Ordre national de la Légion d'honneur
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L'ordre national de la Légion d'honneur Écouter est l'institution française qui, sous l'égide du grand chancelier et du grand maître, est chargée de décerner la plus haute décoration honorifique française. Instituée le par le Premier consul de la République, Napoléon Bonaparte, elle récompense depuis ses origines les militaires comme les civils ayant rendu des « services éminents » à la Nation.
Ordre national de la Légion d'honneur | ||||||||||
Croix de chevalier de l'ordre national de la Légion d'honneur, modèle Troisième République. | ||||||||||
Conditions | ||||||||||
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Décerné par | France | |||||||||
Type | Ordre honorifique civil et militaire | |||||||||
Décerné pour | Mérites éminents assortis d’une conduite irréprochable et d’un casier judiciaire vierge. | |||||||||
Éligibilité | Militaires ou civils | |||||||||
Détails | ||||||||||
Statut | Toujours décerné | |||||||||
Devise | « Honneur et patrie » | |||||||||
Grades | Du plus bas au plus haut : Chevalier Officier Commandeur Grand officier Grand-croix |
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Grand maître | Président de la République française | |||||||||
Statistiques | ||||||||||
Création | par Napoléon Bonaparte (Premier Consul) | |||||||||
Première attribution | ||||||||||
Membres | Au : Chevaliers : 74 834 Officiers : 17 032 Commandeurs : 3 009 Grands officiers : 314 Grands-croix : 67 |
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Ordre de préséance | ||||||||||
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Barrette de chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur. |
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modifier |
En 2016, l'ordre comptait 93 000 membres vivants, et environ un million de personnes ayant été décorées de l’ordre depuis sa création.
Romaine par son nom (inspirée par la Legio honoratorum conscripta de l'Antiquité)[1], par son symbolisme (les aigles) et son organisation (seize cohortes pour la France), la Légion d'honneur infléchit la tradition des ordres militaires d'Ancien Régime en étant ouverte à tous, y compris aux non militaires[2], et non plus seulement aux officiers[alpha 1]. Alors que certains, comme le ministre de la Guerre Berthier[3], y voient une atteinte au principe de l'égalité civique et considèrent les décorations comme des hochets de la monarchie, Bonaparte justifie cette institution en conseil d'État : « Je vous défie de me montrer une république, ancienne ou moderne, qui sût se faire sans distinctions. Vous les appelez les hochets, eh bien c'est avec des hochets que l'on mène les hommes. »[4]
La Révolution française avait en effet aboli toutes les décorations de l'Ancien Régime. L'Assemblée constituante avait créé la décoration militaire, bientôt elle aussi supprimée. Sous la Convention, les généraux avaient pris pour habitude d'attribuer des armes d'honneur (fusil d'honneur, sabre d'honneur ou encore tambour d'honneur) pour récompenser les actes de bravoure.
Le projet de loi[alpha 2] est discuté devant le Conseil d'État à partir du 14 floréal an X () : Napoléon Bonaparte y intervient personnellement et pèse de tout son poids pour soutenir la nécessité de distinctions, pour repousser la création d'un ordre strictement militaire et pour réfuter les accusations de retour à l'Ancien Régime. Le projet est adopté par 14 voix contre 10. Saisi du projet le , le Tribunat, qui avait nommé Lucien Bonaparte rapporteur, l'approuve par 56 voix contre 38, malgré l'opposition jacobine qui craint la restauration d'une nouvelle aristocratie et une entorse au principe révolutionnaire d'égalité. Lucien Bonaparte, Pierre-Louis Roederer, Auguste Frédéric Viesse de Marmont et Mathieu Dumas défendent tant et si bien le texte de loi qu'il est adopté le 29 floréal an X (), par le Corps législatif[alpha 3]. La loi est signée et scellée par le Premier consul le 9 prairial an X ()[5]. Le premier grand chancelier nommé le est un civil, Bernard-Germain de Lacépède.
Les insignes sont fixés par décret le 22 messidor an XII () : une étoile d'argent pour les légionnaires, une étoile d'or pour les autres grades. Par bien des aspects, ces insignes rappellent visuellement ceux de l'ordre de Saint-Louis, créé par Louis XIV pour honorer les officiers et supprimé en 1792 : le ruban rouge, les branches en croix de Malte pommetées et émaillées de blanc de l'étoile, qui supporte un médaillon central doré à la bordure émaillée de bleu.
