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Autisme
condition neuro-développementale humaine De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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L’autisme est une condition neurodéveloppementale caractérisée par des difficultés dans les interactions sociales et la communication, ainsi que par des comportements et intérêts à caractère restreint, répétitif et stéréotypé. Le diagnostic est indépendant des niveaux langagier et intellectuel de la personne, les traits autistiques peuvent être plus ou moins sévères et persistent à l’âge adulte. Les troubles associés sont fréquents, l'autisme apportant aussi des avantages sélectifs.
Des personnes autistes. De gauche à droite : un enfant empilant des boîtes de conserve, une compétitrice de patinage artistique, un enfant utilisant un abaque dans une école gérée par l'Autism Somalia Center, le banquier Donald Grey Triplett, qui fut la première personne diagnostiquée.
L'histoire de l'autisme est marquée par une succession de recompositions de sa définition. La CIM-11 retient une notion dimensionnelle prenant en compte l'évolution des individus dans la société. Autrefois considérés comme une pathologie rare et sévère décrite par des symptômes, les troubles du spectre de l'autisme (ou TSA), qui en constituent la manifestation cliniquement observable, sont désormais classés parmi les troubles du neurodéveloppement (TND). Leurs origines comprennent une part génétique majoritaire et complexe, impliquant plusieurs gènes, et des influences environnementales pendant la grossesse. La notion de « spectre de l'autisme » reflète la diversité des phénotypes observés.
L'autisme pourrait provenir d'un développement neurologique différent, notamment lors de la formation des réseaux neuronaux et au niveau du fonctionnement des synapses. Les recherches se poursuivent en neurophysiologie, en psychologie cognitive et en épigénétique. Une personne sur cent est autiste dans le monde. Les garçons sont trois fois plus souvent diagnostiqués que les filles en raison de caractéristiques plus visibles. Les différences liées au sexe restent en cours d'étude.
Les représentations médiatiques de l'autisme ont beaucoup augmenté depuis la fin du XXe siècle, mais elles véhiculent souvent des préjugés néfastes à la compréhension de l'autisme. Le 2 avril est la « journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme », lequel est reconnu par l'ONU comme étant un handicap, en vertu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. La communauté autiste préfère généralement le reconnaître comme une neurodivergence ou un handicap, plutôt qu'une maladie ou un trouble.
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Étymologie et terminologie
Résumé
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Autisme est une traduction du mot Autismus, créé par le psychiatre zurichois Eugen Bleuler[1],[2] à partir du grec ancien αὐτός / autós, « soi-même »[3],[4]. Bleuler introduit ce mot en 1911, « dans son ouvrage majeur, Dementia praecox ou groupe des schizophrénies »[5], avant que le terme autisme ne décrive une entité diagnostique autonome[6]. Au moment de sa découverte, l'autisme est décrit comme une maladie[7] ; puis durant les années 2000 et 2010, comme un syndrome[8],[9], dans un contexte où il apparait à la fois correct et incorrect de l'assimiler à une maladie[10]. Il y a fin 2024 un consensus pour ne plus le décrire comme une maladie[11],[12],[13], mais plutôt comme une variation neurodéveloppementale, pouvant être associée ou non à des maladies[14],[15],[16]. Il ne correspond pas du tout à la notion de maladie génétique[17]. L’hétérogénéité de l'autisme constitue le principal argument contre son assimilation stricte à une neurodiversité : il ne peut être décrit dans son entièreté ni comme une maladie, ni comme une neurodiversité[18].
Les termes « autisme », « personne autiste » et « autiste » sont préférés par les adultes concernés afin de s'adresser à eux[19], « personne autiste » étant l'expression jugée la plus consensuelle et la moins stigmatisante par les Canadiens francophones[20]. Des recommandations de vocabulaire sont formulées par l'association Autisme Europe[21] ainsi que par des équipes de chercheurs[22],[23] : elles recommandent d'éviter les mots négatifs à l'égard des personnes autistes et de l'autisme (tels que « déficit », « symptôme »[22], « maladie », « souffrir d'autisme » et « être victime d'autisme »[21]), de ne pas présenter l'autisme comme un défaut à corriger[23], et de préférer des mots neutres tels que « condition », « handicap », « caractéristique » et « différence »[22],[21]. Une analyse des publications scientifiques en 2023 conclut que le langage médical est majoritairement utilisé pour décrire l'autisme, mais qu'un langage inspiré par le mouvement social de la neurodiversité est employé dans environ 30 % des publications depuis 2021[24].
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Caractéristiques des personnes autistes
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Contexte
De nombreuses tentatives ont visé à décrire l'autisme et le fait d'être autiste, à travers les mentions de changelings, puis de « machines », puis d'enfants qui ne ressemblent pas aux autres[25]. L'autisme est principalement décrit sur la base de l'observation clinique des personnes diagnostiquées comme autistes et de la recherche de ses déterminants (ses causes)[26], suivant le modèle médical de l'autisme plutôt que le modèle social et celui de la neurodiversité[27]. La nature de la population définie comme autiste a beaucoup évolué au cours du temps, par éloignement du prototype initialement décrit, et en devenant très hétérogène[28].
La notion de « sévérité de l'autisme » se réfère à la sévérité du niveau de handicap de la personne autiste, sans qu'il y ait de parallélisme entre le handicap et le degré de troubles fonctionnels[26]. D'un point de vue phénoménologique, il convient donc de distinguer les manifestations de l'autisme de l'autisme lui-même : d'après le philosophe Florian Forestier, « Toute la question est de savoir si l’autisme s’explique uniquement à partir du champ des fonctions déficientes conduisant aux situations de handicap qui en constituent la face apparente », une idée « peu à peu relativisée par la mise en évidence des déterminants sous-jacents de l’autisme »[26].
La description la plus largement reconnue de l'autisme le caractérise par des « déficits » dans les interactions sociales et la communication, ainsi que par des comportements stéréotypés visibles dès la petite enfance[29]. La fréquente confusion entre la notion de déficit et ce que les individus autistes ne font pas complique cependant la description, sachant que les signaux sociaux peuvent évoluer considérablement au cours du temps chez une même personne[30]. Le comportement des enfants autistes est souvent décrit comme « problématique » dans le cadre des interventions comportementales précoces, mais cette notion de « comportement-problème » recouvre des réalités observables très variées, allant d'automutilation jusqu'à des mouvements répétitifs qui ne mettent pas la personne autiste en danger[31].
Les autistes ont typiquement des profils cognitifs en « dents de scie », qui incluent à la fois de relatives forces dans les raisonnements verbal et non verbal, et des faiblesses dans la vitesse des processus cognitifs[32].
Une recension systématique de 2021 conclut à une association marquée entre autisme, utilisation problématique d'Internet et utilisation problématique des jeux vidéo[33].
Communication et interactions sociales

Caractérisé par une réduction quantitative marquée des interactions sociales, le comportement des personnes autistes est souvent décrit comme un « déficit social »[34]. Cependant, cette notion suppose un manque sur la base d'un écart à une norme ou moyenne observable et correspond peu à l'observation clinique, qui soutient plutôt une absence de biais social et une plus grande rareté des recherches d'interactions sociales par comparaison à la norme[35]. Francesca Happé propose dès 1999 de décrire l'autisme comme un « style cognitif »[36], la notion de « déficit social » étant de moins en moins soutenue dans les travaux scientifiques des années 2020[37], notamment à la suite d'une méta-analyse en 2024 qui conclut que les interactions sociales entre personnes autistes adultes sont perçues comme étant de meilleure qualité que les interactions sociales entre une personne autiste et une personne qui ne l'est pas (problème de la double empathie)[38].
L'approche défectologique (deficit-view) est critiquée par des personnes autistes qui estiment qu'elle rend peu compte de leur réalité, que le « déficit social » repose sur des bases culturelles et non des bases médicales[39],[40], et que cette notion renforce le pouvoir médical exercé sur des individus peu désireux d'avoir des interactions sociales, davantage handicapés au quotidien par leurs problématiques sensori-motrices[41].
L'autisme est significativement associé à l'alexithymie, à la fois en matière de reconnaissance des émotions et de dysrégulation émotionnelle[42]. Les autistes sont moins doués que la population générale pour identifier des émotions chez autrui, en particulier l'émotion de peur[43].
Intérêts restreints et répétitifs
Les critères diagnostiques incluent « le comportement restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités »[44]. Cela inclue aussi bien des « stéréotypies motrices », que la communauté autiste préfère nommer stims (anglais pour « battre des mains, se balancer d'avant en arrière », mais aussi tout type de mouvement répétitif qui aide à réguler les émotions, les sensations ou la concentration), que des centres d'intérêts fixes et inhabituels, que ce soit dans leur sujet ou leur intensité et leur nécessité au bien-être de la personne autiste (connus dans la communauté autiste comme intérêts spécifiques ou intérêts spé), ou encore la difficulté à supporter les changements et les transitions.[style à revoir]
Selon Brigitte Harrisson (autrice et travailleuse sociale autiste), au quotidien, il n'est pas rare que certaines personnes autistes regardent tourner des ventilateurs ou des toupies[45]. Les mouvements réguliers et prévisibles de ces objets leur procurent beaucoup de plaisir[45]. De plus, le cerveau d'une personne autiste traite ce qu'il reconnaît[45][à vérifier]. Ce type de mouvement est donc plus apte à être reconnu et traité[45]. En revanche, tout mouvement instable peut déranger la personne autiste[45][source insuffisante].
