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destruction naturelle ou humaine d'espaces boisés De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le défrichement (ou défrichage) est la destruction naturelle (glaciations quaternaires, tempêtes, gel, incendies : défrichement naturel)[1] ou humaine (défrichement anthropique) d'espaces boisés, de forêts (ou étymologiquement) de « friche », quand il s'agit de mettre fin à l'état boisé, généralement pour convertir la parcelle forestière en un autre usage (cultures, prairies, vignes, habitat…). La friche désigne ici — au sens ancien du terme — une forêt en début de régénération naturelle, un taillis ou une lande, etc. Il se fait par coupe rase suivi de dessouchage, ou par le feu[2]. Sa définition juridique est en France[3] « toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d’un terrain et de mettre fin à sa destination forestière ».
Les premiers défrichements significatifs remontent, au moins en Europe, au milieu du Néolithique et ils pourraient être bien antérieurs dans certaines zones de Chine, Mésopotamie, Moyen-Orient.
Quand Jules César envahit la Gaule, il y a un peu plus de 2 000 ans, il ne se dit gêné par la forêt qu'en « Belgique » (zone qui correspondrait aujourd’hui aux Pays-Bas, à l'actuelle Belgique et au Nord et à l'Est de la France).
Les grands défrichements du Moyen Âge central témoignent de l’augmentation des surfaces cultivées (ager) aux dépens des terres incultes (saltus), forêts, landes et marais ; le recul généralisé de la forêt en Occident atteint son apogée aux XIIIe et XIVe siècles. Mais les rythmes et les modalités de ces déboisements dépendent de contextes pédologiques, écopaysagers, sociopolitiques et géopolitiques variées, que reflète une documentation inégale.
Les grands défrichements qui se poursuivent à un rythme régulièrement accéléré dans les forêts équatoriales et tropicales depuis le début du XXe siècle ont un impact écologique majeur sur les sols[4], sur les cycles biogéochimiques et sur la biodiversité.
Les auteurs et chroniqueurs anciens évoquent maints exemples de déboisements qu'ils jugent excessif généralement engendrés par les besoins du pouvoir (construction de palais, de vastes enclos…) et des guerres ;
La région de la Palestine et en particulier la contrée de Chanaan décrite par la Bible hébraïque, comme le pays le plus fertile de l'univers s'est désertifiée, peut-être à la suite de la destruction de ses forêts. De même pour les forêts de cèdres du Liban également décrites par la Bible ; « avec la multiplicité de mes chariots, je suis monté sur le haut des montagnes ; sur le sommet du Liban, j'ai abattu les superbes cèdres et les plus beaux des sapins, j'ai pénétré jusqu'à l'extrémité de ses limites et de sa forêt. » peut on lire au chapitre IV, du livre des Rois, mais il ne reste qu'un sol aride là où poussait jadis la forêt d'Éphraim ; lieu d'une bataille avec les Éphraïmites, que les textes ont mémorisé (« les « L'armée marcha dans un combat contre Israël, et la bataille fut donnée dans la forêt d'Éphraim »[8].
Selon les textes de Jules César, le défrichement était déjà bien avancé dans le Sud et Sud-Ouest de la Gaule quand il y est arrivé.
Les défrichements médiévaux semblent avoir eu comme principales causes ou facteurs de facilitation :
Ces différents facteurs ont pu donner confiance en l'avenir, encourager de grandes entreprises de défrichement et ont peut-être été en partie à l'origine d'une forte croissance démographique aux XIe, XIIe et XIIIe siècles. La population européenne serait alors passée de 38 millions au début du Xe siècle à plus de 75 millions au début du XIVe siècle.
Cette « ère des grands défrichements » (expression de Marc Bloch[11]) qui est ouverte dans la plupart des régions à partir de 1050, semble avoir ralenti au milieu du XIIe siècle par exemple en Normandie et dans le Haut-Poitou et plus tardivement dans le Bassin parisien (vers 1230-1250) ainsi que dans les plaines germaniques (vers 1340). Ils n'ont néanmoins jamais cessé jusqu'à une période récente (sauf durant quelques décennies dans plusieurs régions ravagées par la peste noire ou la guerre de Cent Ans). Les défrichements monastiques médiévaux sont globalement mineurs, concernant essentiellement des espaces que les communautés rurales n’ont pas ouvert du fait de terrains difficiles, les cisterciens privilégiant notamment les fonds bourbeux et les vallées humides pour y installer des pâturages au sein de forêts dont l'ombrage des arbres profite au bétail[12]. Les communautés paysannes sont confrontées à une première rupture de l'équilibre agro-sylvo-pastoral vers 1300[13]. En raison du manque de prés, la surcharge pastorale est compensée par l'assolement triennal et la vaine pâture sur les chaumes et les jachères et, dans les paroisses les mieux dotées, sur les terrains usagers[14].
