Normandie
province historique et région culturelle, aujourd'hui répartie entre la France, principalement, et les îles Anglo-Normandes De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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La Normandie (en normand : Normaundie ou Nourmaundie, en anglais : Normandy[Note 1]) est une entité géographique et culturelle, située au nord-ouest de la France et bordée par la Manche ; elle a traversé différentes époques historiques, malgré une absence de reconnaissance administrative entre la Révolution française de 1789 et la réforme territoriale de 2015. Les frontières continentales historiques de la province de l'Ancien Régime épousent assez fidèlement celles de la région administrative contemporaine.
Normandie Normaundie Normandy (en) | |
Blason |
Drapeau |
Localisation de la Normandie. | |
Administration | |
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Pays | France Dépendances de la Couronne |
Statut | Entité historique, géographique et culturelle |
Fondation | Fondée en l'an 911 par le jarl scandinave Rollon |
Territoires actuels | Région Normandie Bailliage de Jersey Bailliage de Guernesey |
Villes principales | Capitales historiques : Rouen[1],[2] Caen[3] Capitales administratives : Rouen, Caen, Saint-Hélier, Saint-Pierre-Port. |
ISO 3166-2 | FR-NOR JEY GGY
|
Démographie | |
Gentilé | Normand, Normande |
Population | 3 497 601 hab. |
Densité | 116 hab./km2 |
- Région Normandie | 3 327 000 hab. (2024) |
- Bailliage de Jersey | 103 267 hab. (est. 2021) |
- Bailliage de Guernesey | 67 334 hab. (est. 2016) |
Géographie | |
Coordonnées | 49° nord, 0° ouest |
Superficie | 30 100 km2 |
- Région Normandie | 29 906 km2 |
- Bailliage de Jersey | 123 km2 |
- Bailliage de Guernesey | 78 km2 |
Divers | |
Devises (de facto) | « Viriliter et Sapienter » (Courage et Sagesse) « Dex Aïe ! » (Que Dieu nous aide !) |
Langues | Anciennement : Norrois (vieux scandinave) Normandie continentale : français, normand Normandie insulaire : anglais, français, jersiais, guernesiais, anglo-normand |
Domaine internet | Îles : .gg, .je |
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Fondé en Neustrie par Rollon, le duché de Normandie occupe à partir de 911 la basse vallée de la Seine, puis le Bessin, le pays d'Auge et l'Hiémois en 924, le Cotentin, l'Avranchin et les îles de la Manche en 933. En 1066, le duc de Normandie Guillaume le Conquérant conquiert l'Angleterre et en devient roi. Un siècle et demi plus tard, en 1204, le roi de France Philippe Auguste envahit le duché et l'intègre au domaine royal, à l'exception de sa partie insulaire, qui forme les bailliages de Jersey et de Guernesey, sous dépendance de la Couronne britannique. La partie continentale devient dès lors province française, jusqu'en 1790, tandis que les îles Anglo-Normandes restent sous la souveraineté des monarques de Grande-Bretagne sous le titre de « duc de Normandie »[4].
À la création des régions en 1956, la Normandie continentale est séparée en deux collectivités territoriales, qui portent le nom en partage : les régions administratives de Haute-Normandie et de Basse-Normandie. Leur réunification au sein d'une seule région Normandie est votée par l'Assemblée nationale le et est appliquée au , après les élections régionales de décembre 2015.
Très stables, les frontières continentales de l'ancienne province concordent assez fidèlement avec celles de la région administrative contemporaine, hormis quelques territoires incorporés aux actuels départements d'Eure-et-Loir, de la Mayenne, de l'Oise et de la Sarthe, lors de la création des généralités, et quelques communes enclavées échangées avec la Mayenne après la création des départements à la Révolution, avec le Calvados, l'Eure, la Manche, l'Orne et la Seine-Maritime (anciennement Seine-Inférieure).
La population de la région Normandie est de 3 327 000 habitants (les Normands) en 2024 d'après l'Insee, auxquels s'ajoutent environ 170 000 habitants sur les îles Anglo-Normandes.
Le nom Normandie est dérivé du terme normand, avec le suffixe d'origine latine -ie (cf. Germania « Germanie », Italia « Italie », etc.). Normand est lui-même un emprunt au francique *nortman[5] ou au vieux norrois norðmaðr[6],[7], qui signifient tous deux « homme du Nord ». Nortmannus est attesté pour la première fois en latin médiéval dès la fin du IXe siècle[8],[6]. Quant à Normand (écrit Norman), il figure dans la Chanson de Roland[9]. La Normandie est donc étymologiquement le « pays des hommes du Nord ».