Les premières nominations sont publiées en fructidor an XI (). Quatre grades sont créés : « légionnaire », « officier », « commandant » et « grand officier »[6]. Le 26 messidor an XII ()[7] a lieu en la chapelle des Invalides la toute première remise de Légion d'honneur par Napoléon Bonaparte aux officiers méritants au cours d'une fastueuse cérémonie officielle, la première de l'Empire. La remise des insignes se fait selon un appel alphabétique des récipiendaires (tous des civils)[réf. nécessaire], signe de respect par le nouveau régime du principe révolutionnaire d'égalité[8]. Napoléon décore pour la première fois[9] des militaires lors de la deuxième cérémonie au camp de Boulogne le .
La Légion d'honneur s'adresse dès les origines aussi bien aux civils qu'aux militaires, on prête d'ailleurs à Napoléon la célèbre phrase : « Je veux décorer mes soldats et mes savants »[10].
Un décret du 10 pluviôse an XIII () ajoute la Grande décoration dont les titulaires seront par la suite nommés « grand aigle », puis « grand cordon » (ordonnance du ) et enfin « grand-croix »[alpha 4] (ordonnance du ).
À cette date, les appellations sont modifiées comme suit : les légionnaires deviennent des « chevaliers », les commandants des « commandeurs »[11]. L'association des mérites militaires et civils (la répartition en 2012 est environ : deux tiers/un tiers), permet à l'ordre de survivre à tous les régimes. En 2012, on dénombre 93 000 légionnaires[12]soit environ 3 500 citoyens décorés par an (650 militaires d'active, 650 militaires à titre d'anciens combattants et 2 200 civils)[10].
Le général de corps d'armée Jean Vallette d'Osia (décoré en 1917 à l'âge de 19 ans) est celui qui a appartenu à l'ordre le plus longtemps, pendant 82 ans : il a été décoré du grand cordon, en 1978 par le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing.
Le plus jeune décoré à titre militaire de toute l'histoire de la Légion d'honneur a été Sosthène III de La Rochefoucauld (1897-1970), duc de Doudeauville, à 18 ans. En 1933, Suzanne Grinberg est la première femme à recevoir la Légion d’honneur à titre professionnel[13].
En 1981, le général d'armée Alain de Boissieu, grand chancelier de la Légion d'honneur depuis 1975, démissionne pour ne pas devoir remettre le collier de grand maître de l'ordre au président élu François Mitterrand parce que ce dernier avait par le passé traité Charles de Gaulle de « dictateur »[14],[15].
Depuis les années 2010, l'institution incite les décorés à poursuivre leur action d'entraide envers les membres les plus démunis mais aussi de solidarité nationale envers tous leurs concitoyens et notamment les plus jeunes d'entre eux. C'est au sein de la Société des membres de la Légion d'honneur (SMLH), association reconnue d'utilité publique créée en 1921 — qui rassemble 43 000 membres en 2023 sur les 79 000 décorés vivants[16] — que l'action des décorés s'organise en France et dans le monde.
En 1996, la présidence de la République instaure une politique de rajeunissement des nominations et des promotions dans l'ordre dans le but d'anticiper la construction d'un parcours de décoration rationnel permettant, pour les plus méritants, l'accès à une dignité. Ainsi, un quart du contingent pour le grade de chevalier et un cinquième du contingent pour le grade d'officier peuvent être proposés sans passer par le grade équivalent dans l'ordre national du Mérite.
En , le président de la République Emmanuel Macron se prononce pour la revalorisation de la Légion d'honneur, estimant que « le mérite doit être désormais le seul et unique critère retenu[17] ». Pour cela, il compte limiter le nombre de décorations remises. À cette fin, aucune promotion n'est effectuée à Pâques en 2018. Hors promotion spéciale, ne demeurent que la promotion du et celle du [18]. Ce nouveau calendrier des promotions civiles est entériné par le décret no 2018-1007 du [19].
Code de la Légion d'honneur
L'ordre de la Légion d'honneur, institué par la loi du 29 floréal an X () prise en application de l'article 87 de la Constitution du 22 frimaire an VIII ()[alpha 5], est une communauté constituée de tous ses membres, dotée d'un nom, d'un sceau, d'un statut[alpha 6], d'un patrimoine, et d'une personnalité juridique de droit public.
Depuis fin 1962, il est régi par le Code de la Légion d'honneur, de la médaille militaire et de l'ordre national du Mérite, issu de la refonte et des réformes profondes voulues par le général de Gaulle en 1962.
Sa devise est « Honneur et Patrie ».
