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Jacques Rivette

cinéaste français De Wikipédia, l'encyclopédie libre

Jacques Rivette
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Jacques Rivette Écouter, né le à Rouen et mort le à Paris 6e, était un cinéaste et critique de cinéma français, associé à la Nouvelle Vague et à la revue Cahiers du cinéma. Il a réalisé un épisode (en trois parties) de la série Cinéastes de notre temps consacré à Jean Renoir, 7 courts métrages et 23 longs métrages parmi lesquels Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot (1967), L'Amour fou (1969), Céline et Julie vont en bateau (1974), La Bande des quatre (1988), La Belle Noiseuse (1991) et Va savoir (2001). Son œuvre est marquée par la place qu'y occupent le théâtre, les thèmes récurrents du complot et du secret, l'emploi du plan-séquence et du son direct, des narrations parfois erratiques, et des durées inhabituellement longues (près de 13 heures pour Out 1 : Noli me tangere, plus de 4 heures pour L'amour fou et La belle Noiseuse).

Faits en bref Réalisateur, Naissance ...

Frappé par l'expérience vécue sur son tournage de Jean Cocteau telle que ce dernier la relate dans La Belle et la Bête, journal d’un film, Rivette tourne son premier court métrage à vingt ans. Il se rend à Paris, fréquente la Cinémathèque française de Henri Langlois et les Ciné-clubs, se lie avec François Truffaut, Jean-Luc Godard, Éric Rohmer, Claude Chabrol, entre autres futurs cinéastes de la Nouvelle Vague. En 1953, André Bazin l'invite à écrire dans les Cahiers du cinéma.

Bien qu'il soit le premier cinéaste de la Nouvelle Vague à se lancer dans la réalisation d’un long métrage, Paris nous appartient ne sort qu'en 1961, quand Chabrol, Truffaut et Godard ont déjà sorti leurs premiers films et popularisé le mouvement. Rivette devient rédacteur en chef des Cahiers du cinéma en 1963 et se heurte à la censure française avec son deuxième long métrage, Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot. Enthousiasmé par ses entretiens filmés en 1967 avec Jean Renoir et séduit par le théâtre d'improvisation, Rivette décide de changer de cap en collaborant plus étroitement avec ses acteurs pour inventer ses personnages et en faisant son possible pour que ses tournages soient le lieu des expériences et des surprises. Cette méthode donne naissance à L'amour fou tourné en 1968 puis au très long métrage Out 1 : Noli me tangere. Ses films suivants des années 1970, tels que Céline et Julie vont en bateau ou Duelle, sont résolument fantastiques. Dans les années 1980, il rencontre la productrice Martine Marignac qui produira dès lors tous ses films. Au début des années 1990, La belle Noiseuse reçoit un chaleureux accueil international. Souffrant de la maladie d'Alzheimer, Rivette cesse de tourner après 36 vues du Pic-Saint-Loup (2009).

Discret sur sa vie privée, Rivette a été brièvement marié à la photographe et scénariste Marilù Parolini dans les années 1960, puis épousa Véronique Manniez.

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Biographie

Résumé
Contexte

Jeunesse et débuts

Jacques Pierre Louis Rivette est né le à Rouen, en Seine-Maritime[2],[3], d'André Rivette et d'Andrée Amiard. Selon son ami d'enfance André Ruellan, le père pharmacien de Rivette était un peintre doué qui aimait les arts lyriques[4][réf. nécessaire]. Sa sœur cadette se souvient avoir regardé les dessins animés de Félix le Chat sur un Pathé-Baby avec Rivette chez leurs grands-parents[5]. Scolarisé au lycée Pierre-Corneille[6], Rivette étudie ensuite la littérature à l'université « juste pour m'occuper »Interprétation abusive ? précise-t-il dans le documentaire de Cinéma, de notre temps qui lui est consacrée[sp 1].

Il affirme qu'« en [19]46 je découvre La Belle et la Bête et, en même temps, je lis le journal de tournage de Cocteau. Un tournage épouvantable, où ils ont eu tous les pépins imaginables. Je l’ai appris par coeur à force de le relire. Et c’est comme ça que j'ai découvert ce que j'avais envie de faire[sp 2]. » Rivette tourne en 1949 son premier court métrage, Aux Quatre Coins[7], dans le quartier de la Côte Sainte-Catherine à Rouen[4]. L'année suivante, il s'installe à Paris avec son ami Francis Bouchet[réf. nécessaire], car « pour faire du cinéma […] il n'y a toujours pas d’autre solution que de venir à Paris […] C'était un fait[sp 3]. » Le jour de son arrivée, il rencontre son futur collaborateur Jean Gruault, qui l'invite au Ciné-Club du Quartier Latin voir Les Dames du bois de Boulogne (1945) de Robert Bresson présenté par Maurice Schérer dont Rivette à remarqué les textes critiques. Rivette tente d’entrer à l'Institut des hautes études cinématographiques, sans succès. Il suit des cours à la Sorbonne mais fréquente surtout la Cinémathèque française.

À la Cinémathèque, avec Claude Chabrol, Jean-Luc Godard, François Truffaut, Suzanne Schiffman, Gruault et Bouchet, Rivette découvre le continent du cinéma muet et des premiers films parlants. Il rencontre Truffaut pour la première fois lors d'une projection de La Règle du jeu de Jean Renoir (1939), et se tiendra au premier rang à la Cinémathèque à côté de Godard pendant plusieurs mois sans lui adresser la parole, jusqu'à ce que ce dernier se présente. Il est très actif dans les débats qui suivent les projections : Rohmer déclarera plus tard que, dans les concours de quiz cinématographiques au Studio Parnasse, il était « imbattable ». Rivette créditera les projections et conférences de Langlois de l'avoir aidé à persévérer pendant cette période de misère économique à Paris : « Un mot de vous me sauve et m'ouvre les portes du temple[sp 4]. » Contrairement à ses collègues cinéastes, Rivette continuera à assister aux projections de la Cinémathèque tout au long des décennies suivantes[réf. nécessaire].

En 1950, il écrit pour la Gazette du cinéma fondée par Maurice Schérer (qui devient Éric Rohmer)[8] qui cesse de paraître après cinq numéros. Son premier article, « Nous ne sommes plus innocents », témoigne du sentiment « qu'il y avait, dans ces grands films de Griffith, Stiller et Stroheim, ou dans les premiers films de Dreyer et Murnau, une innocence du cinéma irrémédiablement perdue qu'il y avait, dans les grands films de Griffith et de Stiller et de Stroheim, ou les premiers films de Dreyer et Murnau, une innocence du cinéma qui était irrémédiablement perdue[sp 5] ». Hélène Frappat écrit que l'article « prolonge — et radicalise — une affirmation récurrente chez Schérer : le principe, hérité d'André Bazin, selon lequel le cinéma, ce « langage » qui reste à réinventer, n'est précisément pas un langage[9]. »

La même année, Rivette réalise son deuxième court métrage, Le Quadrille[10], produit et interprété par Godard qui a collecté les fonds nécessaires en volant et revendant la collection d'éditions originales de Paul Valéry appartenant à son grand-père[réf. nécessaire]. Rivette décrira Le Quadrille comme un film dans lequel « il ne se passe absolument rien. Il s'agit simplement de quatre personnes assises autour d'une table, qui se regardent[réf. nécessaire]. » Le qualifiant de «  lettriste »[réf. nécessaire], Rivette racontera qu'Isidore Isou, le fondateur du lettrisme, avait trouvé le film « ingénieux »[réf. nécessaire].