Un nombre important[Combien ?] de personnes autistes adopte des « comportements alimentaires aberrants » (tels que la consommation excessive d'un aliment en particulier)[46]. Par ailleurs, « il existe des preuves empiriques et un consensus scientifique global soutenant une association entre la sélectivité alimentaire et les troubles du spectre autistique »[46]. Celle-ci serait liée notamment à une hypersensibilité à certaines textures, goûts, arrières-goûts et associations de goûts[47].
Sensorialité et motricité

D'après une recension de la littérature scientifique effectuée en 2015, 70 % des personnes autistes ont une hypersensibilité sensorielle aux sons, à la lumière, ou à d'autres stimuli[48]. La reconnaissance des troubles (hyper- ou hypo-) sensoriels dans le DSM-5 a élargi la définition des TSA, en intégrant les réactivités sensorielles comme critères cliniques. Une hypersensibilité au bruit est commune chez les personnes autistes (détectée chez 65 % des enfants autistes)[49],[50], et des études neurophysiologiques montrent des différences anatomiques et fonctionnelles dans leurs réseaux auditifs, dont au niveau du planum temporale et du tronc cérébral, contribuant à altérer le traitement auditif complexe[51]. Le cerveau du jeune autiste travaille plus intensément pour comprendre les échanges sociaux dans un environnement bruyant ou riche en stimuli ; certaines zones du cerveau responsables des sensations et du langage sont plus actives ou fonctionnent différemment chez eux ; il leur est plus difficile d'ignorer les bruits gênants et de se concentrer sur les paroles ou les gestes d'autrui[51]. Ces découvertes peuvent aider à mieux comprendre leurs difficultés de communication et à imaginer des solutions plus adaptées pour les accompagner. Les traitements en restent limités et les thérapies d’intégration sensorielle manquent encore d’une validation scientifique robuste[52].
Les réactions des personnes autistes à la douleur sont souvent atypiques[48]. Leur manière de l'exprimer a donné lieu à des croyances délétères très problématiques, débouchant en particulier sur des interventions médicales invasives[48]. Le docteur en psychologie Serge Dalla Piazza cite en 2007 des cas d'enfants autistes non verbaux recousus de leurs plaies à vif, au motif qu'ils n'auraient pas de perception de la douleur[53]. La défense de ces enfants contre la douleur était, de plus, interprétée à tort comme relevant d'un acte de violence contre le personnel médical[53]. Le syndrome de sensibilité centrale (CSS) est plus courant chez les autistes (femmes notamment) que dans la population moyenne[54] ; chez les personnes autistes, la sensibilité sensorielle, l'anxiété, l'âge et le sexe sont des prédicteurs significatifs des symptômes du CSS[54].
Une méta-analyse publiée en 2020, basée sur 30 ans d'études, conclut à l'existence de caractéristiques spécifiques dans la marche à pied des personnes autistes, par comparaison à celles qui ne le sont pas : la vitesse de marche est plus lente, le temps entre chaque pas est plus long, et la phase de suspension du pied en l'air plus longue[55]. Durant la petite enfance, une marche plus lente est caractéristique de l'autisme[56]. Il existe aussi une association plus élevée que la norme entre l'autisme et l'équinisme, ou déplacement sur la pointe des pieds[57],[58], pouvant provoquer un raccourcissement du tendon d'achille[58].
Structure cérébrale

Des différences au niveau du cerveau sont observées chez les personnes autistes, apportant une signature anatomique à la définition antérieure par des critères cliniques[59]. Les études en neurosciences ont montré des différences dans l’organisation du cortex[60], au niveau des dendrites (arborescences des neurones) et des synapses (connexion entre neurones), voire des modifications plus larges de structures cérébrales.
Si Saxco et al. concluent en 2015 qu'il existe une association significative entre macrocéphalie et autisme[61], selon Trait et al. (2018), il n'existe pas de preuve que le volume du cerveau soit corrélé à l'autisme[62].
En corrélation avec les différences fonctionnelles observées au niveau comportemental, les études d'Eric Courchesne et de son équipe relèvent que les enfants autistes ont un nombre de neurones plus élevé de 67 % en moyenne dans le cortex préfrontal[63], et une croissance cérébrale plus importante que la moyenne au niveau des lobes frontaux, ce qui s'est traduit dans la littérature scientifique antérieure par des observations de périmètre crânien plus élevé[64].
À l'échelle des synapses, des études mettent en évidence des modifications dans le système des neurotransmetteurs, en particulier celui du transport de la sérotonine en association notamment avec des modifications de gènes impliqués. L'implication du système dopaminergique ou glutamatergique semble moins bien démontrée[65].
Avantages et désavantages conférés par l'autisme

Ces différences pourraient ne pas être qu'une preuve d'un trouble fonctionnel, mais aussi la preuve d'une « organisation alternative du cerveau », parfois plus efficace (cf. tests d'intelligence non verbale)[23].
Les points forts visuo-spatiaux des personnes autistes ont été étudiés à travers des études expérimentales : la perception visuelle est plus fine, avec une meilleure attention aux détails, une habilité à repérer visuellement des motifs tels qu'une figure cachée plus rapidement, et une capacité supérieure à reconnaître des motifs répétitifs[66],[67],[68],[69],[70],[71]. La perception auditive est également accrue, par comparaison avec les personnes non-autistes[72].
L'autisme a vraisemblablement joué un rôle positif dans l'histoire évolutive humaine[73],[74],[75],[76],[77], une idée développée par Simon Baron-Cohen dans son ouvrage The Pattern Seekers, dans lequel il déclare que « les personnes autistes ont réellement contribué aux progrès humains »[78].
Ces points forts coexistent avec du handicap : l'attention aux détails s'associe à une anxiété accrue, une hypersensibilité et une inflexibilité[66]. Si les personnes autistes réalisent de meilleures performances que la moyenne sur des taches d'isolation et de séparation des stimuli, elles sont moins bonnes que la moyenne dès lors que ces tâches demandent de la cohérence, par exemple pour relier des stimuli entre eux[79]. L'hyperlexie, caractérisée par un décodage très précoce des mots doublé d'un retard dans la compréhension de leur sens, est très significativement associée à l'autisme, 84 % des personnes hyperlexiques connues étant également autistes ; les enfants autistes hyperlexiques apprennent à lire par un processus inversé et non communicatif par comparaison aux enfants typiques[80].
Les neuroscientifiques britanniques Francesca Happé[81] et Simon Baron-Cohen[82], ainsi que le chercheur franco-canadien Laurent Mottron[83], postulent que les avantages et les désavantages conférés par l'autisme sont indissociables, constituant un style cognitif à part entière. Plusieurs chercheurs, dont Laurent Mottron, plaident pour que les scientifiques et les intervenants spécialisés s'appuient sur les points forts des personnes autistes, plutôt que d'employer une approche basée sur les seuls déficits et handicaps[23],[22].
Populations spécifiques
Parmi les personnes diagnostiquées, il est estimé que le ratio homme-femme s'élève à une femme pour quatre hommes, alors que le sex-ratio réel serait estimé à au moins une femme pour trois hommes[84]. Les enfants répondant aux critères du TSA ont un ratio de trois garçons pour une fille[85].
Un biais favorise les hommes dans la pose du diagnostic : les femmes autistes ont des caractéristiques extérieurement moins visibles, vraisemblablement en raison d'une tendance à les camoufler[86].
Autisme et genre
Des enquêtes et études scientifiques s'intéressent à l'autisme parmi les minorités de genre et de sexualité[87]. Il ressort des recensions d'études faites dans les années 2000-2020 qu'« il existe une plus grande prévalence des personnes des minorités de genre et de dysphorie de genre[88],[89] au sein de la population autiste et, réciproquement, une plus grande prévalence de l’autisme chez les populations trans et non binaires que chez les personnes cisgenres »[87]. Ces relations entre autisme, identité de genre et orientation sexuelle sont des cooccurrences démontrées, et non des relations de cause à effet[87].
Des recommandations émergent au sein de la littérature académique comme au sein de la littérature militante pour aider les personnes à la fois autistes et LGBTQ+, souvent doublement stigmatisées[87].
Femmes autistes
D'après l'équipe de Laurent Mottron, l'autisme chez les femmes peut être sous- ou sur-diagnostiqué, en fonction des cliniciens impliqués et de l'insistance de certaines femmes pour obtenir ce diagnostic ; le diagnostic différentiel avec le trouble de la personnalité limite et le trouble de stress post-traumatique est particulièrement ardu[90]. Ceci peut être attribué au fait que les femmes ont souvent été éduquées pour développer plus de stratégies d'adaptation sociale (imitation et camouflage inclus) que les hommes, ce qui les aiderait à cacher leurs traits autistiques ; elles seraient par exemple plus nombreuses à s'entrainer à converser avant de socialiser, ou à imiter leur entourage. Ceci expliquerait que les intérêts des filles autistes s'alignent fréquemment sur ceux des filles neurotypiques de leurs âges, contrairement aux garçons qui développent des intérêts plus atypiques. Les filles autistes auraient alors plus de facilité à se faire des amis que les garçons, et seraient moins facilement diagnostiquées[91].