Grades et dignités
L'ordre comprend trois grades (chevalier, officier et commandeur) ainsi que deux dignités (grand officier et grand-croix). En général, selon la terminologie officielle, on est successivement : « nommé au grade de chevalier, promu au grade d'officier, promu au grade de commandeur, élevé à la dignité de grand officier, élevé à la dignité de grand-croix »[20].
La grande chancellerie est située à Paris dans le 7e arrondissement, dans l'hôtel de Salm, appelé palais de la Légion d'honneur. Ce palais abrite aussi le musée de la Légion d'honneur.
Grand maître
Le président de la République (ou jadis, selon les régimes, le Premier consul, l'empereur, ou le roi) est actuellement le grand maître de l'ordre[21]. La dignité de Grand-croix lui est conférée de plein droit[22].
Le président de la République, lors de la cérémonie de son investiture, est reconnu comme grand maître de l'ordre par le Grand chancelier qui lui remet le grand collier en prononçant les paroles suivantes : « Monsieur le président de la République, nous vous reconnaissons comme grand maître de l'ordre national de la Légion d'honneur[23] ». En dehors de cette cérémonie, le Grand collier est conservé au musée de la Légion d'honneur.
Le nom de chaque président est gravé sur l'un des maillons de ce collier : ainsi en 2022, il ne reste que deux maillons vierges[24] sur les seize en tout du grand collier. Il est renouvelé lorsque tous les maillons sont gravés[24].
Rang | Grand maître[25] | Période |
---|---|---|
1er | Napoléon Bonaparte (puis sous son nom d'empereur) Napoléon Ier |
- et - |
2e | Louis XVIII | [26] - |
3e | Charles X | - |
4e | Louis-Philippe Ier | - |
5e | Louis-Napoléon Bonaparte (puis sous son nom d'empereur) Napoléon III |
- |
6e | Adolphe Thiers | [27] - |
7e | Patrice de Mac Mahon | - |
8e | Jules Grévy | - |
9e | Sadi Carnot | - |
10e | Jean Casimir-Perier | - |
11e | Félix Faure | - |
12e | Émile Loubet | - |
13e | Armand Fallières | - |
14e | Raymond Poincaré | - |
15e | Paul Deschanel | - |
16e | Alexandre Millerand | - |
17e | Gaston Doumergue | - |
18e | Paul Doumer | - |
19e | Albert Lebrun | - |
20e | Philippe Pétain | - |
21e | Charles de Gaulle | [28] - |
22e | Félix Gouin | [29] - |
23e | Georges Bidault | [30] - |
24e | Vincent Auriol | - |
25e | René Coty | - |
26e | Charles de Gaulle | - |
27e | Georges Pompidou | - |
28e | Valéry Giscard d'Estaing | - |
29e | François Mitterrand | - |
30e | Jacques Chirac | - |
31e | Nicolas Sarkozy | - |
32e | François Hollande | - |
33e | Emmanuel Macron | Depuis le |
Grand chancelier
Sous l'autorité du grand maître et suivant ses instructions, le grand chancelier dirige les travaux du conseil de l'ordre et ceux des services administratifs. Il relève directement du président de la République, grand maître de l'ordre, qui peut l'appeler pour être entendu par le Conseil des ministres quand les intérêts de l'ordre y sont évoqués[31].
Le grand chancelier est nommé par le président de la République, en Conseil des ministres[alpha 7] ; il est choisi parmi les grands-croix[alpha 4] de l'ordre. Il demeure en charge pour une période de six ans, sauf s'il est mis fin plus tôt à ses fonctions. Cette période est renouvelable[32]. À l'exception des deux premiers, Bernard-Germain de Lacépède et Dominique Dufour de Pradt, tous les grands chanceliers furent des militaires. Les responsabilités du grand chancelier sont assez étendues : il a la charge de tous les problèmes liés aux décorations en France. C'est notamment le grand chancelier qui accorde les autorisations de port des décorations étrangères. Il est également chancelier de l'ordre national du Mérite[33] et est l'autorité d'attribution et de sanction de la médaille militaire[réf. nécessaire].
Conseil de l'ordre de la Légion d'honneur
Le conseil de l'ordre, réuni sous la présidence du grand chancelier, délibère sur les questions relatives au statut et au budget de l'ordre, aux nominations ou promotions dans la hiérarchie et à la discipline des membres de l'ordre et des bénéficiaires de distinctions de l'ordre[34]. Le conseil, présidé par le grand chancelier, comprend :
- quatorze membres choisis parmi les dignitaires et commandeurs de l'ordre ;
- un membre choisi parmi les officiers ;
- un membre choisi parmi les chevaliers[35].