Rivette et ses amis cinéphiles se lient définitivement en lors du Rendez-vous de Biarritz (ex-Festival indépendant du Film maudit) organisé par, entre autres, les critiques André Bazin et Jacques Doniol-Valcroze, dans la foulée d'un ciné-club parisien nommé Objectif 49[11]. Rivette, Godard, Truffaut et le futur directeur de la photographie Charles Bitsch s'y rendent ensemble et critiquent vivement la programmation et surtout l'organisation du festival. Ce conflit consolide l'amitié entre les membres du groupe, leur valant une réputation de « jeunes Turcs » bohèmes et fauteurs de troubles. Rivette revient sur ce conflit dans le numéro de de la Gazette du cinéma : « Projections clairsemées, conciliabules hâtifs entre éminences, cocktails où chaque cercle se fermait sur lui-même, mornes propos apéritifs où le mépris du cinéma se mêle au contentement de soi-même[sp 6] » Il est dès lors vu comme le meneur des « Hitchcocko-Hawksiens » d'après la formule d'André Bazin[sp 7]. Dans les années suivantes, Rivette et ses amis passent leurs journées à regarder des films avant d'en discuter jusque tard dans la nuit en rentrant chez eux à pied[réf. nécessaire].

En 1951, Bazin fonde la revue Cahiers du cinéma et embauche la plupart des « hitchcocko-hawksiens ». Rivette commence à y écrire en . Tout au long des années 1950, il s'y montrera extrêmement critique envers les réalisateurs français renommés, qu'il accuse d'avoir peur de prendre des risques et d'être corrompus par l'argent[12][source insuffisante]. Dans ses critiques, peu nombreuses mais marquantes pour les générations suivantes de critiques de cinéma (Serge Daney, entre autres, citera très souvent son texte « Le travelling de Kapò[13] »[a]), il exprime avec tranchant son admiration pour les films de Roberto Rossellini, pour Mizoguchi Kenji, pour Ingmar Bergman, pour le cinéma américain  en particulier l’œuvre considérée en France comme « commerciale » de réalisateurs tels que Fritz Lang, Howard Hawks, Alfred Hitchcock ou Nicholas Ray  et, parallèlement, son rejet du cinéma français dit de la « Qualité française » auquel il oppose certains auteurs français alors relativement ignorés ou fortement critiqués, tels que Sacha Guitry, Jean Cocteau, Jean Renoir, Alexandre Astruc ou Max Ophuls[sp 9]. Entre 1954 et 1957, les Cahiers du cinéma publient des entretiens réalisés par Rivette et Truffaut avec Jacques Becker, Abel Gance, Hawks, Hitchcock, Fritz Lang, Jean Renoir, Roberto Rossellini ou encore Orson Welles[réf. nécessaire].

Durant l'été 1952, Rivette réalise un troisième court métrage, Le Divertissement[14]. Charles Bitsch, opérateur du film, le qualifiera de « marivaudage assez rohmérien entre des jeunes gens et des jeunes filles »[15]. Assistant de Jacques Becker (sur Ali Baba et les Quarante Voleurs) et de Jean Renoir (sur French Cancan), Rivette est directeur de la photographie sur le court métrage de Truffaut Une Visite (1954)[réf. nécessaire] et sur celui de Rohmer Bérénice (1954)[16]. Désireux de se lancer dans un long métrage, il envisage d'adapter des œuvres d'André Gide, de Raymond Radiguet, de Georges Simenon et d'Ernst Jünger. En 1956, avec le soutien financier de Chabrol et du producteur Pierre Braunberger, il réalise en 35 mm avec une caméra Caméflex le court métrage Le Coup du berger. Écrit par Rivette, Chabrol et Bitsch, le film raconte l'histoire d'une jeune fille qui reçoit un manteau de vison de la part de son amant et doit le cacher à son mari ; le commentaire oral de Rivette découpe l'intrigue en autant de coups d'une partie d'échecs. Jacques Doniol-Valcroze et Jean-Claude Brialy jouent dans le film, Godard, Truffaut, Bitsch et Robert Lachenay y figurent, Jean-Marie Straub assiste Rivette à la mise en scène. Tourné en deux semaines dans l'appartement de Chabrol, le budget est entièrement dédié à l'achat de pellicule. Le film est distribué par Braunberger en 1957. Truffaut confiera que Le Coup du berger a été une source d'inspiration pour lui. Quant à Chabrol, Alain Resnais et Georges Franju ils réalisent leurs premiers longs métrages peu de temps après. Truffaut dira : « C'était parti. Oui, c'était parti, mais c'est à Jacques Rivette que nous le devons tous car de nous tous il était le plus farouchement déterminé à passer aux actes[17]. » Rohmer en louera la mise en scène, écrivant « qu'il y a dans ces trente minutes plus de vrai et de bon cinéma que dans tous les films français sortis depuis un an[18]. »

Paris nous appartient dans la Nouvelle Vague

En 1955, Roberto Rossellini, modèle déclaré des futurs cinéastes des Cahiers, obtient de Henry Deutschmeister, producteur de French Cancan, qu'il finance une production de longs métrages de fictions consacrés à la réalité française contemporaine[19]. Rossellini impose à Rivette, accompagné de son coscénariste Jean Gruault, comme cadre la Cité internationale universitaire de Paris. Rivette propose un film dont Gruault racontera : « Nous bâtîmes une histoire intitulée La Cité, où l'influence de Richard Brooks, champion américain du cinéma de dénonciation, se mêlait assez peu harmonieusement à celle du Roberto socio-mystique de la « période Ingrid »[20]. » Rossellini critique durement le projet mais transmet au duo une somme d'argent, avant de partir en Inde réaliser Inde, terre mère. Rivette et Gruault révisent leur scénario en s'appuyant sur les critiques de Rossellini et écrivent ce qui va devenir Paris nous appartient. Le titre, de même que la citation qui apparaît au générique : « Paris n'appartient à personne », sont des emprunts à Charles Péguy. Grâce à du matériel emprunté, un prêt des Cahiers du cinéma et des bobines de film fournies par Chabrol, le film est tourné muet à l' et le son ajouté l'année suivante suite aux apports financiers de Chabrol et Truffaut après le succès des Cousins et des Quatre Cents Coups[réf. nécessaire].

Dans Paris nous appartient, Anne (Betty Schneider), une jeune étudiante parisienne, se rapproche d'une troupe qui répète, sous la direction de Gérard (Giani Esposito), la pièce Périclès de Shakespeare, affronte la rumeur d'une société secrète cherchant à dominer le monde, et fait la rencontre d'un journaliste américain excentrique et paranoïaque. Ce film-fleuve et labyrinthique ouvre de multiples pistes mais n'en ferme aucune au bout de l'errance angoissée de sa protagoniste à travers les cercles d'une certaine jeunesse parisienne. Rivette en dira plus tard, en selon Yolanda Broad et Mary Wiles : « it’s the film of a sixteen-year-old child, but maybe its naivete is where its strength lies[sp 10],[b]. » Le plus décidé des membres de la Nouvelle Vague à passer à la réalisation, Rivette est le dernier dont le premier long métrage sort en salles, le à Paris.