Il n'existe pas encore de consensus à ce sujet, mais des études suggèrent qu'il y aurait dans la population autiste (par rapport à la population neurotypique) une surreprésentation de personnes issues des minorités de genre, et au sein de ces dernières, les personnes assignées femmes à la naissance seraient sur-représentées[92],[93].
D'autres études n'ont pas observé de significativité pour cette recherche de corrélation particulière[94],[95],[96], ou ne se sont pas intéressées à l'appartenance de genre dans la présentation des résultats obtenus[97],[98].
Les femmes autistes montrent généralement une sensibilité accrue aux changements hormonaux liées à la puberté et à la ménopause[99], ainsi qu'aux fluctuations hormonales liées aux menstruations[99], dans un contexte où les femmes autistes témoignent d'un manque de connaissances de la période de ménopause[100]. Simantov et al. (2022), dans un panel de 1230 femmes (dont 361 diagnostiquées autistes et d'autres présentant des caractéristiques autistiques non diagnostiquées), notent que les affections connues pour être liées aux hormones sexuelles (testostérone et œstrogènes notamment) sont surreprésentées chez les personnes diagnostiquées autistes ou présentant des traits autistiques (troubles du système reproducteur, symptômes prédiabétiques, anomalies dans le début de la puberté et dans la durée des menstruations).
Les femmes autistes présentent une prévalence plus élevée de symptômes prémenstruels ; 21 % d'entre elles subissent des « troubles prémenstruels sévères » contre 3 % chez les femmes non autistes[101]. Plusieurs affections endocriniennes sont également plus fréquentes (syndrome des ovaires polykystiques avec signes prédiabétiques, tels qu'un besoin d'uriner plus fréquent et une soif excessives)[réf. nécessaire].
Personnes âgées autistes
Dans un contexte où l'immense majorité des travaux scientifiques concernent les enfants, très peu de recherches sont menées sur les personnes âgées autistes, bien que cette situation soit en cours d'évolution durant les années 2020 : 0,4 % des publications scientifiques jusqu'en 2022 concernent cette catégorie[102]. Le diagnostic d'une personne âgée est notoirement compliqué[103]. La recommandation internationale pour définir les personnes âgées autistes est un âge de plus de 65 ans[104].
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Troubles associés à l'autisme
Résumé
Contexte
Les troubles associés chez les personnes autistes, en particulier ceux d'origine neurologique, sont bien connus et étudiés, leur prise en compte permettant d'améliorer la qualité de vie[105]. La pédopsychiatre française Catherine Barthélémy estime que 12 à 37 % des personnes autistes ont des troubles associés, d'origine diverse[106]. Les raisons de ces associations restent méconnues, mais ces troubles associés génèrent un sur-handicap[106]. Un examen clinique complémentaire au diagnostic de l'autisme permet de les repérer[106]. D'après elle, 18 % des personnes autistes ont une hyperacousie, et 11 % un trouble de l'audition[106].
L'épilepsie est beaucoup plus fréquente que dans la population générale, environ 25 % des personnes autistes étant épileptiques[106],[107]. Cette association est plus fréquente chez les personnes ayant à la fois un TSA et des troubles d'apprentissage, ce qui évoque des causes neurodéveloppementales précoces[108]. L'anxiété et la dépression sont également rapportées[107],[109], les personnes concernées ayant « tellement d'efforts à déployer au quotidien » pour peu de gratifications sociales que la vulnérabilité à ces troubles s'en trouve accrue[110]. L'association de l'autisme avec le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) est fréquente, et souvent alors accompagnée d'une fatigue chronique[111],[112], mais la prévalence de ces associations reste difficile à estimer en raison du fort chevauchement de leurs caractéristiques[113],[114].
Dans un échantillon de 213 893 enfants de 3 à 17 ans représentatif des enfants américains, Wenhan et al. (2020) observent que l'anémie est significativement associée à certains troubles neurodéveloppementaux, dont les troubles du spectre autistique (TSA) et le TDAH, ainsi qu'à des troubles d'apprentissage[115].
Bien que l'apragmatisme, y compris sans rapport avec des troubles de l'humeur et sans rapport avec une comorbidité de psychose, soit fréquent chez les autistes, il est généralement peu abordé et reste un angle mort des représentations populaires sur l'autisme[116],[117],[118].
L'autisme n'entraîne pas de déclin cognitif (affaiblissement de la mémoire de travail) avec l'âge[119], mais il pourrait s'associer à un risque légèrement plus élevé de maladie de Parkinson[120].
Handicap intellectuel, syndrome de l'X fragile
La question de l'association entre l'autisme et le handicap mental est controversée, en raison d'une probable surévaluation de retards acquis au cours du développement de l'enfant[121]. L'autisme peut ainsi être associé au syndrome de l'X fragile[107]. Selon Laurent Mottron[N 1], 10 % des personnes autistes souffrent d'une maladie neurologique associée qui diminue l'intelligence (par exemple, le syndrome de l'X fragile)[23].
Selon la méta-analyse de Zeidan et al., la médiane dans les taux de mesure de handicap intellectuel est de 33 %[122]. L'INSERM retient lui aussi environ un tiers d'association entre autisme et déficience intellectuelle[107].
Troubles du sommeil
Des troubles du sommeil sont souvent mentionnés chez les personnes autistes, une méta-analyse de 2019 chez les enfants et adolescents montrant une association de 13 %, contre 3,7 % en population générale[123]. Ces troubles du sommeil nuisent aux interactions sociales, à la vie quotidienne et aux résultats scolaires, provoquant du stress maternel et une perturbation du sommeil des parents à leur tour[124],[125].
Les polysomnographies d'enfants montrent des anomalies surtout liées au sommeil paradoxal, entraînant une diminution de la quantité de sommeil[124]. L'insomnie est souvent mentionnée[126].
Microbiote intestinal
Plusieurs études pointent une corrélation entre déséquilibre ou altération du microbiote intestinal et autisme[127],[128]. La fiabilité de ces études est remise en cause en raison de nombreuses failles méthodologiques et d'un manque de reproductibilité, ne permettant pas d'établir de lien de causalité[129].
Une recension systématique publiée en 2019 conclut que les personnes autistes hébergent plus souvent un microbiote bactérien altéré. Les enfants autistes ont des pourcentages plus faibles d'Akkermansia, de Bacteroides, de Bifidobacterium et de Parabacteroides, et un pourcentage plus élevé de Faecalibacterium dans le microbiote, par rapport aux témoins neurotypiques[130]. Ces différences sont alors jugées suffisamment significatives pour envisager l'analyse du microbiote intestinal comme un marqueur diagnostique des personnes autistes[131]. Il est suggéré que ces altérations du microbiote soient une conséquence du régime alimentaire sélectif des personnes autistes, plutôt qu'une cause de l'autisme[132],[133]. Une autre conséquence est un taux plus élevé de constipations[134].
Une étude par questionnaire publiée en 2022 conclut que les troubles gastro-intestinaux n'ont qu'un effet mineur sur le TSA[135]. L'état des connaissances du microbiome intestinal en 2024 ne permet pas d'envisager de traitement susceptible d'améliorer la qualité de vie[136].
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Causes
Résumé
Contexte
Les causes semblent le plus souvent d'origine « multifactorielle, avec une forte implication de facteurs génétiques[137] » et de nombreux facteurs de risques concomitants[65]. La forte part génétique des causes de l'autisme est un consensus scientifique, en résultante de très nombreux travaux répliqués[29].
La probabilité d'être diagnostiqué autiste est plus élevée chez les hommes[138] (même si un sous-diagnostic des femmes n'est pas exclu). Elle augmente aussi lorsqu'il y a déjà un enfant autiste dans la fratrie (par 3 pour les demi-frères et sœurs, par 10 pour les frères et sœurs, et par 150 chez les jumeaux monozygotes)[139].
Génétique et héritabilité
L'autisme est en grande partie héréditaire, et donc lié au génome (90 % des jumeaux monozygotes partagent l'autisme tandis que les jumeaux dizygotes n’ont qu’une probabilité de 5 à 10 %), mais aucun gène ou allèle, à lui seul, n'est apparu comme cause spécifiquement de l'autisme. L'autisme présente diverses formes qui combinent de nombreuses variations génétiques (rares ou communes), qui interagissent plus ou moins entre elles et avec l'environnement[140]. Il existe un fort niveau de preuve de corrélation entre la présence de variants génétiques hérités de l'Homme de Néandertal et la susceptibilité à l'autisme[141],[142].
Plusieurs centaines de gènes sont déjà recensés comme en cause ou potentiellement impliqués (dont SHANK3, CHD8, SCN2A, ADNP et POGZ). Ces gènes sont souvent liés à la signalisation neuronale, au développement neuronal et à la « maturation synaptique »[143], ce qui a orienté les études neurobiologiques vers les modifications de la connectivité et des neurones induites par l'expression de ces gènes[65]. Leurs suppressions dans le modèle animal (rongeur) provoque des symptômes pseudo-autistiques[144]. Certains sont liés à la régulation de la transcription et au remodelage de la chromatine.[réf. nécessaire] Des travaux sur l'héritabilité de l'autisme suggèrent qu'environ 90 % de la variabilité est attribuable à des facteurs génétiques. Distinguer les facteurs génétiques des facteurs environnementaux reste cependant difficile, l'autisme étant un caractère phénotypique issu d’interactions complexes[145][source insuffisante].