Ces membres sont choisis par le grand maître, sur proposition du grand chancelier. Ils sont nommés par décret[36]. Le conseil est renouvelé par moitié tous les deux ans ; les membres sortants peuvent être nommés à nouveau[37].
L'admission et l'avancement dans l'ordre sont prononcés dans la limite de contingents fixés par décret du président de la République pour une période de trois ans[38].
Conditions
Les conditions générales pour accéder à l'ordre « à titre normal » sont les suivantes :
- Nul ne peut être reçu dans la Légion d'honneur s'il n'est Français[39] ;
- L'accès à la Légion d'honneur se fait par le grade de chevalier[40] ;
- Pour être admis au grade de chevalier, il faut justifier de services publics ou d'activités professionnelles d'une durée minimum de vingt années, assortis dans l'un et l'autre cas de mérites éminents[41] ;
- Ne peuvent être promus aux grades d'officier ou de commandeur que les chevaliers et les officiers comptant au minimum respectivement huit et cinq ans dans leur grade et justifiant de titres de la qualité requise acquis postérieurement à l'accession audit grade[42] ;
- Sous réserve de l'application des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 17, ne peuvent être élevés à la dignité de grand officier ou de grand-croix que les commandeurs et les grands officiers comptant au minimum respectivement trois ans dans leur grade ou dignité et justifiant de titres de la qualité requise acquis postérieurement à l'accession audit grade ou à la première dignité.
À titre exceptionnel, en temps de guerre, les actions d'éclat et les blessures graves peuvent dispenser des deux dernières conditions pour l'admission ou l'avancement dans la Légion d'honneur[43].
Le Premier ministre est autorisé par délégation du grand maître à nommer ou à promouvoir dans l'ordre, dans un délai d'un an, les personnes tuées ou blessées dans l'accomplissement de leur devoir et qui sont reconnues dignes de recevoir cette distinction[44].
Depuis un décret de [45], des nominations, promotions ou élévations directes aux grades d'officier et de commandeur ainsi qu'à la dignité de grand officier peuvent intervenir, afin de récompenser des carrières hors du commun, tant par leur durée que par l'éminence des services rendus. En , Simone Veil[46] est la première à bénéficier de cette disposition en étant directement élevée à la dignité de grand officier[47]. La nomination directe à un grade supérieur à celui de chevalier est également possible lorsqu'il s'agit d'honorer une personnalité étrangère : c'est alors en fonction du rang protocolaire des récipiendaires (ainsi le prince Albert de Monaco a-t-il été directement élevé à la dignité de grand officier de l'ordre en 1984)[réf. nécessaire].
Depuis ce même décret, « la dignité de grand officier appartient de plein droit aux anciens Premiers ministres qui ont exercé leurs fonctions durant deux années au moins ». L'attribution est presque automatique pour les anciens ministres, les préfets honoraires, les anciens députés ou sénateurs (les ministres et parlementaires en activité sont exclus du champ sauf pour faits de guerre), les anciens hauts magistrats et ambassadeurs.
L'obtention d'une médaille d'or aux Jeux olympiques fait l'objet d'une promotion spéciale[48]. Les forces armées obtiennent environ un tiers des places et les autres professions bien représentées sont les policiers, les pompiers, les élus, les hauts fonctionnaires, les avocats, et les représentants des cultes.
Modalités
Les ministres adressent leurs propositions au grand chancelier en préparation des différentes promotions : les deux promotions civiles du et du à l'occasion de la fête nationale et les deux promotions à titre militaire du et du . Le Premier ministre, auquel il est rendu compte de ces propositions par chaque ministre, adresse directement au grand chancelier les avis et observations qu'elles appellent éventuellement de sa part[49]. Depuis 2008, une procédure d'« initiative citoyenne » permet à tout citoyen de proposer une personne qu'il estime méritante pour une première nomination dans l’ordre national de la Légion d'honneur ou dans celui du Mérite. Si cette proposition est soutenue par 52 personnes, dont l'initiateur dans le même département, elle est examinée par le préfet et, s'il estime la proposition justifiée, il la transmet au ministre de tutelle ainsi qu'au grand chancelier[50].
La parité femmes-hommes est strictement appliquée pour les promotions civiles depuis 2008[2].