En 1989, Rivette comparera la Nouvelle Vague aux peintres impressionnistes, comparant la disponibilité offerte par les tubes, qui permit aux artistes de peindre en extérieur, aux avancées techniques (pellicules plus rapides, enregistreur sonore portable Nagra) ayant offert aux cinéastes la possibilité de tourner en équipe légère dans les rues[sp 11].

Direction des Cahiers, affaire La Religieuse, tournage de Jean Renoir le patron

Après la mort d'André Bazin en 1958, Rohmer devient rédacteur en chef des Cahiers du cinéma. Bientôt, des membres de la rédaction et ses amis cinéastes lui reprochent de ne pas faire de la revue un « instrument de combat » au service des films de la Nouvelle Vague. Sous la pression, il démissionne en , cédant sa place à Rivette[réf. nécessaire].

Sous la direction de Rivette, les Cahiers s'ouvrent aux « nouveaux cinémas », au monde de l'art et des idées, puis, de plus en plus, aux problèmes politiques de leur temps. Ainsi Jean Narboni dira à Hélène Frappat, « C'est Rivette, qui avait le discours le plus élaboré en termes de modernité. Godart en parlait, mais Rivette avait le discours le plus cohérent et la connaissance la plus approfondie de tout ce qui se faisait dans des champs éloignés : théâtre, peinture, musique. Rivette était vécu comme le théoricien avant-gardiste de la modernité[21]. » Les Cahiers réalisent alors des entretiens avec Roland Barthes ou Pierre Boulez. Cependant, l'exigence de Rivette est telle que les articles se multiplient et que les retards s'accumulent. Après la parution d'un coûteux numéro double consacré au cinéma américain en , les Cahiers très endettés sont rachetés par Daniel Filipacchi, qui va s'employer à donner à la revue un style « magazine »[réf. nécessaire]. En , Rivette est remplacé à la rédaction en chef par Jean-Louis Comolli et Jean Narboni[22].

En 1959, Jean Gruault présente à Rivette son adaptation pour la scène du roman de Denis Diderot La Religieuse. Le producteur Beauregard se disant intéressé, Gruault et Rivette entament en 1961 l'écriture d'un scénario. Rivette propose à Anna Karina, épouse de Jean-Luc Godard, d'interpréter l'héroïne Suzanne Simonin. Godard finance la mise en scène de la pièce écrite par Gruault et réécrite par Rivette. Grâce à l'aide technique et financière du metteur en scène Antoine Bourseiller, elle est jouée du au au Studio des Champs-Élysées  elle dure 3 heures. « Lotte H. Eisner dira du spectacle que « c'est ce qu'(elle a) vu de plus beau depuis Bertolt Brecht »[23]. » Enthousiasmé par l'interprétation d'Anna Karina, Beauregard obtient l'accord de la pré-censure pour faire le film.

Avant que le film soit terminé, des associations de religieuses lancent une campagne d'opposition et réclament du commissaire de police de Paris Maurice Papon et du ministre de l'Information Alain Peyrefitte qu'ils l'interdisent. Terminé début 1966, le film est interdit aux moins de 18 ans mais approuvé à deux reprises par la commission de censure en mars. Cependant, le nouveau ministre de l'Information Yvon Bourges ignore l'avis et interdit le film, justifiant la censure en ces termes : « Cette décision est motivée par le fait que le film est de nature, en raison du comportement de quelques personnages, comme de certaines situations, ainsi que de l'audience et de la portée spécifiques d'un film commercialement distribué, à heurter gravement les consciences d'une très large partie de la population. » Le ministre de la Culture André Malraux autorise une unique projection au festival de Cannes.

Beauregard lance une campagne publique de protestation. De nombreux journalistes écrivent des articles et des éditoriaux exigeant la sortie du film ; un « Manifeste des 29 »[24] est signé par Jacques Prévert, Raymond Queneau ou encore Marguerite Duras ; de nombreux prêtres et religieuses dénoncent l'interdiction ; Godard écrit une « Lettre à André Malraux, ministre de la Kultur » que Le Nouvel Observateur publie le  : « Si ce n'était prodigieusement sinistre, ce serait prodigieusement beau et émouvant de voir un ministre UNR de 1966 avoir peur d'un esprit encyclopédique de 1789[25]. » À Cannes, Rivette déclare cependant : « Nous n'avons pas du tout cherché le scandale, nous avons simplement cherché à mettre sur pellicule un sujet qui posait un certain nombre de questions assez passionnantes et un peu brûlantes[sp 12]. »[26] Le film est salué par la critique et, finalement, Beauregard obtient gain de cause auprès de la commission de censure : le président Charles de Gaulle ordonne au nouveau ministre de l'Information, Georges Gorse, de lever l'interdiction. Suzanne Simonin : La Religieuse de Diderot (couramment appelé La Religieuse) sort en salles le et connaît un grand succès qui doit beaucoup à cette affaire.

Suzanne Simonin : la Religieuse de Diderot est l'histoire d'une jeune femme envoyée de force par sa famille au couvent. N'ayant qu'une idée fixe, en sortir, elle subit la violence de la tyrannie des mères supérieures, de la jalousie des sœurs, puis du désir sexuel de femmes et d'hommes. Des avocats acquis aux idées nouvelles prennent son parti et tentent d'obtenir sa libération, mais d'autres forces politiques et mondaines la condamnent à rester enfermée. Anna Karina racontera qu'il était « très agréable de tourner avec Jacques : il n'est pas toujours derrière la caméra, il est partout dans les coins[27], […] » Mais Rivette dira : « Je me suis ennuyé très fort, et d'une façon qui à mon avis, a nui au film. Ce texte de Diderot que j'avais adapté très soigneusement, je le connaissais par cœur[sp 13]. »