Les structures cérébrales caractéristiques étant acquises in utero[146], il n'est pas possible d'isoler l'effet de l'environnement en étudiant les jumeaux monozygotes qui sont exposés aux mêmes conditions de développement prénatal. Les interactions des gènes liés à l'autisme entre eux et avec l'environnement sont complexes : un même profil génétique et le même environnement peut produire des individus autistes et neurotypiques, les jumeaux monozygotes n'étant pas systématiquement autistes ou neurotypiques. Dans les années 1990, l'autisme était considéré comme une maladie polygénique de 5 à 15 gènes à transmission non mendélienne. Or, depuis les années 2000, plusieurs centaines de gènes à transmission mendélienne impliqués dans l'autisme ont été mis en évidence[147].
Les progrès en génétique ont révélé que la complexité des TSA s'explique aussi par des altérations génétiques et des facteurs génomiques, notamment par des polymorphismes mononucléotidiques (qui sont des variations d'une seule paire de base dans l'ADN) et par des variations du nombre de copies (qui correspondent à des duplications ou des suppressions de segments d'ADN)[143]. Ces altérations génétiques, combinées à des modifications épigénétique]s (changements dans l'expression des gènes sans modification de la séquence d'ADN), soutiennent la théorie d'un mécanisme « neuro-immunopathologique » (interaction entre des anomalies neurologiques et des dysfonctionnements du système immunitaire). L'étude de ces mécanismes, notamment dans le modèle animal et à travers des recherches en neurosciences affectives et en biologie du développement, permet de mieux comprendre en quoi et comment les circuits neuronaux sont affectés par ces altérations[143].
Maladies inflammatoires
Des indices laissaient penser que des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MII) parentales puissent prédisposer l'enfant à naître à l'autisme. Cela a été corroboré en 2022 par un article de Aws Sadik et Coll. En combinant quatre approches complémentaires, les auteurs y estiment « avoir trouvé des preuves d'un lien de causalité potentiel entre les MICI parentales, en particulier maternelles, et l'autisme chez les enfants. Un dérèglement immunitaire périnatal, une malabsorption des micronutriments et une anémie parentale peuvent être impliqués »[148].
Environnement prénatal
Un certain nombre de facteurs prénataux ont été corrélés à une probabilité de diagnostic d'autisme chez l'enfant à naître. C'est le cas de l'exposition in utero à l’acide valproïque, un antiépileptique désormais formellement contre-indiqué pendant la grossesse[149]. Une corrélation existe aussi en cas d'hypothyroïdie maternelle non équilibrée durant le premier trimestre de grossesse[150], et en cas d'exposition fœtale à l'hyperglycémie lors d'un diabète gestationnel[151].
Une mère exposée à des maltraitances durant son enfance a aussi une plus haute probabilité d'autisme chez l'enfant à naître[152].
Travaux sur la pollution prénatale
Depuis la fin des années 2010, divers travaux ont été conduits pour examiner la corrélation entre exposition prénatale à des polluants et probabilité d'autisme, une étude de cohorte sur plus de 130 000 mères ayant conclu à un rôle de l'exposition au monoxyde d'azote[153].
La proximité du lieu de résidence de la mère durant la grossesse avec des champs traités par des insecticides de la famille des organophosphorés et des pyréthroïdes augmente aussi le taux d'autisme des enfants à naître[154], de même que la contamination à l'acide perfluorodécanoïque (en) (PFDA), un polluant environnemental (PFAS)[127].
Découverte puis remise en cause de l'hypothèse du cerveau hypermasculin
Divers travaux conduits notamment par Simon Baron-Cohen à partir des années 1990 ont mis en cause une concentration amniotique élevée de testostérone lors d'un stade critique de la vie fœtale, qui pourrait favoriser un « cerveau hyper-masculin », alors source de comportements stéréotypés masculins tels que la systématisation, la construction de machines, une moindre capacité d'empathie et de vie sociale (qualités supposées plus féminines selon cette approche), donc l'apparition de traits autistiques[155].
Facteurs périnataux
Les facteurs périnataux sont :
- les situations de détresse respiratoire aiguë ou d'hypoxie en périnatalité[156] ;
- la prématurité, les petits poids de naissances, et l'accouchement par césarienne[157].
Causes réfutées
Plusieurs causes présumées de l'autisme ont été invalidées, notamment les vaccins[158], et le manque d'affection exprimé par les parents (hypothèse de la « mère réfrigérateur »)[159].
Depuis les années 2010, plusieurs reportages médiatiques et des vidéos virales suggèrent que l'exposition aux écrans (téléphone portable, tablettes...) soit une cause de l'autisme[160]. Il existe des preuves de corrélation : les enfants diagnostiqués comme autistes passent en moyenne plus de temps devant des outils numériques à écran que ceux qui ne sont pas diagnostiqués[161],[162]. Cependant, aucune preuve de causalité n'a été émise, dans un contexte où les preuves s'orientent vers des facteurs plus précoces que l'usage d'écrans[160],[163],[161].
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Diagnostic de l'autisme
Résumé
Contexte
Il existe désormais un consensus international dans les critères permettant de poser le diagnostic d'autisme[164]. Depuis la parution de la CIM-11, le syndrome d'Asperger est totalement inclus aux troubles du spectre de l'autisme, il n'est donc plus considéré comme une entité clinique séparée[165].
Dépistage précoce (12-30 mois)
Les parents peuvent percevoir des premiers signes de l'autisme durant les deux premières années de leur enfant, par l'absence ou la présence d'un certain nombre de comportements[166], par exemple : une impression d'indifférence au monde sonore (ne réagit pas à son prénom) et aux personnes ; l'absence de tentative de communication avec l'entourage par les gestes ou le babillage ; la difficulté à fixer le regard ou un regard périphérique. Le décalage avec les comportements des autres enfants apparaît de plus en plus important avec l'avancée en âge, néanmoins certains enfants se développent d'abord « normalement », puis « régressent » soudainement[167],[168].
Environ la moitié des parents d'enfants présentant un trouble du spectre de l'autisme remarquent la présence de comportements inhabituels chez leur enfant avant l'âge de 18 mois, et environ les quatre cinquièmes avant l'âge de 24 mois[169]. La présence d'un ou plus des signes d'alerte suivant nécessite de consulter un médecin spécialiste[170] (voir les recommandations de la Haute Autorité de santé[HAS 1]) :
- absence de babillage à 12 mois ;
- absence de gestes communicatifs (pointer, faire coucou, etc.) à 12 mois ;
- aucun mot isolé prononcé à 16 mois ;
- aucune phrase de deux mots prononcée spontanément à 24 mois (à l'exception de phrases écholaliques) ;
- toute régression des capacités sociales et langagières, quel que soit l'âge de l'enfant.
Le dépistage et le diagnostic précoce de l'autisme sont essentiels afin de mettre en place une prise en charge adaptée le plus tôt possible[170]. De nombreux outils de dépistages standardisés ont été développés dans ce but. Parmi ces outils, figurent l'échelle de développement psychomoteur de la première enfance (Brunet-Lézine), le test M-CHAT (Modified Checklist for Autism in Toddlers[171], le test ESAT (Early Screening of Autistic Traits Questionnaire) et le questionnaire FYI (First Year Inventory). Les données préliminaires récoltées concernant le test M-CHAT et son prédécesseur, le test CHAT (Checklist for Autism in Toddlers), chez de jeunes enfants de 18-30 mois suggèrent d'une part que ces tests sont d'autant plus utiles qu'ils sont administrés dans un contexte clinique, et d'autre part que la sensibilité de ces tests est basse (fort taux de faux négatifs), mais que leur spécificité est élevée (peu de faux positifs)[172]. L'efficacité de ces outils de dépistages précoces est augmentée lorsqu'ils sont précédés d'un dépistage plus large des troubles neurodéveloppementaux en général[173]. Enfin, un test de dépistage développé et validé au sein d'une culture particulière doit être adapté avant d'être généralisé à une culture différente : par exemple, regarder son interlocuteur dans les yeux est un comportement normal et attendu dans certaines cultures mais pas dans d'autres[174].
Les tests génétiques ne sont généralement pas indiqués dans le cadre d'un diagnostic d'autisme, sauf en présence d'autres symptômes tels que des troubles neurologiques ou une dysmorphie faciale[175].
Auto-dépistage chez l'adulte
Des questionnaires disponibles sur internet visent à auto-évaluer la présence de traits autistiques. Le Groupement national des centre ressource autisme français n'en recommande pas l'usage car « de nombreuses personnes qui les remplissent ont des résultats en faveur de l’autisme mais présentent en réalité d’autres problématiques »[176].
Parcours diagnostic en France
Pour les adultes sans déficience intellectuelle
En première intention, le Groupement national des centre ressource autisme recommande de consulter un professionnel de la santé mentale (psychiatre ou psychologue) en centre médico-psychologique (CMP) ou en libéral afin d'examiner la présence d'autres troubles ayant des symptômes similaires[176] comme les troubles anxieux, la phobie sociale, la dépression, les troubles bipolaires, les troubles du spectre de la schizophrénie, les troubles de la personnalité ou le stress post-traumatique. Le professionnel consulté peut contacter un centre ressources autisme s'il suspecte un trouble autistique afin d'être accompagné dans sa démarche de diagnostic.