Les propositions sont communiquées par le grand chancelier au conseil de l'ordre qui vérifie si les nominations ou promotions sont faites en conformité des lois, décrets et règlements en vigueur et le conseil se prononce sur la recevabilité des propositions en les appréciant d'après les critères fixés ci-dessus et en conformité des principes fondamentaux de l'ordre[51]. Le conseil rejette environ 15 % des propositions, ce pour diverses raisons : mérites insuffisants, délais non respectés, intervalles entre deux décorations insuffisants, antécédents judiciaires, problèmes fiscaux[10].
Les nominations ou promotions sont officialisées par un décret du président de la République, visé pour son exécution par le grand chancelier et contresigné par le Premier ministre et, le cas échéant, par le ministre compétent[52]. Lorsqu'ils concernent les nominations directes, les nominations et promotions à titre exceptionnel, les promotions au grade de commandeur et aux dignités de grand officier et de grand-croix, ces décrets sont pris en conseil des ministres[53].
L'admission et l'avancement dans l'ordre sont prononcés dans la limite de contingents fixés par décret du président de la République pour une période de trois ans. Ces contingents sont répartis entre le président et les différents ministres qui adressent leurs propositions au grand chancelier.
L'admission dans l'ordre (chevalier) comportait, à sa création, une rente annuelle (importante pour l'époque, notamment pour la plupart des soldats décorés d'origine modeste, quand n'existaient pas alors les actuels régimes sociaux de retraite et où les rentes militaires versées aux anciens soldats d'une armée beaucoup plus nombreuse étaient minimes) insaisissable de 250 francs or[alpha 8]. En 2017, cette rente annuelle, réservée aux décorations attribuées à titre militaire[54], est beaucoup plus symbolique et ne s'élève plus qu'à[55],[56] :
- chevalier : 6,10 € ;
- officier : 9,15 € ;
- commandeur : 12,20 € ;
- grand officier : 24,39 € ;
- grand-croix : 36,59 €.
En , un rapport du Sénat[57] propose de supprimer ces rentes symboliques, mettant en avant que les coûts de traitement (entre 650 000 et 800 000 €) sont aussi élevés que les montants effectivement distribués (720 000 €).
Les personnes nommées ou promues doivent acheter leur décoration, par exemple, auprès de la Monnaie de Paris[56] :
- chevalier : 168,50 € ;
- officier : 196 € ;
- commandeur : 400 € ;
- grand officier : 815 € ;
- grand croix : 884,50 €.
En outre elles doivent payer des « droits de chancellerie », en s'acquittant des frais d'expédition du brevet[58] :
- chevalier : 50 € ;
- officier : 75 € ;
- commandeur : 100 € ;
- grand officier : 150 € ;
- grand croix : 200 €.
Réception dans l'ordre et brevet de nomination
Une fois qu'une personne est nommée au grade de chevalier dans l'ordre (information publiée au journal officiel de la République française), elle fait (ou ne fait pas) la démarche de recevoir la décoration. Bien que nommée dans l'ordre, elle peut en effet refuser d'être membre de l'ordre. Lors de la remise de la décoration, après avoir payé des « droits de chancellerie », la personne est « faite chevalier de l'ordre »[59] et à partir de ce moment, elle fait partie de l'ordre. Cette qualité de membre de l'ordre prend effet après la réception[60], et dure toute la vie[61] ; elle n'est pas transmissible aux descendants.
Les grands-croix et les grands officiers (parfois aussi les commandeurs, des personnalités souvent artistiques et de nationalité étrangère lors de leur séjour en France) reçoivent leurs insignes des mains du président de la République. Toutefois, en cas d'empêchement, le grand chancelier ou un dignitaire ayant au moins le même rang dans l'ordre est délégué pour procéder à ces réceptions[62].
Le grand chancelier désigne, pour procéder à la réception des commandeurs, officiers et chevaliers, un membre de l'ordre d'un grade au moins égal à celui du récipiendaire[63].
Par dérogation, le Premier ministre et les ministres en fonction, ainsi que dans les six mois après la fin de leurs fonctions peuvent procéder aux réceptions dans tous les grades et dignités de l'ordre par délégation du président de la République. Les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil constitutionnel et du Conseil économique, social et environnemental jouissent des mêmes prérogatives pendant leurs fonctions. Les ambassadeurs en poste dans un pays étranger peuvent également procéder aux réceptions, de même que les préfets et représentants de l'État dans chaque collectivité d'outre-mer[64].