En 1966, à la demande de Janine Bazin et André S. Labarthe, Rivette tourne pour la série Cinéastes de notre temps[c] l’épisode en trois parties Jean Renoir le patron[29], ce titre faisant référence à l’ouvrage Braque le patron de Jean Paulhan qui l’avait marqué. Il monte le documentaire avec Jean Eustache. Cette expérience d’écoute attentive de la parole de Renoir le conduit à remettre en question ses méthodes de travail. Il se met à envisager « un cinéma qui n'impose rien, où l'on essaie de suggérer les choses, de les voir venir, où c'est d'abord un dialogue à tous les niveaux, avec les acteurs, avec la situation, avec les gens qu'on rencontre, où le fait de tourner le film fait partie du film[sp 14]. » André S. Labarthe, qui participe au tournage, racontera : « D’un côté de la table : Rivette, Janine Bazin et notre équipe réduite. De l’autre : Renoir et Michel Simon, côte à côte. Ils ne s’étaient pas vu depuis longtemps. Ambiance chaleureuse, donc, où chacun s’efforce de séduire l’autre mais dans des buts différents. Michel Simon a envie d'être aimé. Renoir, qui a compris cela, va donner à Michel Simon ce qu’il attend mais en s’arrangeant pour orienter la conversation de manière à ce qu’elle intéresse aussi la caméra. Renoir se souciait tellement de la caméra qu’à un moment donné, alors qu’on chargeait les magasins, sans pour autant interrompre la conversation, il s’adresse à Rivette et lui demande : « Est-ce que ça tourne ? » Et Rivette, plus renoirien que Renoir, de répondre du tac au tac : « Ça tourne comme la terre autour du soleil, vous savez. Ça n’a plus d’importance. » Je ne sais pas si cela suffit pour parler de révolution copernicienne, mais je suis sûr que cela nous renseigne sur le cinéma que Rivette va faire à partir de L'Amour fou : un tournage qui tournerait comme la terre autour du soleil, sans début ni fin. Lorsque j’intervenais dans L'Amour fou, avec une petite caméra 16, je me souviens que Rivette, qui tournait, lui, avec une caméra 35, ne disait jamais « Coupez ». Quand la caméra arrivait au bout du magasin, il était obligé de couper[30]. »

L'Amour fou, affaire Langlois, Out 1

Rivette tourne L’Amour fou durant l'. Le film naît d'une proposition de Beauregard de faire un film pour 45 millions d'anciens francs et de l'envie qu'a Rivette de travailler avec Jean-Pierre Kalfon et Bulle Ogier, découverts (comme d'autres acteurs du film, par exemple Michèle Moretti) dans les spectacles de Marc'O. Le film est tourné en cinq semaines.

L'Amour fou comporte plusieurs trames qui s'entremêlent : une troupe de théâtre répétant la pièce Andromaque de Jean Racine ; le tournage, par André S. Labarthe jouant son propre rôle, d'un documentaire en 16 mm pour la télévision consacré à ces répétitions ; l'évolution de la relation entre le metteur en scène (Kalfon/Sébastien) et sa femme actrice (Ogier/Claire) qui quitte la troupe de théâtre au commencement du film et plonge peu à peu dans la solitude et une sorte de folie. La dernière heure du film montre le couple s'enfermer dans leur appartement pour y faire l'amour et tout détruire autour d'eux, avant la disparition de Claire. Rivette résumera : « L'histoire, c'est quelqu'un partagé entre deux endroits, deux lieux clos, l'un où il répète, l'autre où il essaie de sauver — si l'on peut dire — le couple qu'il fait avec sa femme, sans qu'on sache si c'est le fait que le couple va mal qui fait la pièce aller mal ou le contraire[sp 15]. » Rivette trouve avec ce film une fonction et une méthode de travail qui le rendent enfin heureux pendant le tournage : « Avant, les tournages étaient toujours un pensum pour moi, quelque chose d'affreux, un cauchemar. J'aimais penser au film avant de le faire, j'aimais le monter une fois tourné, mais les tournages eux-mêmes s'étaient toujours faits dans de mauvaises conditions. C'est la première fois que le tournage non seulement n'a pas été un enfer, mais a même été le moment le plus passionnant[sp 16]. » Engagé dans les remises en question du statut d'auteur qui ont cours à l'époque, Rivette explique que « le film lui-même n'est qu'un résidu […] Ce qui était passionnant, c'était de susciter une réalité qui se mettait à exister d'elle-même, indépendamment du fait qu'on la filme ou non, et ensuite, de se comporter vis-à-vis d'elle comme d'un événement sur lequel on fait un reportage, dont on ne garde que certains aspects, sous certains angles, suivant le hasard ou les idées qu'on a, parce que, par définition, l'événement déborde toujours complètement, et de tous côtés, le récit ou le rapport qu'on peut en faire[sp 14]. »

Fin 1967, à l'expiration du mandat de directeur administratif de la Cinémathèque française, un conflit éclate entre Henri Langlois et André Malraux qui veut nommer à sa place un haut fonctionnaire. En , un conseil d’administration nommé par le gouvernement prend le contrôle de la Cinémathèque[31]. Rivette et ses amis unissent alors leurs forces pour exiger la réintégration de Langlois. Préfigurant les événements de Mai 68, les manifestations se multiplient, fédérant le personnel licencié, des cinéastes, des intellectuels, le syndicat CGT, la Fédération française des ciné-clubs, etc. Le , un Comité de défense de la Cinémathèque française est créé, Rivette en est un de secrétaires ; en mars, il est nommé membre d'un comité consultatif. Le mois suivant, Langlois retrouve son poste de secrétaire général à la Cinémathèque. Cette « affaire Langlois » sert de prélude à la constitution, à la mi-mai, des États généraux du cinéma français, un comité de travailleurs de l'industrie cinématographique qui réclament une refondation de la production cinématographique française et du rôle du Centre national du cinéma (CNC)[32]. Rivette assiste à une réunion au cours de laquelle le comité appelle à la grève générale des travailleurs de l'industrie et à l'interruption du Festival de Cannes 1968 en signe de solidarité. Il prévient Truffaut présent à Cannes qui, avec Godard et d'autres réalisateurs, parvient à interrompre la tenue du festival[33].

Au producteur Stéphane Tchalgadjieff qui rencontre l’auteur de L'Amour fou qu’il admire, Rivette déclare vouloir pousser plus loin le travail d’improvisation avec un certain nombre d’acteurs (dont Jean-Pierre Léaud, Juliet Berto, Michael Lonsdale et, à nouveau, Bulle Ogier) qui inventeraient leurs personnages, dont ensuite Rivette et sa co-réalisatrice Suzanne Schiffman organiseraient les rapports et les rencontres. L’Avance sur recettes permet à Rivette, Schiffman et Tchalgadjieff de lancer le tournage d'Out 1 en .

Dans Out 1[d], Jean-Pierre Léaud incarne Colin, un marginal parisien qui se fait passer pour sourd-muet et reçoit des messages anonymes faisant référence à La Chasse au Snark de Lewis Carroll et à l'Histoire des Treize d'Honoré de Balzac. Colin se met à croire qu'une société secrète, semblable à celle inventée par Balzac, cherche à le contacter. En parallèle, Frédérique (interprétée par Juliet Berto), une voleuse, mène également son enquête. Leurs trajectoires croisent celles de plusieurs autres personnages dont Lili (Michèle Moretti) et Thomas (Michael Lonsdale, qui s'est inspiré de son travail avec le Living Theatre de Peter Brook à Londres en 1968[réf. nécessaire]), chacun d'eux dirigeant une troupe de comédiens, l'une répétant Prométhée enchaîné et l'autre Les Sept contre Thèbes d'Eschyle[réf. nécessaire].

