 1470, semble pasticher[60] la biographie du célèbre peintre grec Parrhasios :
« Parrhesius d'Éphèse contribua beaucoup, lui aussi, au progrès de la peinture. Il a le premier observé la proportion [Primus symmetriam picturae dedit], mis de la finesse dans les airs de tête [primus argutias voltus], de l'élégance dans les cheveux [elegantiam capilli], de la grâce dans la bouche [venustatem oris], et, de l'aveu des artistes, il a remporté la palme pour les contours [confessione artificum in liniis extremis palmam adeptus]. »
— Pline l'Ancien, Histoire naturelle, livre XXXV, 36, §7, traduction E. Littré (1848-50)
.
La biographie de Cimabue constitue la première des Vite de Giorgio Vasari (1511-1574).
Il n’existe aucun portrait connu de Cimabue. Vasari s’est semble-t-il inspiré d’une figure de la fresque intitulée Triomphe de l'Église militante réalisée vers 1365 ! par Andrea di Bonaiuto à la chapelle des Espagnols, Santa Maria Novella, Florence[61].
Si on se réfère à la fois aux deux éditions des Vite (celle de 1550 et celle de 1568), Vasari attribue en tout quinze œuvres à Cimabue.
Cinq d’entre elles n’existent plus :
Parmi les œuvres évoquées et qui nous sont parvenues, quatre seulement sont considérées comme de Cimabue :
Les six dernières œuvres évoquées ne sont plus aujourd'hui attribuées à Cimabue :
Quant à la collaboration avec Arnolfo di Cambio à la construction du dôme de Florence, aucun texte ni étude n'a confirmé l'assertion de Vasari. Plus généralement l'activité de Cimabue en tant qu'architecte n'est pas documentée. Il y a peut-être une volonté rhétorique de Vasari d'annoncer l'activité de Giotto architecte.
Auxquelles il faut ajouter les études sur le duecento de
La bibliographie ci-dessous (non exhaustive) s’appuie principalement sur celles fournies par Battisti (1967)[76], Boskovits (1979)[82] et Bellosi (1998 FR)[78].
1315
1473
1540 environ
1568
1795
1878
1888
1896
1903
1917
1927
1932
1948
1955
1963
1964
1965
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2011
2015
2018
2021
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