En théorie, c'est au professionnel de santé mentale de renvoyer le patient vers un centre ressource autisme régional[177] s'il ne parvient pas à faire un diagnostic, les CRA ayant vocation à réaliser uniquement les diagnostics complexes[176]. Cependant, face au déficit de professionnels de santé mentale formés à l'autisme, de nombreuses personnes se tournent directement vers les CRA.
Difficultés du diagnostic des femmes
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel des troubles du spectre autistique se fonde en partie sur une évaluation des trois critères centraux du spectre : socialisation, communication, comportement[N 2].
Le diagnostic de trouble du spectre de l'autisme ainsi défini ne s'accompagne pas nécessairement d'un retard de langage ou d'une déficience intellectuelle. Ces deux éléments précisent éventuellement le diagnostic s'ils sont présents[178].
Le DSM-5 inclut aussi le trouble pragmatique du langage dans le diagnostic différentiel, les symptômes décrits dans le TPL n'étant pas définis dans le DSM-4, de nombreuses personnes avec les symptômes du TPL peuvent avoir été diagnostiqués avec un trouble envahissant du développement non spécifié. Ainsi, une personne présentant ces symptômes mais ne présentant pas les autres symptômes des troubles du spectre autistique serait diagnostiquée avec un trouble pragmatique du langage selon les nouveaux critères du DSM-5[179].
Le trouble du spectre de l'alcoolisation fœtale (TSAF), dû à la consommation de boissons alcoolisées pendant la grossesse, présente des symptômes pouvant être interprétés à tort comme ceux du spectre autistique[180], bien que les facteurs de cause ne soient pas les mêmes[181]. Au Québec, de faux diagnostics de TSA sont délibérément posés à des personnes avec TSAF afin de leur permettre d'accéder à des services de soutien[182].
Schizophrénie et autisme sont les deux grandes inventions diagnostiques de la psychiatrie du vingtième siècle qui ont survécu aux différentes évolutions des classifications. Elles sont liées historiquement dans une certaine filiation théorique, et ont longtemps été plus ou moins rapprochées voire parfois assimilées. Mais un mouvement de séparation a eu lieu, séparation d'abord sur les réponses à apporter, sur les supports théoriques puis au niveau des hypothèses causales[183]. D'un point de vue phénoménologique, l'expérience des personnes autistes rejoint celle des personnes souffrant de schizophrénie sur quelques points : des difficultés dans les relations sociales, une synesthésie fréquente et une perception auditive plus importante ; cependant, les expériences de chacun de ces deux groupes diffèrent considérablement sur tous les autres points analysés, l'autisme étant un trouble de l'intersubjectivité primaire, alors que la schizophrénie est un trouble de l'identité propre (ipséité)[184].
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Gestion des difficultés rencontrées par les personnes autistes
Résumé
Contexte

Il existe différentes dimensions d'accompagnement des personnes autistes pour les aider à compenser leur handicap, selon plusieurs approches — éducatives, psychologiques ou médicales — et donc diverses méthodes plus ou moins en concurrence[185]. L'entraînement aux habiletés sociales est considéré comme « quasiment indispensable »[186]. Les adultes autistes ont longtemps été délaissés[187]. Les apprentissages diffèrent de ceux de l'enfance, en raison de la moindre importance des savoirs académiques et de la plus grande importance des apprentissages permettant l'autonomie[187]. Parmi ces derniers, la mise en place d'un moyen de communication fonctionnel est jugée « indispensable »[187].
La qualité de vie ressentie par les personnes autistes est globalement inférieure à celle des personnes qui ne le sont pas, sans différence particulière liée à l'âge, au score de QI ou à la « gravité » des symptômes[188].
Approches psychoéducatives

Des interventions cognitives et comportementales, notamment l'analyse appliquée du comportement (ABA), dont est aussi dérivé le modèle de Denver, le TEACCH, et le PECS (moyen de communication alternatif), sont proposées pour aider les personnes autistes à gagner en autonomie et à développer des habitudes de communication[189].
D'après la collaboration Cochrane (2017), les preuves d'efficacité réelles des interventions comportementales intensives précoces (ICIP) de type ABA chez les jeunes enfants sont très limitées, en raison des petits échantillons de ces études et d'un fort risque de biais[190]. En revanche, il existe quelques preuves d'efficacité des groupes d'habiletés sociales pour les personnes entre 6 et 21 ans[191].
Les personnes militant pour la neurodiversité (qu'elles soient elles-mêmes autistes comme Michelle Dawson, chercheurs comme Laurent Mottron, ou parents), sont globalement opposées aux approches de type ABA, qu'elles jugent non éthiques[192],[193]. Il est aussi suggéré qu'une exposition répétée aux approches de type ABA génère un trouble de stress post-traumatique chez la personne autiste[194].
Médicaments
Pour traiter l'autisme
D'après l'Organisation mondiale de la santé, « il n'existe pas de traitement curatif » de l'autisme[195]. Aucun traitement médicamenteux n'est recommandé officiellement[196].
La collaboration Cochrane note des études très limitées sur la rispéridone[197], le niveau très faible voire l'absence de preuve d'efficacité des ISRS (avec effets délétères constatés)[198], des preuves contradictoires concernant les antidépresseurs tricycliques (là aussi avec effets secondaires délétères)[199], et l'absence totale de preuve d'efficacité des injections intraveineuses de sécrétine[200]. Les résultats en ce qui concerne la supplémentation en vitamines et en minéraux sont contradictoires : il n'existe aucune preuve d'effet thérapeutique des cures de vitamines et de minéraux, mais ces cures montrent leur utilité dans le cas de personnes ayant des déséquilibres alimentaires[201].
Pour traiter les troubles associés et symptômes
Certains traitements médicamenteux ciblent les troubles associés à l'autisme.
La prescription de mélatonine pourrait améliorer significativement le temps de sommeil total[202],[203]. Un nombre important de personnes autistes étant épileptiques, elles reçoivent des médicaments anti-épileptiques afin de prévenir les crises[204]. Les médicaments peuvent traiter les troubles dépressifs ou anxieux et les troubles du comportement.
Psychothérapies et autres thérapies
Critique de la psychanalyse
L'approche psychanalytique de l'autisme domine en Amérique du Nord jusque dans les années 1960, et en monopolise l'approche à cette époque, peut-être en conséquence du rejet de l'eugénisme après la Seconde Guerre mondiale[205]. Développée dans un contexte où de plus en plus de femmes cumulent parentalité et emploi, elle se caractérise par la culpabilisation des mères, et par une perception de l'enfant autiste comme victime d'une mauvaise parentalité, l'autisme étant décrit comme une preuve de la culpabilité maternelle[206]. Par la suite, elle est « très largement remise en cause »[207]. Elle reste source de vives controverses en France, concernant tant les hypothèses émises sur l'origine de l'autisme, que leur application et la question de leur utilité pour les personnes concernés[208],[209].
Cette controverse a notamment pour source les hypothèses émises aux États-Unis par Bruno Bettelheim[210],[207], puis appliquées en France par Maud Mannoni et Françoise Dolto[208],[211].
Thérapies « alternatives » et dérives
Le contexte d’incompréhension de l'autisme et d'impuissance des familles favorise le développement de méthodes « alternatives », souvent facturées à des prix très élevés et présentées comme miraculeuses[212],[213]. Une pseudoscience s'est développée autour de causes hypothétiques de l'autisme, de son traitement, voire d'une supposée « guérison », impliquant un grand nombre de thérapies non conventionnelles. Certaines reposent sur des régimes alimentaires[214], d'autres sur de prétendus traitements oraux parfois dangereux (« supplément alimentaire minéral miraculeux »), ou simplement inefficaces (« Coconut kefir »)[212]. La « thérapie par chélation », qui a entraîné la mort d'un enfant[215] et l'exposition à l'oxygène en caisson hyperbare ne sont pas recommandées[212].
Certaines méthodes alternatives ou complémentaires ont une suspicion d'efficacité avec un niveau de preuves scientifiques faible ; c'est le cas des thérapies assistées avec des animaux[213], notamment les chevaux[216].
Les méthodes dites sensorielles basées sur l'eau (le snoezelen, la natation, la plongée sous-marine et d'autres méthodes de balnéothérapies ou d'hydrothérapie (« méthode Halliwick »)[217],[218] durant 10 à 14 semaines sont appréciés de nombreux autistes qui peuvent trouver une source d'amélioration de confiance en soi, des interactions sociales et des comportements[219], mais certaines formes d'hydrothérapie sont inadaptées aux cas d'hypersensibilité proprioceptive, faisant que des stimuli externes appliqués avec une force excessive (ex. : jet d'eau) « conduisent souvent à une réponse des systèmes de stress qui ne correspond pas aux capacités de compensation du corps »)[220]. Beaucoup de méthodes utilisant l'eau ont un niveau de preuve encore insuffisant[221], et certaines n'ont pas la moindre efficacité démontrée[212].
La méthode Son-Rise et la méthode des 3i ne sont pas recommandées par la HAS en France[222].
Profitant de la fragilité émotionnelle des familles, des charlatans et certaines sectes proposent de traiter par des recettes miracles ce qu'ils prétendent être des causes de l'autisme, comme les vaccins[223],[224], le gluten[225] ou encore le mercure (thiomersal)[226] (agent mercuriel autrefois présents dans de nombreux vaccins), ou évoquent des théories du complot.