Rivette voulait « que le film fonctionne comme un mauvais rêve, surchargé d'incidences et de lapsus, un de ces rêves qui semblent d'autant plus « interminables » que l'on sait plus ou moins qu'il s'agit d'un rêve, et dont on ne croit sortir que pour y retomber[sp 18] ». Il expliquera plus tard, « au départ on pensait que ce serait très joyeux, on était parti avec les acteurs en critiquant L'Amour fou et son côté angoissé, psychodrame, psychotique même, en disant : justement, là ce sera pas ça, ce sera purement du jeu avec de la fiction du feuilleton, ce sera gai, et puis le film (plus que le tournage) est devenu très vite assez angoissant[sp 19] »

Initialement prévu pour être diffusé en plusieurs épisodes comme une série télévisée, Out 1 est refusé par l'ORTF, la chaîne publique. Le film sous-titré Noli me tangere est projeté une fois dans sa version originale de 760 minutes à la maison de la culture du Havre les et . Plus de 300 personnes, la plupart ayant fait le déplacement depuis Paris, assistent à cette première que Martin Even du Monde titre : « Out 1 Voyage au-delà du cinéma[34] ». Restauré en 1989 avec le soutien de Stéphane Tchalgadjieff qui en a récupéré les droits, Out 1 : Noli me tangere connaîtra une sortie cinéma et une édition DVD en France en 2015[35].

Après le refus de l'ORTF d'en diffuser la version complète, Rivette passe plus d'un an à monter une version alternative de 260 minutes intitulée Out 1, Spectre qui sort en 1974. « Nous avons essayé que ce ne soit pas un digest de la version longue, mais un autre film ayant sa logique propre : plus proche du puzzle ou des mots croisés que l'autre, jouant moins sur l'affectivité, plus sur les rimes ou les oppositions, les ruptures et les raccords, les césures et les censures[sp 18]. »

Céline et Julie vont en bateau, les Scènes de la vie parallèle, Merry-Go-Round

En 1990 Rivette raconte « Après Out ça me semblait impossible de parler, dans mes films, du monde contemporain, du monde qu’on appelle réel. Et j'ai eu une envie très forte à ce moment-là de fictions plus ou moins fantastiques […] Et tout ce qui a suivi, c'était effectivement des histoires différentes les unes des autres, mais qui avaient en commun de refuser totalement complétement la France des années [19]70. Ça c'était évident que d'un seul coup je n'avais plus du tout envie de la regarder, celle-là[sp 20]. »

En 1973, Rivette tente de réaliser Phénix, un film sur le monde du théâtre parisien au début du XXe siècle, avec Jeanne Moreau et Juliet Berto. « Je ne me souviens pas de l'idée de départ, peut-être suscitée par les deux derniers épisodes d'Out, où le fantastique contaminait peu à peu la vie « réelle » : assez vite, j'ai eu cette idée de Sarah Bernhardt rencontrant Le Fantôme de l'Opéra, et aussitôt j'ai pensé à Jeanne Moreau ; […] Un matin, le téléphone sonne : c'est Jeanne, qui me proposait de mettre en scène Phèdre, avec elle, au théâtre. Je lui ai dit que j'étais justement en train d'écrire un scénario en pensant à elle, elle m'a tout de suite répondu : « Ah ! Si c'est un film , alors je préfère ! »[sp 21]. » N’obtenant que la moitié de la somme nécessaire pour réaliser ce film coûteux en costumes et décors d’époque, il abandonne le projet. Rivette propose alors à Juliet Berto de monter ensemble rapidement un film « pauvre » où jouerait également Dominique Labourier, actrice amie de Berto que Rivette a remarquée dans Le Petit Théâtre de Jean Renoir. Les deux femmes choisissent les prénoms de leurs personnages sur un calendrier[sp 17][Pas dans la source]. Rivette et son scénariste Eduardo de Gregorio s’inspirent de plusieurs nouvelles de Bioy Casares (Le Parjure de la neige) et de Henry James (Le Roman de quelques vieilles robes et L'Autre Maison) pour concevoir l'intrigue, les actrices inventant leurs répliques au jour le jour[36]. Céline et Julie vont en bateau commence par la rencontre de hasard de Julie (Labourier) et Céline (Berto) qui se lient d'amitié puis découvrent une mystérieuse maison où se trouvent « des personnages étranges venus d’une autre époque[37] ». Elles y assistent à « un mélo démodé dont les mystérieuses intrigues, dans la grande maison bourgeoise où le temps semble arrêté, se répètent, indéfiniment, à l'identique[37]. » Produit par Barbet Schroeder (qui joue le veuf dans la maison) et tourné en et , Céline et Julie vont en bateau remporte le Prix spécial du jury au Festival international du film de Locarno en 1974[réf. nécessaire].

Avec, de nouveau, l’aide de Stéphane Tchalgadjieff qui obtiendra l'Avance sur recettes pour ce projet, Rivette conçoit une série de quatre films : Scènes de la vie parallèle (d'abord appelée Les filles du feu, titre inspiré de Gérard de Nerval) : le premier doit être une « love story », le deuxième un film fantastique, le troisième un western (ce sera un film d'aventures) et le quatrième une comédie musicale. L'intention déclarée de Rivette, dans sa présentation au CNC pour l'Avance sur recettes, « is to discover a new approach to acting in the cinema, where speech, reduced to essential phrases, to precise formulas, would play a role of « poetic » punctuation. Not a return to the silent cinema, neither pantomime nor choreography: something else where the movments of bodies, there counterpoint, there inscription within the sreen place, would be the basis of the mise en scène[sp 22],[e]. » Dans chacun des films, des musiciens doivent apparaître à l'écran et, par moments, improviser en fonction du déroulement des événements[sp 22].

Rivette tourne d'abord Duelle (sous-titré : Une quarantaine), le second film de la tétralogie, en mars et . La fille de la Nuit (Juliet Berto) y affronte la fille du Soleil (Bulle Ogier) pour un diamant magique qui permettra à la gagnante de rester sur terre et perdre l'immortalité. Puis il enchaîne, en , avec le tournage en Bretagne, au château de la Roche-Goyon[38], de Noroît (sous-titré : Une vengeance), le film no 3 inspiré de La Tragédie du vengeur de Cyril Tourneur, dans lequel la pirate Morag (Geraldine Chaplin) cherche à se venger de Giulia (Bernadette Lafont) qui a assassiné son frère.

En , Rivette entame le tournage du premier volet de la série : Marie et Julien, une histoire d'amour entre un mortel et une revenante réunissant Albert Finney et Leslie Caron, mais après trois jours le cinéaste abandonne le tournage, et les Scènes de la vie parallèle sont abandonnées. Rivette racontera plus tard qu'il s'était effondré physiquement : « J'ai présumé de mes forces[sp 23]. » Le quatrième film, une comédie musicale, aurait dû mettre en vedette Anna Karina et Jean Marais. Noroît sera projeté à Londres mais pas distribué. Rivette racontera que Susan Sontag avait apprécié le film, et que Jean Rouch fut enchanté de reconnaître certains mythes africains dans l'intrigue de Duelle inspirée de mythes celtiques découverts à la lecture du Carnaval de Claude Gaignebet et de La Femme celte de Jean Markale[sp 24].