Une ordonnance de Colbert met ensuite un premier coup de frein au recul de la forêt royale et d’État, mais les défrichements se poursuivront jusqu'au XIXe siècle, jusqu'aux pieds et flancs des montagnes.
La statistique des forêts de 1791 donnait un total de 9 589 869 ha de forêt en France[15], alors que celle de 1840 donne les chiffres suivants pour la France métropolitaine[15] :
Forêts | Surface |
---|---|
Forêts de la couronne | 52 972 ha |
Forêts de l'État | 1 048 907 ha |
Forêts de l'État et des communes | 7 333 966 ha |
Sol forestier | 368 705 ha |
Soit un total de | 8 804 550 ha |
À cette époque les cahiers de doléance du tiers-État et de nombreux courriers ou rapports des administrations forestières ou de préfets de départements montrent que nombre d'acteurs ont clairement conscience des dégâts collatéraux induits par ces défrichements.
Au milieu du XIXe siècle, c'est la Grande-Bretagne qui dans l'Europe d'alors est la plus déboisée, alors que la Suède est la plus boisée, la France étant classée selon Becquerel dans une position médiane entre ces deux extrêmes[15].
Les statistiques françaises de 1840 donnent pour la France métropolitaine 21 729 102 hectares de pâtis, pâturages. Si l'on retranche de cette superficie 5 774 745 hectares de prairies naturelles et artificielles il reste donc 15 954 357 hectares ou 30,2 % de la superficie totale de la France en jachères, pâtures et pâtis, étendue considérable qui est à la disposition de l'agriculture, mais comme le pressent Becquerel, « il arrivera un temps, en raison de l'accroissement de population, où il n'existera plus de jachères, ni de landes cultivables »[15].
Le recensement de 1850 (publié par Le Moniteur, mars 1851) donne (mais avec un mode de calcul et de classification différent)[15] :
Soit un total de 8 860 133 ha et une perte de 729 736 ha en soixante ans.
Concernant la forêt domaniale sa superficie qui était de 1 214 566 ha en 1820 (statistique de 1821) a été réduite à 1 077 046 ha en 1858[16], soit une perte de 139 520 ha en un peu moins de 40 ans (de 1820 à 1858)[15].
Becquerel fait le calcul qu'au rythme de défrichement des années 1850, on aura défriché (en forêt privée en majorité, et pour l'agriculture essentiellement) en un siècle environ 3 100 000 ha (sur un total de 8 804 550 subsistant à cette époque (soit 35 % du patrimoine national)[15]… alors même qu'étaient également disponible en France « 15 954 745 ha de jachères, pâtures et pâtis cultivables »[15] et qu'à cette époque le rendement des cultures céréalières avait assez augmenté pour dépasser les besoins du pays[17].
Depuis 1860[18], l'administration des forêts est également missionnée pour reboiser des terrains autres que les terrains domaniaux ou communaux soumis au régime forestier, mais Becquerel note qu'elle ne fait que des reboisements en montagne (pour lesquels des subventions sont accordées par l’État)[15]. Selon l'administration des forêts, il n'a été reboisé qu'environ 1 000 ha en moyenne annuelle pendant que l’État avait autorisé le déboisement d'environ 31 000 ha, soit moins de 30 fois ce qu'il aurait fallu pour compenser les pertes. De plus note Becquerel lors de ces boisements les graines et plants de résineux et bouleaux ont été fortement privilégiés au détriment du chêne et d'autres feuillus (par rapport au nombre d'arbres abattus) ; Becquerel déplore que « l'aménagement des forêts en futaies de chêne, le seul véritablement conservateur (selon lui), ne convient qu'à l'État et aux établissements publics; les particuliers étant conduits par la force irrésistible des choses à exploiter des bois en taillis à courte révolution et à hâter par là leur destruction »[15].
Au XXe siècle, le code forestier, mais aussi ceux de l'urbanisme et de l'environnement et des impôts concourent à freiner le défrichement, et imposent des amendes ou des mesures compensatoires en cas de coupes respectivement illégales ou à la suite d'une déclaration d'utilité publique.