Grâce aux importants revenus générés par ces pseudo-thérapies, de puissants instituts se sont formés aux États-Unis pour promouvoir et centraliser ce genre de méthodes (comme l'Autism Society of America, l'Autism Research Institute et le Strategic Autism Initiative), appuyés par une communication et un lobbyisme actifs, impliquant jusqu'à Donald Trump[227]. Cette communication est généralement basée sur des témoignages isolés et invérifiables et une grande force de persuasion, parfois assortis de fausses études scientifiques[212].
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Pronostic et évolution
Résumé
Contexte

L'autisme est officiellement reconnu comme générant un handicap. La perspective d'une évolution hors du handicap est cependant possible, notamment en matière d'autonomie[Quoi ?].
Parmi les exemples notables de personnes autistes devenues autonomes figure Donald Grey Triplett, premier enfant diagnostiqué comme autiste par Leo Kanner, qui a ensuite obtenu des diplômes et travaillé dans une banque[228].
Sortie des critères diagnostiques
Certains enfants diagnostiqués sortent des critères diagnostiques au fil du temps, ce qui a pu être interprété, à tort, comme une « guérison »[229],[230]. Environ 9 % des enfants autistes ne rencontrent plus les critères diagnostiques à l'âge adulte, la plupart du temps, parmi ceux qui ont été diagnostiqués sans handicap mental associé[231].
Une partie des personnes autistes, plus particulièrement les femmes, apprennent à masquer leurs traits autistiques afin de paraitre plus acceptables socialement ; ce camouflage offre certains avantages pour mieux s'intégrer dans la société, mais il peut entraîner des inconvénients comme l'anxiété, la dépression et l'épuisement[232].
Décès prématurés
Selon un rapport publié en 2016 par l'ONG anglaise Autistica, une personne autiste (TSA) meurt environ 18 ans plus tôt que la moyenne (et 30 ans plus tôt que la moyenne si elle a une déficience intellectuelle)[108]. En 2024, une très vaste étude (menée sur une cohorte de près de 10 millions de personnes, dont 17 130 diagnostiquées autistes sans déficience intellectuelle et 6450 avec déficience intellectuelle, chacun apparié à dix témoins sans diagnostic d’autisme) a conclu qu'au Royaume-Uni les personnes autistes diagnostiquées (surtout avec déficience intellectuelle) ont une moindre espérance de vie (de six ans environ), mais que ce chiffre sous-estime la réalité en raison d'un sous-diagnostic généralisé dans la population adulte. Les inégalités de santé et d’accès aux soins (qui touchent de manière disproportionnée les personnes autistes) expliquent cette surmortalité plus que l'autisme lui-même[233].
Une étude épidémiologique de 2015 (sur plus de 27 000 Suédois avec TSA dont 6 500 d'entre eux avec déficience intellectuelle) avait déjà montré un risque accru de décès prématuré chez ces derniers, environ 2,5 fois plus élevé que pour le groupe entier, souvent lié à un risque accru de diabète et de maladies respiratoires (pour lesquels le diagnostic est souvent retardé en raison de difficulté pour ces patients à exprimer leurs symptômes aux médecins ou à l'entourage ; l'un des auteurs engageant les médecins généralistes à mieux explorer les symptômes et antécédents des patients autistes)[108]. De plus, les adultes autistes sans trouble d'apprentissage étaient neuf fois plus susceptibles que la population témoin de mourir par suicide, surtout chez les femmes, ce qui pourrait être une conséquence de l'isolement social et/ou d'un risque accru de dépression[234].
La stigmatisation des minorités et, le cas échéant, des troubles mentaux chez les personnes autistes aggrave leur stress et contribue à une suicidalité accrue (voir mortalité des personnes autistes)[235] ; l'autisme et les problèmes de santé mentale ne sont pas intrinsèquement liés, ces derniers pourraient être limités par des mesures de lutte contre la discrimination[235].
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Épidémiologie
Résumé
Contexte
Le consensus scientifique, rappelé par entre autres l'INSERM (2019)[236] et dans Nature (2025)[237], rejette l'existence d'une quelconque « épidémie d'autisme »[105],[238],[239].
La recension de Zeidan et al., publiée en 2022 et analysant 71 études, atteste d'une médiane dans la proportion de personnes autistes d'environ 1 %, ce qui signifie qu'une personne sur cent dans le monde est autiste[122].
Les diagnostics augmentent continuellement à l'échelle mondiale, depuis les années 1980 et 1990 jusqu'aux années 2020[240],[238],[122],[241] ; ainsi, il n'y a pas d'épidémie d'autisme, mais plutôt une « épidémie de diagnostics »[237]. Les causes de ces augmentations de diagnostics sont multifactorielles, et découlent d'une sensibilisation accrue à l'autisme, d'une meilleure réponse publique au besoin de diagnostic, de progrès dans l'identification et la définition des cas d'autisme, et d'une augmentation de la capacité à poser ces diagnostics dans de nombreux pays[122],[240],[237]. Si King et Bearman interrogeaient en 2009 la possibilité de facteurs étiologiques qui augmenteraient le nombre de personnes autistes (toxines environnementales, génétique, ou leurs interactions), d'autres chercheurs ne concluent pas à l'existence de facteurs qui augmentent la probabilité de développer l'autisme, en raison de grandes disparités dans les échantillons et dans les critères de pose du diagnostic[122],[237].
De tous les pays, ce sont les États-Unis qui enregistrent la plus haute prévalence d'autisme[241], soit une personne sur 54 en 2020[242], puis une sur 31 en 2022 ; Pearson souligne que ces chiffres américains résultent d'une estimation basée sur des registres administratifs, soit une méthode moins précise qu'une enquête de population[237].
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Politiques de santé liées à l'autisme
Résumé
Contexte

Diverses associations agissent autour de l'autisme, certaines rassemblant des parents d'enfants autistes (National Autistic Society, Autisme France, Fédération québécoise de l'autisme, etc.), et d'autres des adultes autistes. Elles peuvent répondre aux attentes de parents ou d'autres personnes qui se questionneraient sur un diagnostic. Des antennes locales offrent un soutien juridique aux personnes autistes afin de défendre leurs droits[243].
En France
En 1996, l'autisme est reconnu en France comme un handicap[244]. Depuis 2005, des Centres Ressources Autisme (CRA), structures dédiées résultant du Plan Autisme 2005-2007[245],[246], permettent une procédure diagnostique conforme aux critères internationaux. Cependant, la France est épinglée depuis plusieurs années par l'Organisation des Nations unies (ONU)[247],[248],[249] et le Conseil de l'Europe[250] pour violations des droits des personnes autistes dans ce pays, notamment à cause de leur institutionnalisation forcée, de la soumission à des traitements qui visent à « faire disparaître » leur autisme, et du diagnostic trop tardif. L'Université de Cambridge a publié un article expliquant la réticence française à adopter des méthodes d'accompagnement fondées sur des preuves scientifiques par la persistance de la psychanalyse[208].
En Belgique
En , le Conseil Supérieur de la Santé a publié un avis scientifique très complet sur la qualité de vie des jeunes enfants autistes et de leur famille. Le Conseil a notamment réalisé un aperçu des politiques existantes et à mettre en œuvre en Belgique pour améliorer la qualité de vie des enfants autistes (de moins de 6 ans) et celle de leur famille[251].
En Inde
Des initiatives ont vu le jour, telle la Society For The Autistics In India (SAI), organisme créé en 1995 à Bangalore ; ses objectifs sont l'intervention précoce et un programme de développement de la communication[252].
Au Maroc
La part de la population autiste au Maroc est estimée en 2000 de 4 000 à 26 000 personnes[253], dont la plus grande partie est prise en charge exclusivement par la famille. Il existait des centres d'accueil dans les grandes métropoles telles que Casablanca et Rabat, qui sont d’ailleurs fermés jusqu'à présent. La scolarisation des enfants autistes dépend essentiellement des initiatives privées. Le milieu associatif tente d'établir un partenariat avec le ministère de l'Éducation nationale (MNE) afin de disposer de classes adaptées dans les écoles primaires publiques et d'auxiliaires de vie scolaire[254].
En Suisse
En Suisse, au milieu des années 2010, le nombre de centres diagnostics compétents est en augmentation, mais encore rares dans certaines régions, et une méthode de diagnostic différencié et standardisé, fondé sur des connaissances interdisciplinaires, est encore trop souvent absente[255].
Dans le cadre d’une recherche menée en Suisse, V. Zbinden Sapin, E. Thommen, A. Eckert et Ch. Liesen[256] analysent la situation des enfants, adolescents et les jeunes adultes, et identifient différents manques notamment au niveau des mesures prises pour le diagnostic : nombre insuffisant de centres diagnostiques compétents, méthode diagnostique standardisée souvent absente et déficit quant à la qualification de base des professionnels impliqués dans les processus de diagnostic. Dans cette étude, d’autres manques sont également identifiés en lien avec les interventions (notamment la nécessité d’avoir plus de mesures d’éducation précoce intensive), l’éducation et la formation, l’intégration professionnelle, le soutien aux familles et l’encouragement de l’autonomie ainsi que le conseil et la coordination. Une autre recherche menée auprès d’institutions spécialisées proposant des formations professionnelles en Suisse francophone a montré que les besoins spécifiques des jeunes présentant un TSA ne sont pas toujours pris en compte[257].