Stéphane Tchalgadjieff négocie alors avec la Commission d'avance sur recettes du CNC et obtient que seul l'un des deux projets restants des Scènes de la vie parallèle soit réalisé, mais Rivette refuse cette solution et va mettre en scène un film sans rapport : Merry-Go-Round. Le film s'inspire des acteurs Maria Schneider et Joe Dallesandro, Rivette proposant le point de départ : « deux personnes qui se réunissent parce qu'une troisième, qui leur a donné rendez-vous, n'est pas là[sp 25]. » L'évolution de leurs rapports et de l'intrigue s'improvisent dans le contexte d'un tournage où « ça se passait très mal[sp 25]. » Selon Eduardo de Gregorio « Maria Schneider s'est mise à détester le comédien [Joe Dallesandro] qu'elle avait amené ! […] Je ne sais pas comment on a terminé le tournage et Jacques, plus tard, a décidé que le film était in-montable. Il a fait appel à Hermine Karagheuz et à des musiciens [ Barre Phillips et John Surman] et il a créé une sorte de monde parallèle à l'intérieur du film[39]. » Gaumont bloque la sortie du film[40] qui attendra 1983 avant de trouver le chemin des salles.

Les années 1980, du Pont du Nord à La Bande des quatre

En 1980, dix ans après Out 1, Rivette a l'envie de « faire un autre film… — bilan c'est beaucoup dire, mais enfin quand même un petit peu tableau de la France vue de mon petit clocher[sp 26] ». Bulle Ogier et sa fille Pascale Ogier travaillent avec Rivette et Suzanne Schiffman à échafauder leurs personnages, Jérôme Prieur écrit ensuite les dialogues. Avec pour la première fois le soutien de la productrice Martine Marignac et une petite somme versée dans le cadre de l'Année du Patrimoine, Rivette réalise d'une part le court métrage Paris s'en va, et d'autre part le long métrage Le Pont du Nord qui sort en salles en . « Nous avons donc fait, en même temps, ce court métrage pour le Patrimoine et le long métrage, le court étant fait d'ailleurs en grande partie avec des éléments du long mis ensemble d'une autre façon ; comme une longue bande annonce plus abstraite, un peu avant garde d'il y a vingt ans, un peu gag[sp 27] » Le Pont du Nord s'inspire de Don Quichotte : « Un jour Rivette est arrivé avec le Don Quichotte de Cervantès ; il nous a dit : « Je n'ai pas l'intention d'adapter ce livre, mais depuis longtemps j'ai envie de le donner à des acteurs avant de commencer un tournage. » Nous l'avons lu, avec ravissement, parce que c'est un livre très joyeux. Et nous avons commencé à travailler autour d'une table[41]. » Le film met en scène la rencontre et l'errance de deux femmes dont la première, Marie (Bulle Ogier), sort de prison (« Je sortirais du film de Rainer Fassbinder La Troisième Génération » proposa-t-elle à Rivette[42]) et retrouve un amant crapuleux (interprété par Pierre Clémenti) qui l'entraîne vers le drame, tandis que la seconde (Pascale Ogier), qui se fait appeler Baptiste, n'a ni attaches ni origine, et occupe son temps à batailler contre les manifestations d'agressivité que représentent pour elle les visages sur les publicités, les statues de lion, et certains hommes qu'elle nomme les « Max » qu'elle accuse de surveiller en secret la population. Le budget du film étant très serré, Rivette s'adapte en rendant, par exemple, le personnage de Bulle Ogier claustrophobe, afin de ne pas avoir à filmer de scènes d'intérieur. Rivette déclarait à propos du Pont du Nord que « Paris est le cinquième personnage, avec lui aussi son évolution et ses moments d'humeur[sp 28]. » À propos du rôle que jouent les terrains vagues de manière de plus en plus affirmée dans le film, Jacqueline Maria Broich écrit : « Baptiste et Marie ne sont pas seulement des nomades urbaines marginalisées qui y trouvent un refuge à titre transitoire, mais aussi des personnages enfantins à qui ces terrains vagues servent de champ d’expérimentation et de rêverie[43]. »

Fin , Jean-Luc Godard propose à ses camarades de la Nouvelle Vague Claude Chabrol, François Truffaut et Jacques Rivette un « entretien » à quatre, à l’occasion de la sortie de leurs films respectifs Sauve qui peut (la vie), Le Cheval d’orgueil, Le Dernier Métro et Le Pont du Nord. Seul Rivette accepte l’invitation. Godard et lui se retrouvent début 1982 dans les bureaux de Godard à Paris. De leur dialogue, il subsiste quelques photographies réalisées par Anne-Marie Miéville et un échange retranscrit en style télégraphique, dans lequel Godard et Rivette se rejoignent sur le fait que « si on sait trop quel film on va faire, on ne le fait pas, il n'y a pas de désir possible[sp 29] » (Rivette) et qu'il y a donc « nécessité du sentiment du risque[sp 29] » (Godard).

À partir du film suivant de Rivette, L'Amour par terre, Pierre Grise Productions et Martine Marignac deviennent ses producteurs fidèles, qui l'accompagneront jusqu'à son dernier film. Pour L’Amour par terre, Rivette s’inspire d’une nouvelle d’Arthur Schnitzler, La Prédiction, à laquelle il apporte deux modifications fondamentales : les personnages principaux en sont des femmes, et le film se fondera sur le principe du théâtre d’appartement. Geraldine Chaplin et Jane Birkin y incarnent les membres d'une troupe invitées à jouer dans une pièce relatant la vie réelle de son metteur en scène (Kalfon) et la disparition mystérieuse de sa femme. Épaulé pour la première fois par le scénariste Pascal Bonitzer (Suzanne Schiffman et Marilù Parolini étant co-scénaristes) qui travaillera sur tous les films suivants de Rivette, le cinéaste met au point une nouvelle méthode : pas d’improvisation mais des dialogues écrits au fur et à mesure du tournage, et la rétention des informations sur le déroulement du récit, qui doit s’inventer lui aussi en cours de route. André Dussolier, acteur du film : « Quand on tourne un film de Rivette on n'a pas de vue d'ensemble, c'est eux [les scénaristes] qui se la gardent dans leurs conversations secrètes[44]. »

Rivette se lance ensuite dans une « transposition » des Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë. Concentré sur la première partie du roman, et se déroulant dans le sud de la France des années 1930, Hurlevent met en scène deux très jeunes acteurs, Fabienne Babe dans le rôle de Catherine et Lucas Belvaux dans celui de Roch (Heathcliff). « J'ai cherché des garçons et des filles qui puissent donner, sans enfantillage, cette notion d'absolu, qui est le noyau de l'histoire, et qui est souvent l'apanage des jeunes de dix-huit ou dix-neuf ans. Ensuite on acquiert le sens du relatif. Les personnages de Hurlevent n'y parviennent pas. Ils préfèrent mourir ou se sauver[sp 30]. » Le film a pour origine la découverte par Rivette des dessins du peintre Balthus inspirés par le roman de Brontë[45]. Le tournage est très difficile : les difficultés à trouver les financements (le film se fera grâce à l’appui de Claude Berri qui lui trouve un distributeur), les exigences contraignantes du chef-opérateur Renato Berta (ce sera sa seule collaboration avec Rivette) et la mauvaise qualité des prises de son accoucheront d'un « problematic movie. […] I believe there are things that I truly like and others that are definitely not so good. But then I hope that we did capture the force of the subject and of the novel, since we remained faithful to it and also since the actors were good. I really like the actor [Olivier Cruveiller] who plays the older brother and with whom, incidentally, I worked again in Jeanne[sp 31],[f]. »