L'expression Norðmannaland, équivalent germanique de Normandie, est trouvée en vieil anglais à la fin du IXe siècle dans Orosius et se réfère au « Danemark », pays alors aux contours difficiles à définir[10].
La présence humaine dans la région n'est pas antérieure à la fin du paléolithique inférieur (auparavant cette région était extrêmement froide). Au paléolithique moyen, elle est attestée par de nombreuses trouvailles d'industrie lithique. Mais, au paléolithique supérieur, la région est occupée par la toundra, peu propice à la vie humaine. Cependant, elle sera à nouveau habitée, comme le montre la grotte de Gouy près de Rouen, qui, du fait de ses gravures pariétales datées du magdalénien, se trouve être la grotte ornée la plus septentrionale d'Europe. Par ailleurs, de nombreux mégalithes encore visibles parsèment d'une façon assez régulière la campagne normande[11]. Le site archéologique du Rozel présente des traces exceptionnelles de pas et de mains d'Homo neanderthalensis.
Mais ce n'est véritablement qu'à l'âge du bronze (entre 2300 et 800 av. J.-C.) que la Normandie va être mise en valeur. À cette époque, des fermes, des systèmes parcellaires et de vastes nécropoles sont implantés dans le territoire, formant un premier maillage de sites couvrant l'ensemble des terroirs normands[12].
La découverte d'objets comme le casque gaulois doré d'Amfreville-sous-les-Monts (IVe siècle av. J.-C.) ou celui, en fer, du musée de Louviers, ainsi que de sites comme la grande nécropole de Pîtres[13] (Eure), avec ses urnes à incinération, ses épées enroulées et des traces de tombes à char, ou la nécropole d'Ifs (Calvados), qui date de la fin de la période de Hallstatt ou du début de celle de la Tène, témoignent de la présence celtique en Normandie. Les peuples celtes de l'actuelle Normandie faisaient partie de l'Armorique, confédération de peuples proches culturellement sur les rivages de la Manche et de l'Atlantique, de l'estuaire de la Seine à celui de la Loire.
Le peuple celte des Belges s'installe en Normandie entre le VIe et le IIIe siècle av. J.-C. Le témoignage de Jules César (dans La Guerre des Gaules) nous permet d'identifier les différents groupes gaulois occupant la région. En 56 ou 57 av. J.-C., ces populations se regroupent pour résister à l'invasion des légions romaines. Après la défaite gauloise d'Alésia, les peuples de Normandie continuent quelque temps la lutte mais, en 51 av. J.-C., toute la Gaule est soumise à Rome.
Entre et [14], l'empereur Auguste réorganise le territoire gaulois et fait passer les Calètes et les Véliocasses dans la province de Gaule lyonnaise, dont la capitale est Lyon. La romanisation de la Normandie, comme ailleurs en Occident, passe par la construction de routes et de villes.
On connaît de nombreuses villas gallo-romaines sur le territoire normand. Les constructeurs utilisaient les matériaux locaux : silex, craie, calcaire, brique, torchis. Le chauffage des bains ou de certaines pièces emprunte le procédé de l'hypocauste romain (villa suburbaine de Vieux-la-Romaine)[15].
L'agriculture fournit du blé et du lin, d'après Pline l'Ancien. Enfin, dans les campagnes normandes de l'Antiquité, les fana (petits temples à plan centré, en général carré, de tradition celtique) sont nombreux. On en situe un exemple à l'ouest d'Harfleur. Les fouilles ont aussi révélé la présence de nombreuses statuettes de déesses-mères en terre cuite, dans les tombes et les maisons normandes. Ainsi, au Vieil-Évreux, il existe un des plus importants centres de pèlerinage d'Europe, qui comprenait un forum, des thermes romains, une basilique monumentale, deux fana et le deuxième plus grand théâtre de Gaule[16].
À partir du deuxième tiers du IIIe siècle, les raids « barbares » dévastent de nombreux lieux de la région normande. Le littoral doit faire face à la piraterie maritime des Saxons, mais aussi des Francs et des Frisons. Des contingents germaniques sont donc recrutés par l'armée romaine pour lutter contre d'autres Germains[Note 2] et ces immigrants reçoivent l'autorisation de s'établir dans l'Empire[17].