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Histoire
Résumé
Contexte

L'histoire de l'autisme représente probablement le champ de recherche le plus fécond dans le domaine de la psychiatrie de l'enfance, sa compréhension ayant grandement évolué entre les premières conceptualisations des années 1940 et les années 2000, certaines idées défendues avec véhémence à son sujet étant depuis complètement remises en cause[258]. Cette conceptualisation s'inscrit dans un contexte de préoccupations croissantes pour l'enfant, d'où la longue association entre autisme et enfance[259]. La première formalisation clinique d'un trouble infantile distinct des schizophrénies est faite en 1943 par Leo Kanner, qui définit les « troubles autistiques du contact affectif » à travers onze cas correspondants[260],[261]. Il reprend le terme « autisme », créé en 1911 par le psychiatre Eugen Bleuler à partir de la racine grecque αὐτός / autós qui signifie « soi-même »[262]. Il l'utilisait alors pour distinguer l'un des trois comportements typiques des schizophrénies adultes[263].
Le besoin de distinguer et d'isoler un trouble propre au jeune enfant se retrouve avant 1943 chez Melanie Klein comme le rapporte Jacques Hochmann[264].
La psychologie cognitive remplace la psychanalyse à partir des années 1960 pour décrire et conceptualiser l'autisme[265]. Ses premiers travaux associent durablement l'autisme à l'hypothèse d'une théorie de l'esprit défaillante, remettant en cause l'humanité de la population autiste[266]. C'est dans ce contexte, et en réaction au paradigme de la psychanalyse, qu'émerge la figure de la « mère sauveuse » ou « mère guerrière », l'enfant étant perçu comme victime de son autisme[267]. La recherche plus récente (à partir des années 2000) intègre progressivement les perspectives de la population autiste, notamment via la recherche participative[268].
Ce n'est qu'en 1980 que l'autisme est distingués sous le nom d’« autisme infantile » dans le DSM, et non plus comme un type infantile de schizophrénie[269]. Vers la fin des années 1970, Lorna Wing redécouvre le travail oublié de Hans Asperger qui, comme Leo Kanner la même année, avait isolé des cas cliniques d'un trouble spécifiquement infantile qualifié d'« autistique »[270]. Elle publie en 1981 sa propre étude sur ce qu'elle nomme syndrome d'Asperger[271]. En 1982, elle propose l'idée d'une continuité entre les distinctions faites par Kanner et celles faites par Asperger[272], ce qu'elle met en évidence l’année suivante (1983) en définissant trois critères de référence[273] :
- troubles qualitatifs de la communication verbale et non verbale ;
- altérations qualitatives des interactions sociales réciproques ;
- monotropisme : comportement présentant des activités et des centres d'intérêt restreints, stéréotypés et répétitifs.
Cette « triade autistique » reste une référence pour identifier et définir l'autisme et le trouble envahissant du développement. Cette catégorie (en abrégé : TED) est apparue en 1994 avec le passage du DSM III au DSM IV[269], puis la notion de spectre autistique est simplifiée de la triade vers la dyade, soit deux critères : l'un social, l'autre comportemental[274]. En 1987, la catégorie autisme infantile est renommée « trouble autistique » avant de devenir « trouble envahissant du développement » (TED) en 1994 dans le DSM IV[269]. Elle devient enfin « troubles du spectre de l'autisme » (TSA) en 2013 dans le DSM 5, qui instaure des critères diagnostiques continus, en les quantifiant sur une échelle à trois degrés, distinguant l’intensité et le retentissement de troubles sociaux d'une part et comportementaux d'autre part, en supprimant les sous-catégories comme le syndrome d'Asperger[275]. La CIM-11, rendue publique par l'OMS, reprend la formulation habituellement traduite « troubles du spectre de l'autisme ». Ces troubles du spectre de l'autisme sont l'item diagnostique à propos d'autisme, « troubles » comportant l'ensemble des niveaux de fonctionnement intellectuel et de capacité de langage[276][réf. non conforme],[277].
D'après Simon Baron-Cohen[278], l'archéologue Penny Spikins[73], le philosophe Josef Schovanec[279], ainsi que le journaliste Steve Silberman[280], l'autisme a joué un rôle positif à l'échelle de l'histoire de l'humanité, en permettant des avancées et découvertes, en matière d'ingénierie notamment, mais aussi de linguistique et d'art. Baron-Cohen estime dans son ouvrage The Pattern Seekers que l'inventivité de l'espèce humaine est intimement liée à la capacité de systémisation, elle-même favorisée par l'autisme, qui a joué un rôle clé dans la révolution cognitive préhistorique[281].
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Dans la société
Résumé
Contexte

L'autisme est initialement une catégorie psychiatrique, mais sa conceptualisation s'inscrit dans des contextes sociaux, politiques et historiques, qui en font aussi un objet social[282]. Les représentations de l'autisme diffusées dans la société notamment via des médias (livres, journaux papier ou télévisés, films, téléfilms, etc.) en construisent une représentation sociale auprès de la population générale[283]. Depuis 2007, le 2 avril est la journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme, sous l'impulsion de l'ONU qui le reconnaît comme un handicap[284].
Aux États-Unis et au Royaume-Uni en 2013, la population générale est à 80 % informée de ce qu'est l'autisme, 60 % des personnes interrogées déclarant connaître au moins un proche qui l'est[285] ; en Arabie saoudite en 2017, 88 % des répondants savent ce qu'est l'autisme[286].
Paradigme de la neurodiversité
Inscrit dans le contexte du développement des neurosciences, le mouvement pour les droits des personnes autistes se développe initialement grâce à des militants universitaires et autistes[287]. Il défend le concept de neurodiversité en s'inspirant de la biodiversité, pour sortir des discours stigmatisant les personnes autistes, qui les comparent à la version déficitaire d'un individu normé[288]. Il retourne ainsi le stigmate de la pathologisation de l'autisme, par exemple en parodiant les discours médicaux et en décrivant les individus non-autistes comme des sujets étudiés par l'« Institut pour l'étude des neurotypiques »[289]. Des communautés de personnes autistes en ligne se réapproprient leur diagnostic de manière positive[290].
Les membres de ce mouvement conceptualisent collectivement la notion d'espace autistique, c'est-à-dire d'espace pensé par et pour être habité par des personnes autistes, notamment grâce à une réduction des stimulations sensorielles[291].
Autisme et bioéthique
Un risque eugéniste cible les personnes autistes, analogue à la situation des personnes avec trisomie 21 : plusieurs responsables et décideurs de politiques de santé publique s'expriment en faveur d'une « éradication » de l'autisme, un discours auquel s'opposent surtout des adultes autistes sans handicap intellectuel[292],[293]. Les personnes autistes actives dans les mouvements de la neurodiversité contestent des projets de recherche génomique tels que Spectrum 10K, dans le but que les résultats de ces recherches ne puissent pas être utilisés à des fins eugéniques[294],[295]. Une dissonance cognitive existe chez des chercheurs qui souhaitent activement découvrir une séquence génétique de l'autisme identifiable en prénatal, tout en se déclarant opposés à l'eugénisme[294].
Plusieurs études ont été conduites au sujet des perceptions qu'ont les adultes autistes vis à vis de la disponibilité de tests génétiques[296],[297]. D'après l'interrogation de 461 adultes autistes sur ce sujet en 2023, la moitié (49 %) s'oppose à toute disponibilité de ce type de test, 74 % estiment que ces tests ne devraient être rendus disponibles que si la personne autiste concernée y consent explicitement, et 27 % déclarent qu'ils auraient voulu accéder à ce type de test durant leur enfance[296]. 40 % des personnes interrogées jugent ces tests exclusivement dommageables aux autistes, 15 % les jugent bénéfiques[296]. Une nouvelle interrogation en 2025 confirme une très nette opposition à ces tests, les trois quarts des répondants soulignant un risque eugéniste[297].
Intégration sociale et professionnelle des personnes autistes

Les difficultés liées à l'autisme, et surtout l'exclusion sociale, font que les personnes autistes sont peu intégrées dans la société : accès à l'école (en France en 2014, seuls 20 % des enfants autistes sont scolarisés[299]), à un travail… Leur apprentissage de la sexualité et de ses règles sociales[300] ou encore leur insertion dans le monde du travail sont difficiles, notamment lorsque le relationnel a beaucoup d'importance.
Les centres d'intérêts intenses pour un ou plusieurs sujets en particulier, qui se manifestent dès l'âge scolaire, peuvent constituer un avantage, mais aussi un désavantage en cas de répétition incontrôlée d'un même comportement[301]. Les enfants autistes sont beaucoup plus exposés au harcèlement à l'école que les enfants neurotypiques, environ un enfant autiste sur deux subissant du harcèlement ou de l'intimidation verbale, avec des variations potentiellement importantes en fonction du lieu de vie[302]. Les parents subissent de grandes difficultés à faire comprendre les besoins de leur enfant pour faciliter son maintien à l'école ordinaire[303].