Rivette est salué par la critique pour son film suivant La Bande des quatre. Quatre étudiantes en art dramatique (elles suivent le même cours fréquenté exclusivement par des filles) vivent en colocation dans une maison en banlieue parisienne ; usant de différents stratagèmes, un policier s’y introduit pour leur soutirer des informations au sujet d'une amie commune (actrice elle aussi) liée à une affaire criminelle mettant en cause des personnalités publiques. Le film est dédié « aux prisonniers, à l'un d'entre eux, à celles et ceux qui les attendent. » Le cinéaste raconte que le projet date de 1981-1982[sp 32], et qu'il devait originellement se faire avec Jeanne Moreau, qui abandonne le film peu avant le tournage. Bulle Ogier la remplace, après des hésitations : « Il m'a proposé d'être ce professeur (de théâtre), mais je n'ai aucun sens de la pédagogie […] j'ai d’abord refusé. Des semaines plus tard il m'a rappelé en disant :« Tu es une actrice ? Alors je te demande si tu veux bien interpréter ce rôle, comme tu en interprètes d’autres, ailleurs. » […] J'ai fini par beaucoup aimer le film, je me suis rendu compte seulement après que c'était comme un acte de passation entre moi et les jeunes actrices[46]. » Le film s'inspire d'Elvire 40, cours donnés par Louis Jouvet sur la deuxième scène d'Elvire dans le Dom Juan de Molière[sp 33] ainsi que de la vieille idée de Rivette d'après laquelle « le travail est toujours plus intéressant à montrer que le résultat[sp 34]. » Suite au film, Rivette monte avec les comédiennes les pièces Tite et Bérénice de Corneille[47]  « He’s [Corneille] an author I find very dense, so full of history, of thought[sp 10],[g]. »  et Bajazet de Racine[48][source insuffisante] qui se jouent du au au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis .

Les années 1990, de La Belle Noiseuse à Secret défense

En 1990 Claire Denis réalise un épisode découpé en deux volets (« Le jour » et « La nuit ») de Cinéma, de notre temps. Celui-ci rapporte l'entretien de plusieurs jours entre Serge Daney et Jacques Rivette. Rivette évoque notamment un éventuel sujet de film tel qu'il le conçoit : « J'aurais envie depuis longtemps — peut-être que je ne le ferai jamais — de faire un film qui soit justement sur l'approche des corps, les… les regards sur les corps, les… tout ce que ça implique. Mais en même temps j'ai très peur de le faire, parceque ça c'est très difficile, et c'est quelque chose que je voudrais me forcer à faire, au moins une fois… mais je n'ai pas encore trouvé la méthode qui me permettrait de le faire d’une façon qui me semblerait juste[sp 35]. » « Pour moi il faudrait que je trouve la… pas la pudeur de l'impudeur, mais quand même l'approche juste de l'impudeur. Autrement, autrement c'est de la pornographie, enfin ça risque d'être de la pornographie[sp 36]. »

Librement inspiré de la nouvelle de Balzac Le Chef-d'œuvre inconnu, ce nouveau film, La Belle Noiseuse, dépeint la relation entre le peintre Frenhofer (Michel Piccoli), sa femme et ancien modèle Liz (Jane Birkin), et son nouveau modèle, Marianne (Emmanuelle Béart). Marianne inspire à Frenhofer de terminer son œuvre maîtresse, longtemps abandonnée, intitulée « La Belle Noiseuse », tandis que Liz et le petit ami de Marianne se montrent de plus en plus inquiets et jaloux. « J'ai gardé la référence à la nouvelle de Balzac car je trouvais que Frenhofer était un joli nom et parce que La Belle Noiseuse est un titre magique qui m’a toujours fait rêver[sp 37][Pas dans la source]. » « Par rapport à la nouvelle de Balzac, j'ai tout de suite vu Frenhofer marié. D'abord pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur le plan érotique, mais aussi parce que c'était très vite pour moi un rapport entre deux couples, par rapport à ce tableau difficile à faire. […] Ce qui arrivait dans ces deux couples, […] différents, […] c'était ça pour moi le sujet disons la ligne directrice du film ; c'était deux couples et un tableau[sp 38]. » Ce film de quatre heures montre l'évolution du travail du peintre en temps réel, par le moyen de gros plans des mains du peintre Bernard Dufour au travail. « J'avais rencontré Rivette longuement. Il m'avait beaucoup parlé de son projet, beaucoup de la chimère. La figure de la chimère a joué un grand rôle dans toute sa fantasmagorie, dans toute la construction du film. Au premier plan, la chimère était Frenhofer lui-même, une espèce de triade Rivette, Piccoli et moi. […] Son travail est vraiment un work in progress : il ne savait pas ce qu'il allait faire le lendemain. Je travaillais dans mon atelier off d'un côté d'un immense corridor, de l'autre il y avait [Pascal] Bonitzer et [Christine] Laurent qui travaillaient au scénario[49]. » Rivette : « [Pascal Bonitzer et Christine Laurent] ont ainsi appelé en renfort, entre autres, Edgar Poe et surtout Henry James, de L'Image dans le tapis aux Papiers de Jeffrey Aspern. Une nouvelle surtout nous a éclairci les idées, non pas sur la peinture et la vérité en général, mais sur ce que, nous, nous avions envie d'en faire. […] Dans le Menteur, James évoque les portraitistes mondains du dix-neuvième siècle, à qui leur modèle demandait une ressemblance flattée. Il suppose la possibilité qu'un tableau traduise une vérité secrète, et désagréable[sp 39]. » Le film obtient le Grand Prix au Festival de Cannes de 1991[50]. Comme le contrat de coproduction avec la chaîne de télévision FR3 stipule que la durée du film ne devait pas excéder deux heures[51], Rivette monte à partir d’autres prises une version plus courte intitulée La Belle Noiseuse, divertimento (titre en référence à la réduction par Stravinsky de son ballet Le Baiser de la fée[52]), qui sort en salles en 1993. Rivette précise à Cannes, pendant son montage, « plus austère le film de deux heures, il sera même… un hommage à Jean-Marie Straub[sp 40]. »