À l'occasion des réformes de l'empereur Dioclétien (285-305), la future Normandie s'individualise en devenant la Lyonnaise seconde, dont les limites préfigurent celles de la Normandie ducale sept siècles plus tard : elle s'étend du Couesnon à la Bresle et est bornée au sud par les cours supérieurs de la Sarthe et de l'Avre. Seule différence significative, la Lyonnaise seconde inclut le futur Vexin français, le pays des Véliocasses restant alors indivis.
C'est aussi à cette époque que commence la christianisation de la province : les historiens savent qu'en 314, Rouen a déjà un évêque[18]. À partir de 406, les peuples germaniques et alano-hunniques déferlent sur l'Occident. Des Saxons viennent s'installer sur les côtes normandes, dans la région de Bayeux, ainsi que sur les îles Anglo-Normandes. De leur côté, de nombreux Francs occupent le pays de Bray et une partie du pays de Caux, parfois comme soldats romains, puis, après la victoire de Clovis sur le « royaume romain » de Syagrius, comme soldats du nouveau pouvoir franc.
Dès 486, le Nord de la Gaule passe sous le contrôle du chef franc Clovis. La colonisation franque fut assez dense dans la partie est et quasiment nulle dans la partie ouest de l'actuelle Normandie. La christianisation amorcée au Bas-Empire romain se poursuit dans la région : construction de cathédrales, édification d'églises, oratoires sur les routes, etc. L'établissement des paroisses se réalise progressivement. À l'époque carolingienne, les tombes des villageois se regroupent autour de l'église paroissiale.
Le monachisme normand se développe à partir du VIe siècle, surtout dans l'ouest de la région, plus isolé. Au VIIe siècle, des nobles d'origine franque fondent plusieurs abbayes dans la vallée de la Seine. Ces abbayes normandes adoptèrent la règle de saint Benoît. Elles possédaient de grands domaines fonciers, dispersés en France, dont elles tiraient des revenus élevés.
Le royaume franc dirigé par Charlemagne connaît un raid dès 799 : c'est le point de départ d'une longue série d'attaques vikings, dont la plus connue est sans doute le siège de Paris de à . Les chroniques des monastères nous apprennent que la Seine charria des flottes scandinaves en 841, en 845, en 851, en 852, en 856[19] et en 861. À partir de 851, ils hivernent en Basse-Seine.
Si des mesures défensives sont rapidement prises après l'événement de 799, il n'en demeure pas moins que les incursions vikings restent d'une redoutable efficacité tout au long du IXe siècle. Ce succès s'explique d'abord par la vitesse d'exécution de la machine militaire viking, efficace et novatrice. Par ailleurs, la décadence politique de l'Empire carolingien après 830 rend certainement plus aisée la tâche des assaillants. En outre, un certain nombre d'abbayes normandes ont été construites à proximité de la Seine, facilitant grandement leur pillage et leur destruction.
En 911, le chef viking Rollon conclut un accord avec le carolingien Charles le Simple. Aux termes du traité de Saint-Clair-sur-Epte et comme proposé lors du concile de Trosly, le roi lui remet la garde du comté de Rouen (dont on ne connaît pas réellement l'étendue), en échange d'un serment de vassalité et d'un engagement à se faire baptiser. Rollon doit également protéger l'estuaire de la Seine et Rouen, la nouvelle capitale normande, des incursions scandinaves.
Les archevêques de Rouen, responsables de la province ecclésiastique de Rouen, poussent les princes normands à élargir leurs possessions. À la suite de conquêtes, le territoire sous souveraineté normande s'agrandit jusqu'à faire à peu près coïncider l'une et l'autre :
La Normandie est un important duché du royaume de France de 911 à 1204, sur lequel l'autorité du roi demeura cependant toute théorique. Selon René Musset, « la Normandie est née d'un hasard historique : le don d'un territoire à un chef de bande scandinave, Rollon, mais d'un territoire qui, de longue date, se dessinait »[20].
Les Normands essaiment et administrent des territoires parfois éloignés. Ils fondent notamment des royaumes et des principautés en Méditerranée. Ainsi, en 1057, Robert Guiscard et Roger de Hauteville jettent les fondations du futur royaume de Sicile. En 1098, Bohémond de Tarente fonde la principauté d'Antioche, dont le territoire se situe dans les actuelles Turquie et Syrie. En 1129, Robert Burdet fonde une principauté en Espagne, après avoir pris Tarragone aux musulmans.