La réception dans l'ordre de la Légion d'honneur est attestée par un brevet (ou diplôme) nominatif, adressé au récipiendaire par la grande chancellerie[65]. L'établissement du brevet est soumis à des droits de chancellerie dépendant du grade ou de la dignité[66]. Ce n'est qu'après cette formalité administrative que la décoration peut officiellement être remise à l'occasion d'une cérémonie militaire ou civile. À l'issue de la cérémonie de remise d'insigne, le récipiendaire et le délégué remplissent le procès-verbal de la journée, le signent et le datent. Ce n'est qu'à la réception de ce document que l'intéressé est officiellement admis dans l'Ordre et que son brevet lui est expédié. Le fond et la forme de ce brevet a beaucoup évolué au cours des différents régimes qui se sont succédé depuis le Premier Empire, chacun y apposant sa touche personnelle, symbole du pouvoir en place[65].
La prise de rang (nomination ou promotion officielle) dans l'ordre national de la Légion d'honneur, ainsi que dans l'ordre national du Mérite, peut donc être effective plusieurs mois, voire plusieurs années après la publication du décret de nomination ou de promotion au Journal officiel, contrairement à la Médaille militaire et aux quatre ordres ministériels (Arts et Lettres, Mérite agricole, Mérite maritime, Palmes académiques) pour lesquels la nomination ou la promotion sont acquises au jour de la signature du décret ou de l'arrêté par le président ou le ministre concerné.
Attribution aux étrangers
Les étrangers qui se sont signalés par les services qu'ils ont rendus à la France ou aux causes qu'elle soutient peuvent recevoir les insignes correspondant à une distinction de la Légion d'honneur. Ils ne sont pas pour autant reçus membres de l'ordre[67]. Ces attributions, parfois controversées, sont accompagnées d'un certificat d'attribution de décoration, dont le modèle diffère des brevets de nomination. Contrairement à ces derniers, ils ne sont pas signés par le Grand chancelier mais seulement par le Grand Maître (Président de la République) et possèdent une rédaction qui leur est propre[65].
La distinction est aussi attribuée (hors contingent) à des chefs d'État (lors de la visite d'État), Premiers ministres, membres de gouvernement, ambassadeurs, hommes d'affaires ou artistes étrangers lors de leur venue en France et à quiconque a servi les intérêts de la France[10]. Par exemple, le , le président de la République Jacques Chirac a décoré des anciens combattants américains de la Première Guerre mondiale. Ainsi une polémique a éclaté concernant la nomination, en 2006, de Vladimir Poutine, président de la Fédération russe (2000-2008), comme grand-croix de la Légion d'honneur[68]. Également, le , François Hollande a remis l'insigne aux trois Américains et au Britannique qui s'étaient saisis du terroriste de l'attentat du train Thalys le 21 août 2015 pour le désarmer.
Le code de la Légion d'honneur précise que pour l'attribution des médailles « aux chefs d'État étrangers, à leurs collaborateurs ainsi qu'aux membres du corps diplomatique », l'avis de la grande chancellerie et du conseil de l'ordre ne sont pas sollicités[69]. Après 2010 et la jurisprudence « Noriega », du nom du président panaméen Manuel Noriega, le code de la Légion d'honneur est modifié par décret et il devient possible de retirer la décoration aux étrangers[70].
Il est difficile de connaître précisément la liste des étrangers décorés, car selon la grande chancellerie et la Commission d'accès aux documents administratifs, « Les décrets d'attribution de la Légion d'honneur aux étrangers ne sont pas communicables et les procédures disciplinaires sont confidentielles »[69].
Contingents
Pour les ressortissants français, les contingents annuels de croix de l'ordre national de la Légion d'honneur pour la période du au , sont fixés à 2 365 croix par le décret 2021-240 du [71], soit par an :
- À titre civil
- 1 155 chevaliers
- 150 officiers
- 35 commandeurs
- 7 grands officiers
- 3 grands-croix
Total 1 350 croix.
- À titre militaire
- 775 chevaliers
- 196 officiers
- 36 commandeurs
- 5 grands officiers
- 3 grands-croix
Total 1 015 croix.
Pour les ressortissants étrangers, le contingent annuel de croix de l'ordre national de la Légion d'honneur pour la période du au , est fixé à 285 croix par le décret 2021-241 du [72], soit par an :
- 180 chevaliers ;
- 75 officiers ;
- 25 commandeurs ;
- 3 grands officiers ;
- 2 grands-croix ;
Total 285 croix.
Le nombre total de croix pouvant être décernées annuellement pour l'ensemble des ressortissants français et étrangers pour la période 2021-2023 est donc fixé par ces deux décrets à 2 650 croix.