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Autour de l’an Mil, dans l’Empire d’Otton III, la société est figée. Le roi, la noblesse et l’Église dominent de très haut les autres groupes sociaux : les Königsfreie (libres du roi), sont des paysans attachés au sol qui payent la capitation, l’impôt foncier et un impôt du rachat de service militaire ; les leibeigenen (serfs), jouissent d’une certaine liberté de mouvement mais sont souvent la propriété d’évêques où d’abbés. Ils dépendent directement du seigneur ecclésiastique et non du vogt, le prévôt local, ancien juge de centaine carolingien. Parmi eux se recrutent les ministeriales (serviteurs), les artisans, les marchands, etc.
La société de Francie présente par contre un véritable état de fluidité et d’anarchie sociale. Le passage du milieu paysan au milieu noble se fait facilement. La frontière entre libres et non libres est floue. Libres, non libres et noblesse, sans crainte d’un roi puissant, peuvent se livrer à toutes les initiatives économiques et belliqueuses. Ce dynamisme anarchique social s’oppose à l’archaïsme germanique.
Au sud de la Francie, région peu touchée par l’ordre local féodal, la disparition de l’ordre public provoque un regain de violence et parfois un retour au paganisme. Un état d’esprit eschatologique se développe alors à partir des commentaires de l’Apocalypse. Devant les triomphes du Mal (famine, épidémies), face aux ravages des bandes armées de féodaux, les écrivains ecclésiastiques guettent les événements annonciateurs de la fin du monde. Les terreurs de l’an Mil n’ont sans doute jamais existé, mais elles constituent une phase de l’histoire des mentalités : à travers les méditations claustrales, les pèlerinages populaires et les pénitences, la foi cesse petit à petit d’être axée sur la colère de Dieu pour déboucher sur le culte de la Croix et la vision de Jésus souffrant pour les hommes.
La société anglaise féodale à l’époque du Domesday Book est caractérisée par une répartition de ses membres en trois ordres, les clercs, les nobles et les travailleurs. De nombreux contrastes nuancent ce tableau, notamment entre haut clergé et bas clergé et au sein de la noblesse. Celle-ci est composée d’un groupe fermé de grands féodaux (la nobility) qui ne compte guère plus de 250 familles. En dessous d’elle vient la « gentry » qui rassemble les seigneurs terriens de moindre envergure à la multitude des chevaliers (knights et squires). Les « communs » (Commons), principalement des paysans, se diversifient progressivement : artisans, marchands, négociants jouent un rôle de plus en plus actif au point de confisquer à leur profit la représentation des bourgs aux Communes.
Les nobles sont avant tout des propriétaires fonciers qui assurent ainsi leur supériorité économique et sociale. Les tenants en chef reçoivent leurs fiefs directement du roi, en échange de services précis (conseil, ost et aide financière). Leurs possessions sont le plus souvent dispersées pour éviter une trop grande concentration de pouvoir entre les mains de quelques barons. À l’intérieur de leurs domaines, ils concèdent des fiefs à des nobles de moindre rang qui deviennent leurs vassaux. Le processus est reproduit jusqu’au niveau du manoir qui est véritablement la cellule de base de l’édifice social. Celle-ci est composée, autour de la demeure du seigneur, du domaine ou réserve, qui lui appartient en propre, et des parcelles concédées à des tenanciers en échange d’un revenu annuel sous la forme de rentes diverses et de la corvée. Le seigneur exerce aussi un droit de justice sur ses tenanciers, mais la disposition géographique des fiefs fait qu’aucun noble ne peut s’arroger la seigneurie banale, c'est-à-dire le droit de commander en lieu et place du souverain.
La population roturière est divisée entre les hommes libres (freemen ou sokemen), qui doivent fidélité à leur seigneur, sont soumis à sa justice, mais peuvent vendre leur terre, et la masse des non-libres (villeins, bordars, cottars) qui sont attachés à la terre et peuvent être vendus avec. L’esclavage persiste surtout en Cornouailles et à proximité du pays de Galles[19].
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