Compte tenu du poids de la toponymie et, dans une moindre mesure, de la patronymie scandinaves dans le Cotentin, des chercheurs britanniques de l'université de Leicester ont collecté en des centaines d'échantillons de salive afin d'en savoir davantage sur la colonisation viking de la Normandie[21].
Descendant de Rollon, Guillaume le Conquérant complète les limites de la Normandie historique par la conquête du Passais sur le Maine en 1050. Surtout, il envahit en 1066 l'Angleterre, dont il devient le souverain, sous le nom de Guillaume Ier d'Angleterre. Il fait de Caen, simple bourgade, sa capitale politique et judiciaire. Cependant, Rouen reste la capitale économique et religieuse, l'archevêché de Normandie s'y trouvant[22].
La conquête normande de l'Angleterre a permis le rayonnement de la langue anglo-normande, dialecte d'oïl, c'est-à-dire de la langue-toit plus couramment dénommée ancien français, qui a donné naissance à quelques-uns des chefs-d'œuvre de la littérature française du Moyen Âge (voir littérature anglo-normande). Ceci explique également que la langue anglaise contient de très nombreux emprunts lexicaux d'origine latine ou scandinave par le truchement de l'anglo-normand et de l'ancien français.
Institué par Rollon, premier duc de Normandie au commencement du Xe siècle, l'Échiquier de Normandie est la cour souveraine de Normandie. Rassemblant les notables de la province, c'est un parlement ambulatoire, qui se tient deux fois par an.
La coutume de Normandie est le système juridique apparu en Normandie au début du Xe siècle qui est resté en vigueur dans les îles Anglo-Normandes après la promulgation du Code civil français.
La charte aux Normands est un acte, octroyé le , conférant certains droits ou privilèges aux Normands[23]. Il est signé par le roi de France Louis le Hutin, lequel, en répondant aux barons normands impatients, en confirme tous les termes en juillet 1315[24]. Cette charte, faisant écho à la Magna Carta ou la charte des libertés des Anglais, est considérée jusqu'en 1789 comme le symbole du particularisme normand. Elle offre à la province des garanties en matière juridique, fiscale et judiciaire. Longtemps respectée, cette charte cesse d'être appliquée à la fin du XVIe siècle et n'est réellement abolie que sous Louis XIV. Elle continue néanmoins de figurer dans les ordonnances et les privilèges du roi jusqu'en 1789.
Au début du XVIe siècle, l'Échiquier est transformé en parlement de Normandie. On l'appelle aussi parlement de Rouen, parce qu'un édit royal l'a institué dans cette ville, alors que son prédécesseur pouvait se tenir dans différentes villes de cette province.
Le , le roi d'Angleterre Jean sans Terre se fait couronner duc de Normandie à Rouen. Il rend hommage au roi de France et des négociations aboutissent au traité du Goulet, formalisant la paix entre les deux pays. En 1200, Jean sans Terre épouse de force Isabelle Taillefer, promise à Hugues IX de Lusignan, vassal du roi de France. Ce dernier, se sentant lésé, fait appel à la justice de son suzerain Philippe Auguste qui prononce la commise des fiefs de Jean sans Terre, à cause de son absence. Autrement dit, le seigneur français confisque les terres de son vassal, en application du droit féodal, et donne ces domaines au neveu du Plantagenêt, Arthur Ier de Bretagne, à part la Normandie qu'il se réserve. À l'été 1202, Philippe Auguste s'empare du pays de Bray. Jean sans Terre fait assassiner Arthur de Bretagne, son neveu ; ses barons normands, influencés par le roi de France, l'abandonnent. À l'été 1203, Château-Gaillard est assiégé et tient bon jusqu'au . Le , la ville de Caen tombe aux mains des Français. Enfin, le , les troupes de Philippe Auguste entrent à Rouen, après avoir vaincu la résistance de ses habitants. Le roi a conquis la Normandie, qui est incorporée au domaine royal français : cela signifie que le roi disposera de nouveaux revenus et imposera ses officiers dans l'ancien duché[25]. Les « îles Anglo-Normandes » ne seront en revanche jamais conquises, et restent sous l'administration des souverains anglais, bien que ne faisant pas partie du royaume d'Angleterre. En 1230, Foulques III Paynel et d'autres seigneurs normands tentent de se dégager de la tutelle française et demandent l'aide du roi d'Angleterre Henri III. Ils échouent ; la Normandie reste sous le contrôle français[26].