La législation défrichement à proprement parler est en France contenue dans le livre III du Code forestier. Le code de l’urbanisme contient le régime des « espaces boisés classés » (art. L. 130-1 et suiv.) qui complète le code forestier par des règles d’autorisation de coupe qui peuvent ne concerner qu’un seul arbre ; alors que le code forestier n’est applicable qu’à partir d’une surface variant par département et pouvant être comprise entre 0,5 et 4 ha (art. L. 311-2, c. for.). Il n'en reste pas moins que la législation du code forestier est le principal rempart contre le changement de destination des sols, la conversion du sol forestier en sol à bâtir apportant souvent une plus-value considérable qui est à l’origine depuis plusieurs décennies de très nombreux défrichements en France au XXe siècle.
Elles sont encore difficiles à mesurer pour la Préhistoire et l'Antiquité, mais des animaux forestiers comme l'élan, les cervidés, le bison, le lynx, le castor en ont inévitablement souffert. Le régime des eaux également.
Ces conséquences sont mieux documentées pour la Période historique et en particulier à partir de la Période révolutionnaire.
L'abolition des privilèges et le partage des bois et prés communaux encourage à cette époque de nombreux riverains à se servir anarchiquement dans ce qui reste de la forêt antique, restes qui sont rapidement dévastés, parfois brûlés pour en revendre la cendre comme engrais, quand on n’y prend pas également l’humus pour le mettre sur les champs.
Les paysans vont en nombre se servir en forêt au point qu’il serait dangereux de s'y opposer estime le préfet de l’Ariège. Le député (et membre du comité d'agriculture) Jean-Baptiste Rougier de La Bergerie a réuni et vainement relayé auprès de l’Assemblée les vives réclamations remontées par les administrateurs de presque tous les départements concernant les effets dramatiques du déboisement, sur l’agriculture, le régime des eaux, l'érosion, le climat et la santé, ou sur l’Économie. Ils prédisent une grave crise sociale, agricole, économique et dirions nous aujourd’hui « écologique » si rien n’est fait pour stopper l’arasement et le défrichement de forêts. Nombre de ces documents ont été réunis par Rougier de la Bergerie dans son ouvrage Des Forêts de la France publié en 1817 [19].
Ainsi, rapporte également A.C. Becquerel[20], dès l'an II du calendrier révolutionnaire, les administrateurs de départements constatent un pillage des forêts et alertent le ministre de l'Intérieur et/ou les députés sur les dévastations de leurs forêts, notant que les défrichements entrainaient de brutaux changements de température, multipliaient et aggravait les inondations et sécheresse, faisaient manquer des récoltes.
Le Consulat édicte le 16 nivôse an IX une loi organique sur une nouvelle organisation forestière qui, selon Becquerel, « fit quelque bien sans arrêter toutefois la dévastation et le défrichement des forêts, qui continuaient encore en 1804, quand parurent par son ordre des extraits de statistiques des départements ».
Au tout début du XIXe siècle, la situation ne s'est pas améliorée : Le Play (polytechnicien formé par l'école des mines et classé parmi les sociologues paternalistes y voit un désastre social : ainsi écrit-il en 1901 : « La destruction des forêts de montagne, alors même qu'elle se justifie par l'intérêt du propriétaire, et un vrai désastre pour la population, le climat, le régime des eaux et l'exploitation des mines ; le mal n'a même plus de compensation quand le produit du défrichement est gaspillé avec une destination immorale » [23].
Peu après (en 1804) le général Sordiez (en tant que préfet des Basses-Pyrénées) écrit : « Le manque de bois semble faire une nécessité de faire des plantations, et particulièrement d'une espèce de chêne qu'on nomme le tauzy. Le défaut de bois a fait abandonner dans les montagnes de Baigorry une mine de fer spathique, dite mine d'acier, une forge et une fonderie. (../..) Les ressources que les forêts offraient à la marine ont sensiblement diminué. Les montagnes se dépouillent, et leurs cimes dépourvues de bois n'absorbent plus les eaux, celles-ci glissent sur une surface nue qu'elles sillonnent, se réunissent en grande masse et causent les plus grands ravages. (../..) On est d'ailleurs généralement convenu de l'influence des forêts sur l'atmosphère : l'agriculture, le commerce, les manufactures et la salubrité se réunissent pour prescrire de les repeupler promptement »[24].
Elle a conservé le souvenir de ces grands déboisements : Essarts, les Essarts (sens général), réduits à -sart, Sart, sars (nord de la France et Belgique)[25], variante -xard, Xard (est) ; -tuit, Thuit (Normandie)[26], les Rots, le Rot, le Roti(l), le Routil (nord de la France) ; Artigue, Artigues, Artigat, Lartigue, Artigue- (sud-ouest)[27],[28] ; Sauveterre, Santerre.