Rivette réalise ensuite un film, découpé en deux parties (première partie : « Les Batailles », deuxième partie : « Les Prisons »), sur la vie de Jeanne d'Arc, depuis son départ de Vaucouleurs en 1428 jusqu’à sa mort à Rouen sur le bûcher en 1431. « Je pensais à Sandrine Bonnaire depuis plusieurs années. J'ai attendu de trouver le bon sujet. […] Le temps a passé et brusquement, un jour, ça a fait tilt : Jeanne d'Arc[sp 41]. » Librement inspiré des ouvrages de Charles Péguy consacrés à Jeanne d'Arc (« Peu de gens connaissent la première Jeanne d'Arc que Péguy écrit à l'âge de 22 ans, alors qu'il est encore normalien. C'est la première chose que j’ai relue quand j'ai eu cette idée de film, qui me terrifiait[sp 41]. »), Jeanne la Pucelle prend la forme d’'une chronique, Rivette et ses scénaristes décidant de se considérer, à l'écriture, « comme des compagnons de route supplémentaires de Jeanne[sp 41]. » « Notre ambition est romanesque, narrative, même si j'espère qu'il y a des moments poétiques[sp 42]. » « Le film joue sur la variété des distances vis-à-vis de Jeanne. Il est fait du point de vue de témoins plus ou moins proches d'elle. On est donc tantôt plus près, tantôt plus loin de Jeanne, on la voit de face, de biais. C'est seulement dans la dernière partie, à partir du moment où elle est captive, qu'il n'y a plus place pour les témoins. Dès lors, on est directement avec elle : à ce moment seulement, les gros plans arrivent[sp 42]. » Le sacre de Charles VII est tourné à l'abbaye Saint-Ouen de Rouen[53]. Le film « le plus cher » tourné par Rivette est cependant un film relativement pauvre. « On l'a fait pour quarante [millions]. C’est le quart du budget de Germinal ou le tiers du budget de La Reine Margot […] On a dû faire des choix, sacrifier des scènes[sp 41]. » Pour composer la musique du film, Rivette fait appel à « Jordi Savall qui émaille la bande originale du film de compositions de Guillaume Dufay, Etienne Grossin, « l'ennemi » Robert Morton, Antoine Busnois ou Johannes Ockeghem et d'autres auteurs anonymes. Il réalise des arrangements d'oeuvres médiévales et compose enfin de nouveaux morceaux en s'inspirant du langage contrapuntique du XVe siècle[54]. » Marie-Claude Loiselle écrit : « cet envoûtement que procure le film est aussi certainement attribuable à son rythme, je dirais presque d'un autre temps ; d'un temps où il fallait 11 jours pour franchir à cheval les quelque 400 kilomètres qui séparent Vaucouleurs de Chinon, où l'homme évoluait encore dans un espace et un temps dont il pouvait physiquement appréhender le déploiement[55]. »

En 2000, Jacques Rivette réalise Va savoir, une comédie librement inspirée du Carrosse d'or de Jean Renoir, cinéaste auquel il avait consacré en 1966 le documentaire Jean Renoir, le patron[réf. nécessaire]. La version longue, Va savoir +[56], est sortie en salles le [57]. Le film remporte un grand succès public[réf. nécessaire] avec un total de 501 306 entrées dans l'ensemble de l'Union européenne entre sa sortie et 2010, dont 306 728 entrées en France[58].

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Jacques Rivette en 2006 au cours du tournage de Ne touchez pas la hache.

Ne touchez pas la hache, une adaptation du roman de Balzac La Duchesse de Langeais, sorti le , avec Jeanne Balibar et Guillaume Depardieu dans les rôles principaux, représente la France au Festival de Berlin[réf. nécessaire]. Dans l'Union européenne, 154 044 entrées sont dénombrées entre la sortie du film et 2022[59]. Son dernier[réf. nécessaire] film, 36 Vues du pic Saint-Loup, ne totalise entre sa sortie et 2017 que 42 743 entrées[60].

Vie privée

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Tombe de Jacques Rivette au cimetière de Montmartre (division 21).

Vie de couple

Jacques Rivette a été marié avec la photographe et scénariste italienne Marilù Parolini (1931-2012), avec laquelle il coscénarise plusieurs films. À la suite de son divorce, il épouse Véronique Manniez (née en 1972).

Mort

Jacques Rivette meurt dans le 6e arrondissement de Paris le , à 87 ans. Ses obsèques ont eu lieu le au cimetière de Montmartre dans le 18e arrondissement de Paris, où il a été inhumé (division 21), tout près de François Truffaut. Sur la pierre tombale, le nom de sa dernière épouse est déjà inscrit.
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Analyse de l'œuvre

Résumé
Contexte

Jacques Rivette n'est pas un homme de provocation, malgré le scandale causé par Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot. Plutôt que d'un manipulateur de l'opinion publique, il est plus proche d'un chercheur discret et passionné de façons nouvelles de faire du cinéma[61]. Ses films sont fondés sur l'idée que le cinéma est une expérience, voire une expérimentation. Il prend un plaisir évident à enfreindre les normes, les codes et les conventions du 7e art. C'est dans cette optique qu'il traite la durée filmique : le « cas » Out 1 reste, à ce titre, un exemple unique en son genre, emblématique de la démarche iconoclaste de Rivette ; démarche qui devient la constante de son œuvre (la durée de ses films excède en effet presque toujours les 2 h 30).

La longueur, la lenteur des œuvres est à prendre comme une expérience à part entière, une expérimentation permettant au spectateur consentant de « circuler » à son aise dans le film, participant ainsi « activement » au processus de création filmique renouvelé à chaque vision du film, comme surtout dans le très ludique Céline et Julie vont en bateau (1974), dans lequel s'entremêlent le fantastique et le quotidien. Cette fantaisie improvisée, mais d'une maîtrise néanmoins impressionnante, convoque Jean Cocteau et Lewis Carroll, références ouvertement assumées du cinéaste.

Méthode de travail

Avec ses comédiens, Jacques Rivette utilise une méthode qu'il a conservée tout au long de sa carrière : pas de scénario, juste quelques pages de synopsis[3]. Le texte est donné la veille ou parfois le jour du tournage. Dans Out 1, les acteurs ont entièrement improvisé leurs textes et mouvements[réf. nécessaire].

Acteurs

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Bulle Ogier est la muse de Jacques Rivette. Elle a tourné sept longs métrages avec lui dont Out 1 : Noli me tangere.

Tels des sociétaires d'une troupe théâtrale (on pourrait presque parler d'une « Compagnie Jacques Rivette »), de nombreux comédiens se retrouvent dans plusieurs films du cinéaste, à commencer par les comédiennes : Bulle Ogier de L'Amour fou à Ne touchez pas la hache, Anna Karina, Michèle Moretti, Juliet Berto, Hermine Karagheuz, Nicole Garcia, Geraldine Chaplin, Jane Birkin.

Au sujet des acteurs, le cinéaste déclarait : « J'ai horreur du jeu « naturel » et « psychologique ». J'ai horreur des acteurs qui affichent sur l'écran leur vie intérieure. Les comédiens avec qui j'ai envie de tourner sont des acteurs physiques, corporels, des corps, des voix. Et le corps et la voix sont plus importants que les mots[sp 43]. »

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Box-office

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Théâtre

Metteur en scène

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Publications

  • Jacques Rivette, Miguel Armas (annotations) et Luc Chessel (annotations et présentation), Textes critiques (recueil de textes publiés entre 1950 et 1969 et en appendice, entretien entre Jacques Rivette et Hélène Frappat (1998-1999)), [Paris], Post-éditions, , 445 p., 21 cm (ISBN 979-1-0926-1620-0, présentation en ligne).
  • Trois films fantômes de Jacques Rivette : Phénix, suivi de L'an II et Marie et Julien, Cahiers du cinéma, coll. « Fiction », , 110 p. (ISBN 978-2-86642-322-3).
  • (de) Jacques Rivette (trad. Heiner Gassen, Fritz Göttler), Schriften fürs Kino, Munich, Institut Français de Munich - Revue CICIM No. 24/25, , 183 p..
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Notes et références

Annexes

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