Administrativement, la partie continentale reste un duché à part entière. La Normandie joue un rôle important durant la guerre de Cent Ans (1337-1453). Si elle n'est pas à l'origine du conflit, elle devient rapidement un enjeu entre le roi d'Angleterre et le roi de France. La richesse de la Normandie, son passé commun avec ses ducs-rois, sa proximité géographique avec l'île expliquent cette situation particulière.
Dans un premier temps, les Anglais se contentent de lancer des chevauchées destructrices à travers la région. Puis ils occupent la région pendant plus de trois décennies (1417-1450). En 1420, le traité de Troyes fait du roi d'Angleterre l'héritier du royaume de France. La Normandie apparaît alors comme l'élément central de la France anglaise. Finalement, le roi de France Charles VII reconquiert la riche province et pardonne aux Normands qui ont collaboré avec l'ennemi. La Normandie retrouve la paix mais sort très affaiblie du conflit. La reconquête française s'étant arrêtée à Cherbourg, les îles Anglo-Normandes restent propriété de la couronne d'Angleterre. Elles ne seront en revanche jamais intégrées à proprement parler au royaume d'Angleterre, pas plus qu'au Royaume-Uni par la suite.
Loin de ces conflits, le Normand Jean de Béthencourt conquiert les îles Canaries en 1402.
En 1466, le duché de Normandie est partagé en bailliages, subdivisés en vicomtés remontant à l'époque féodale et supprimés en 1744 seulement. Plus tard, un nouveau découpage en élections fiscales apparaît, qui divise la Normandie en deux, puis trois généralités : celles de Rouen et de Caen en 1542, puis celle d'Alençon en 1636. La partie insulaire demeure partagée en deux bailliages de Jersey et Guernesey. Dépendances autonomes de la couronne britannique (le souverain britannique détenant parmi ses titres celui de duc de Normandie), elles ont gardé des traditions et des lois normandes.
À l'est du Cotentin, les îles Saint-Marcouf, devenues un repaire de pirates, furent concédées à la France par la couronne britannique en 1802.
Après la guerre de Cent Ans, la Normandie se reconstruit et connaît une période faste dans la première moitié du XVIe siècle : les campagnes se sont couvertes de manoirs et la prospérité a modifié le visage des villes. Les « Grands » ont construit de magnifiques hôtels urbains en adoptant rapidement le style de la Renaissance. Après 1550, les guerres de Religion, puis l'alourdissement des impôts, mettent cependant un frein à cette prospérité.
Les ports normands sont des points de départ des explorateurs et colonisateurs français. Samuel de Champlain quitte le port d'Honfleur en 1604 et, avec Pierre Dugua de Mons, participe à la fondation de l'Acadie de l'autre côté de l'océan Atlantique. Quatre ans plus tard, il fonde la ville de Québec. En 1625, le Normand Pierre Belain d'Esnambuc prend possession de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Christophe et de Marie-Galante. L'armateur Jehan Ango fait partir de Dieppe de nombreuses expéditions maritimes. Ami de François Ier, il lança plusieurs grandes expéditions comme celle vers Terre-Neuve (1508), conduite par Thomas Aubert et Giovanni da Verrazzano sur le navire « La Pensée » ; puis vers la Nouvelle-Angoulême (1524) avec Giovanni da Verrazzano et enfin vers Sumatra (1529) avec les frères Jean et Raoul Parmentier.
Vers 1650, la Normandie connaît une petite période de prospérité. Mais, à partir de 1689, la guerre reprend contre l'Angleterre et le littoral normand subit plusieurs attaques. En 1694, Le Havre et Dieppe sont bombardés.
Les Normands participent activement à l'exploration française du Nouveau Monde : en 1678, René-Robert Cavelier de La Salle voyage dans les régions des Grands Lacs et découvre le Mississippi ; en 1699, Pierre Le Moyne d'Iberville et son frère Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville fondent la Louisiane, Biloxi, Mobile et La Nouvelle-Orléans. Les territoires localisés entre Québec et le delta du Mississippi sont ouverts à l'établissement de colonies, le Canada et la Louisiane. Les colons de la Normandie étaient les premiers et parmi les plus actifs en Nouvelle-France.