Les types Rhodes, Rœulx, Rœux, Rouhe, Ruitz remontent au germanique ruda, riuti « défrichement »[29].
Certains noms de villages alsaciens et lorrains se terminant par -rode, -rott révèlent des actions de défrichements.
Les toponymes en Saint- témoignent dans certains cas, lorsqu'ils sont concentrés dans une même région, des actions d'essartage menés par les grandes abbayes, notamment bénédictines.
Pour les historiens, les sources les plus riches sont les textes (par exemple les chartes de défrichements), que peuvent notamment compléter les apports de la paléobotanique, l'analyse des pollens et des charbons de bois.
Ce type de défrichement est le fait d'ermites, de charbonniers et de paysans qui agissent de manière spontanée et isolée. Ce phénomène est très difficile à décrire faute de sources suffisantes. Il se pratique par grignotement progressif et régulier de la forêt, à la marge des terres cultivées. On estime cependant qu'il contribue pour une part importante aux grands défrichements.
Dès le Xe siècle, en Flandre et en Zélande, on assèche les marais afin de les transformer en terres arables. De grands travaux de polderisation continuent à partir du XIIe siècle, en France, en Flandre et en Angleterre.
Mis en évidence par Pierre Toubert, d’abord dans le Latium puis en Languedoc, il désigne l'habitat perché méditerranéen autour d'un château et d'une église. Les terres cultivées s'organisent en auréoles concentriques autour du village.
Elle a lieu à partir du XIe siècle, et prend la forme de champs ouverts (openfield) au XIIIe siècle, disposés autour d'un village central. L'assolement triennal et un parcellaire particulier s'impose un peu partout dans cette région.
Dans des régions à sols pauvres (îles Britanniques, Massif Armoricain, Allemagne du Nord) le bocage témoigne d'un certain individualisme agraire et d'un moyen de restaurer et conserver des sols initialement épuisés par les premiers labours sur de pauvres essarts. On y pratique notamment ou surtout l'élevage. La présence d'un bocage ne signifie pas que des forêts proches ne soient pas surexploitées voire pillées.
De nombreux établissements sont datés du XIIIe siècle ; on les appelle : sauvetés, castelnaux, bastides
Il serait caricatural de dire que les grands défrichements des XIe au XIIIe siècles ont fait complètement disparaître la forêt[30]. En montagne, la forêt résiste mieux qu'ailleurs ; la forêt offre un complément important dans l'alimentation médiévale : on y emmène les porcs pour la glandée, on y récolte des baies, des champignons et du miel. Elles sont importantes pour le transfert de fertilité vers l'ager. Dès le XIIIe siècle, les seigneurs fonciers, souvent propriétaires de la forêt (réserve) réagissent et tentent de protéger la forêt. L'organisation et la réglementation des espaces forestiers se fait dès le XIIe siècle : droits de pacage, droits d’usages (ramassage du bois, chasse par exemple) sont fixés. La forêt apparait comme indispensable à la vie quotidienne et à l'industrie (forges, sidérurgie verrerie notamment, qui sont très consommatrices de bois). On s'est rendu compte que le rendement des cultures faites sur certaines terres défrichées médiocres (sols autres que lœss) présentaient des rendements de plus en plus médiocres. Cela a été source d'une invention agroécologique : le bocage de haies vives associant la polyculture à l'élevage dont les déjections sont utilisées comme engrais.
Avec les grandes crises du XIVe siècle (brutal et important déclin démographique provoqué par la peste noire et la guerre de Cent Ans), la forêt regagne du terrain, pour quelques décennies ou un peu plus d'une centaine d'années en Europe de l'Ouest et plus en Europe orientale. Les forêts royales et ecclésiastiques resteront en Occident relativement épargnées, même si elles ont souvent été surexploitées.
Les grands défrichements du Moyen Âge central restent un des symboles de l’expansion de l’Occident (colonisation germanique, Espagne).
La plupart des pays ont mis en place, parfois depuis plusieurs siècles ou millénaires des régimes d'autorisation de défrichement, afin de limiter les risques de déforestation totale ou de surexploitation des forêts.
En France, ces autorisations sont délivrées par les préfets et instruites par le ministère de l'Agriculture via les DDTM (services déconcentrés).
Une page dédiée à la mise en œuvre de cette règlementation forestière est accessible ici : Législation défrichement.
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