L'accès à l'emploi restait, en 2023, « très restreint », généralement sur des postes « peu gratifiants »[304]. Bien que l'intégration professionnelle ait fait l'objet de peu d'études, l'hypothèse simpliste d'une cause unique aux difficultés rencontrées doit être écartée, celles-ci ayant des causes multiples, dont l'effacement sociétal des adultes autistes, un décalage potentiellement important entre aptitudes théoriques et aptitudes relationnelles (le « savoir-être »), une confusion entre « déficience » liée à l'autisme et préférence de choix professionnel, ainsi que l'organisation même des processus de recrutement, l'entretien d'embauche étant particulièrement discriminant pour un profil autiste[305]. Une méta-analyse de 2025 conclut que les adultes autistes sont fortement exposés à la discrimination au travail, à un manque de soutien et à un manque de compréhension, et que cela a deux causalités principales : les attitudes des employeurs, et le manque de moyens investis pour adapter les postes et lutter contre les discriminations[306]. De plus, divulguer la nature du handicap a pour effet d'augmenter les discriminations subies par ces personnes[306]. D'après une recension systématique de la littérature scientifique effectuée en 2020 par Simon M. Bury et al., il existe très peu d'études et très peu de preuves d'avantages conférés par l'autisme dans les milieux professionnels, bien que la recherche clinique ait démontré l'existence de points forts individuels[66],[307]. Chaque centre d'intérêt d'une personne autiste, prise individuellement, doit être examiné à la lumière de ce qu'il lui apporte en termes d'avantages et de désavantages, dans un contexte donné[308].
Culture autiste
La visibilité de l'autisme explose à partir des années 1990, en faisant désormais un « phénomène culturel majeur », associé à des valeurs d'individualisme à la fois positives (autonomie, liberté) et négatives (isolement, solitude)[309].
Représentations médiatiques

Depuis la fin du XXe siècle, un nombre croissant de personnages autistes apparaissent dans des productions du cinéma et de la télévision, aux caractéristiques linguistiques et culturelles variées, rendant l'autisme beaucoup plus visible du grand public[310],[311]. Cependant, certaines représentations fictionnelles et médiatiques de l'autisme ont un effet négatif sur la vie des personnes qu'elles sont supposées dépeindre[312],[313],[311], même quand des personnages autistes en sont les protagonistes[311]. L'analyse de ces représentations sur 30 ans (1988 – 2017) conclut à la diffusion de nombreux stéréotypes et de portraits nuisibles, mais aussi de représentations positives mettant en avant les forces des personnes autistes et apportant de la nuance, le tout n'aidant cependant pas à mieux comprendre ce qu'est l'autisme[312]. La stigmatisation de cette population apparaît plus marquée dans les journaux, les films et à la télévision, qui surreprésentent en parallèle le savantisme, vraisemblablement en raison du manque de participations d'experts par expérience dans ces médias[313]. Cela semble une conséquence du très grand succès du film Rain Man, dont les caractéristiques du personnage principal ont été reprises dans des productions télévisuelles ultérieures[314]. Par ailleurs, les médias populaires ont longtemps sous-représenté les femmes autistes[315].
L'analyse d'articles de presse français parus entre 2013 et 2021 dans les périodiques Le Figaro, Le Monde et Libération montre que l'autisme est abordé comme une problématique de l'enfance et de la famille (effacement des adultes autistes), l'individu typiquement dépeint étant un petit garçon dépendant de ses proches[316]. Alors que les sujets couverts relevaient surtout du « manque » de places en institution spécialisée dans les années 1960 à 1990, l'année de Grande Cause nationale en France en 2012 a entraîné l'émergence d'un discours critique de la psychanalyse[317],[318], les thématiques les plus représentées dans la presse française de 1988 à 2008 étant « le flou des définitions, l’augmentation exponentielle des chiffres, le parent bouc émissaire, la corrélation stratégies comportementales/causes biologiques/handicap (au sens de déficit), la rhétorique de l’efficacité ainsi que le retard de la France »[318].
Littérature
La littérature propose souvent « une représentation plus diversifiée et plus positive » que le cinéma, la télévision et la presse[313]. La représentation de jeunes autistes est devenu très populaire en littérature Young Adult, notamment les jeunes hommes « géniaux » qui commettent des faux pas sociaux, contribuant ainsi à « des images positives qui peuvent promouvoir l'acceptation par les pairs »[319].
Depuis l'ouvrage de Temple Grandin, Emergence, première autobiographie d'une personne diagnostiquée parue en anglais en 1986, des adultes autistes ont témoigné de leur vécu « de l'intérieur »[320]. Ces autobiographies permettent de lutter contre l'injustice épistémique, et de diffuser une compréhension plus empathique des problématiques rencontrées par les personnes concernées, en particulier leurs défis sensoriels ; elles ont été exploitées pour des aménagements en salle de classe et ont suscité des remises en question de certaines conceptions de l'autisme, notamment celles relatives à l'empathie[321].
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Ressources pratiques
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Ouvrages
- (en) Gabriel Bennett (dir.) et Emma Goodall (dir.), The Palgrave Encyclopedia of Disability, Palgrave Macmillan, Cham, (ISBN 978-3-031-40858-8).
- [Akhtar et Dinishak 2024] (en) Nameera Akhtar et Janette Dinishak, « Autistic Autobiography », dans The Palgrave Encyclopedia of Disability, (DOI 10.1007/978-3-031-40858-8_20-1)
- [Dinishak et Akhtar 2024] (en) Janette Dinishak et Nameera Akhtar, « Autistic Space: Definition and History », dans The Palgrave Encyclopedia of Disability, (DOI 10.1007/978-3-031-40858-8_19-2)
- [Ryan 2024] (en) Christian Ryan, « Alexithymia and Autism », dans The Palgrave Encyclopedia of Disability, (DOI 10.1007/978-3-031-40858-8_35-1)
- Brigitte Chamak, Controverses sur l'autisme : décrypter pour dépasser les antagonismes, Toulouse, Érès, (ISBN 978-2-7492-6994-8, DOI 10.3917/eres.chama.2021.0 1, lire en ligne).
- [Barthélémy et Bonnet-Brilhaut 2023] Catherine Barthélémy et Frédérique Bonnet-Brilhault, L'Autisme : de l'enfance à l'âge adulte, Lavoisier, coll. « Médecine sciences », , 2e éd., 432 p. (ISBN 978-2257707468)
- [Grollier 2022] Michel Grollier, Autisme et schizophrénie. Des histoires entremêlées, des réponses variées., Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 127 p. (présentation en ligne).
- [Mottron 2024] Laurent Mottron, Si l'autisme n'est pas une maladie, qu'est-ce ? : une refondation de la définition de l'autisme, de son étiologie et de sa place dans l'espèce humaine, Éditions Mardaga, (ISBN 978-2-8047-3513-5).
- [Primerano 2025] Adrien Primerano, L'autisme, Éditions La Découverte, coll. « Repères », , html (ISBN 978-2-348-08158-3, lire en ligne
) - [Rogé 2022] Bernadette Rogé, Autisme, comprendre et agir : Santé, éducation, insertion, Dunod, , 3e éd. (ISBN 978-2-10-084483-8, lire en ligne).
- [Silberman 2020] Steve Silberman (trad. de l'anglais), Neurotribus : autisme, plaidoyer pour la neurodiversité, Quanto, (ISBN 978-2-88915-348-0).
- [Vermeulen 2025] Peter Vermeulen, Comment pense une personne autiste ?, Dunod, (ISBN 978-2-10-088481-0, lire en ligne)
Podcast radio
Quatre podcasts de France Culture, Autismes, les combats d’une vie :
- « 1) Et si mon enfant était autiste », sur France Culture (consulté le ) ;
- « 2) Les difficultés de l’inclusion scolaire », sur France Culture (consulté le ) ;
- « 3) Adolescence, une transition sous tension », sur France Culture (consulté le ) ;
- « 4) Quelle place pour les adultes autistes ? », sur France Culture (consulté le ).
Articles connexes
- Troubles liés ou proches : Trouble envahissant du développement (TED) - Autisme atypique - Autisme à haut niveau de fonctionnement - Autisme infantile - Autisme chez la personne âgée - Syndrome d'Asperger - Autisme sévère
- Notions et théories : Histoire de l'autisme - Causes de l'autisme - Autisme infantile en psychanalyse - Autisme en psychopathologie - Sexualité des personnes autistes - Différences liées au sexe dans l'autisme - Théorie de l'esprit - Théorie empathisation-systémisation - pensée visuelle - Fonctionnement de la mémoire de travail dans l'autisme
- Spécialistes du sujet : Leo Kanner - Bruno Bettelheim - Frances Tustin - Lorna Wing - Donald Meltzer - Margaret Mahler - Laurent Mottron - Michael Fordham - Henri Rey-Flaud - Simon Baron-Cohen - Gilbert Lelord - Catherine Barthélémy
- Prise en charge de l'autisme : Méthodes d'intervention en autisme - Méthodes d'intervention en autisme - Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped CHildren (TEACCH) - Programme IDDEES - Journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme
- L'autisme expliqué par les autistes : Mouvement pour les droits des personnes autistes - Aspects sociologiques de l'autisme - Temple Grandin - Michelle Dawson - Donna Williams - Wenn Lawson - Gunilla Gerland
- Mouvements et associations : Autisme France - Sésame Autisme - Unapei
- Autres : Autisme dans les médias
Liens externes
- Ressources relatives à la santé :
- Ressources relatives à la recherche :
- Ressource relative à l'audiovisuel :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Principaux textes et documents officiels, Textes législatifs et réglementaires. [PDF]* Documents produits par la Haute Autorité de santé (en France) sur l'autisme et autres troubles envahissants du développement :
- Autisme Europe.
Organismes français
- Fédération Française Sésame Autisme
- Autisme France
- Maison de l'autisme à Aubervilliers
Notes et références
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