Au XVIIe siècle, la province payait le quart des impôts du royaume de France[27].
À partir du XVIIIe siècle, l'industrialisation et la modernisation de l'agriculture transforment l'économie de la province. Mais la proximité de l'Angleterre, avec laquelle la France est souvent en guerre entre 1689 et 1815, fait de la Normandie une terre d'affrontements. La province de Normandie française forme un gouvernement militaire, exception faite d'un gouvernement particulier au Havre.
À la suite de la Révolution française, en 1790, la province française est partagée en cinq départements : le Calvados, la Manche, l'Orne, l'Eure et la Seine-Inférieure (devenue en 1955 Seine-Maritime).
Les Normands réagissent peu aux nombreux bouleversements politiques qui caractérisent le XIXe siècle (Premier Empire, Restauration, Monarchie de Juillet, Deuxième République, Second Empire, Troisième République) ; seule la chouannerie normande agite de 1793 à 1800 le bocage normand. Globalement, les campagnes normandes se dépeuplent car les fermiers normands se mettent à produire du lait et ses dérivés, activité moins demandeuse en main-d'œuvre que la culture céréalière, tandis que croissent les villes en pleine révolution industrielle. Cette activité est principalement le fait des villes de la vallée de la Seine : Le Havre surtout, Rouen et sa banlieue, Elbeuf.
Les houillères de Littry alimentent les fours à chaux et développent le réseau routier, permettant ainsi la croissance de l'activité agricole du Bessin et des environs au XIXe siècle[28].
La Normandie tient une place importante dans le mouvement artistique. Le peintre Richard Parkes Bonington, d'origine anglaise, y voyage en 1821 pour peindre les paysages côtiers, motif de prédilection de la peinture naturaliste, ignoré des peintres français à cette époque. Théodore Rousseau choisit d'y aller peindre, en compagnie de Paul Huet[réf. nécessaire], jusqu'à l'embouchure de la Seine. Huet y séjournera à nouveau en 1828 avec Bonington et Rousseau y revient en 1832, rejoint par La Berge. Au Salon suivant, Rousseau peut présenter Vue pris des côtes, à Granville, ainsi qu'une étude[29]. Après 1848, Paul Huet y pratiquera la peinture en plein air. La toile peinte lors d'un séjour au Havre par Claude Monet en 1872, Impression, soleil levant, donne son nom au mouvement impressionniste[30].
La Normandie est également le berceau de grands écrivains du XIXe siècle (Guy de Maupassant, Gustave Flaubert, Alphonse Allais, Maurice Leblanc, Henri de Régnier, Jean de La Varende).
Lors de la guerre franco-allemande de 1870, les Prussiens entrent en Normandie au cours des mois d'octobre et de . De nombreux combats ont lieu. L'occupation se passe très mal et prend fin en . Le sentiment d'une revanche à prendre s'amplifie[31].
Les combats de la Première Guerre mondiale épargnent territorialement la Normandie, bien que Sainte-Adresse accueille le le gouvernement de la Belgique, et Rouen devient une base anglaise. La mise à feu le du haut-fourneau de Colombelles permet de réduire les conséquences de l'occupation des régions industrielles. Les régiments normands prennent leur part, et au-delà, à l'effort de la nation.
Les lendemains sont difficiles. Aux morts de la guerre s'ajoute la chute du taux de natalité déjà commencée au XIXe siècle. La production rurale, faute de main-d'œuvre suffisante, baisse considérablement, ainsi que la production industrielle, qui manque d'ouvriers qualifiés.
En 1936, le Front populaire permet à des millions de salariés de partir en congés pour la première fois, démultipliant l'activité du tourisme : la Normandie et ses plages vont désormais recevoir des Français qui n'avaient jamais vu la mer.
La Normandie est par contre occupée pendant la Seconde Guerre mondiale. Les îles Anglo-Normandes sont les seuls territoires dépendant de la couronne britannique occupés par l'Allemagne durant le conflit. Guernesey est le théâtre en 1940 de l'opération Ambassador, un des premiers raids réalisés par les commandos britanniques contre l'occupant allemand.
En août 1942 a lieu à Dieppe un raid anglo-canadien (opération Jubilee) qui est une répétition du débarquement de juin 1944.
La Normandie est un des points de départ de la reconquête de l'Europe par les