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Jean-Marie Straub et Danièle Huillet

couple de cinéastes français De Wikipédia, l'encyclopédie libre

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Jean-Marie Straub[1], né le à Metz (Moselle) et mort le à Rolle (Suisse) et Danièle Huillet[2], née le à Paris et morte le à Cholet (Maine-et-Loire), sont un couple de réalisateurs français.

Faits en bref Naissance, Nationalité ...
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Biographie

Résumé
Contexte

Jeune homme, Jean-Marie Straub anime des ciné-clubs à Metz[3]. Il fait une hypokhâgne au lycée Fustel-de-Coulanges de Strasbourg puis obtient une licence à l'université de Nancy. En 1954, il retrouve à Paris plusieurs futurs auteurs de la Nouvelle Vague, comme Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, François Truffaut[4] et Claude Chabrol.

Il rencontre Danièle Huillet au lycée Voltaire, dans la classe préparatoire à l'Institut des hautes études cinématographiques[5]. Jean-Marie Straub est renvoyé de cette classe préparatoire après trois semaines[4]. De son côté, révoltée par la médiocrité du film qu'on lui demande d'analyser, Danièle Huillet refuse d'aller jusqu'au bout du concours d'entrée[5].

Ensemble, ils préparent plusieurs projets. En 1954, ils proposent le scénario de Chronique d'Anna Magdalena Bach à Robert Bresson, qui leur répond : « Mes amis, c'est votre sujet, c'est vous qui devez faire le film[6]. » En 1956, Straub travaille comme assistant de Jacques Rivette sur le court métrage Le Coup du berger[7].

Appelé à se battre pendant la guerre d'Algérie, Jean-Marie Straub déserte en 1958 par solidarité avec les indépendantistes algériens et quitte la France[5]. Danièle Huillet le rejoint bientôt en Allemagne de l'Ouest pour préparer Chronique d'Anna Magdalena Bach, qu'ils tournent en 1967. En attendant, ils réalisent Machorka-Muff et Non réconciliés, deux films d'après Heinrich Böll[4] qui les rattachent malgré eux au nouveau cinéma allemand[8].

Après avoir vu Machorka-Muff, le compositeur Karlheinz Stockhausen écrit à Jean-Marie Straub en mai 1963 la lettre suivante[9] :

Vous savez bien vous-même que vous avez pris le chemin difficile. C’est pourquoi je vous écris, afin que vous sachiez que vous accompli un bon travail. Dans le domaine de l’esprit ne compte pas l’abondance, mais la vérité et l’efficacité créatrice.

Le sujet est emprunté à notre présent. Il est vrai, précis, valable universellement. Celui qui blâme la sur-acuité ne sait rien de la nécessité artistique d’aiguiser une idée à l’extrême, afin qu’elle touche vraiment. Donnez à de tels ronchonneurs des drames grecs ou Shakespeare à lire.

Ce qui dans votre film m’a intéressé par-dessus tout, c’est la composition du temps propre au film — comme à la musique. Vous avez réalisé de bonnes proportions de durées entre les scènes où les événements sont presque sans mouvement — combien étonnant, dans un tel film resserré sur une durée relativement courte, le courage des pauses, des tempi lents ! — et celles où ils sont extrêmement rapides — étincelant, de choisir justement pour cela les extraits de journaux dans toutes les positions angulaires sur la verticalité de l’écran. De plus la relative densité des changements dans les tempi variés est bonne… Laisser venir chaque élément à son moment irremplaçable, qu’il serait impensable d’ôter ; aucun ornement. « Tout est l’essentiel » disait Webern dans ce pareils cas (seulement chaque chose en son temps, devrait-on ajouter). Bons aussi la franchise, la réflexion qui continue dans la tête du spectateur, le renoncement à tout acte d’ouverture et acte final. Je pourrais encore alléguer beaucoup : pas du tout « enseignant », améliorant-le-monde, illusionnant, symbolisant, faussement Comme-Si : vous n’en avez pas eu besoin et à leur place avez choisi des faits ; non pas ceux d’un plat reportage, mais justement par cet aiguisement, cette conduite étrangement fulgurante de la caméra dans les rues, l’hôtel (très bon, les murs demeurant longuement vides de la chambre d’hôtel, de la nudité desquels on ne peut se détacher), à la fenêtre… Et encore la condensation « irréelle » du temps, sans qu’on soit pressé. Sur cette tranchante arête entre la vérité, la concentration et l’aiguisement (qui pénètre en brûlant dans la perception du réel), le progrès sera possible. Nulle part ailleurs. Nous le savons bien aujourd’hui, que même l’illusion déchiquetée est une illusion. Vous ne voulez pas « changer » le monde, mais graver en lui la trace de votre présence et par-là dire que vous avez vu, que vous avez ouvert une partie de ce monde, telle qu’elle se donne à vous. Cela m’a plu.

J’attends avec impatience votre travail à venir.

Après Le Fiancé, la Comédienne et le Maquereau en 1968, film d'« adieux » à l'Allemagne, ils partent en Italie – où ils s'installent définitivement – pour réaliser Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer ou Peut-être qu'un jour Rome se permettra de choisir à son tour, d'après la pièce Othon de Pierre Corneille[5], qui leur vaut l'hostilité d'une partie de la critique française, perplexe face aux anachronismes assumés du film (qui montre des personnages en costumes d'époque dans un décor contemporain) ainsi qu'à la diversité des accents qui rend parfois ardue la compréhension du texte[10].

Par la suite, assistés de collaborateurs fidèles comme Louis Hochet au son ou Renato Berta et William Lubtchansky à l'image, ils auto-produisent et réalisent des films très divers, de durée variable, en couleurs ou en noir et blanc, en Italie, en Allemagne et en France, et jusqu'en Égypte (Trop tôt, trop tard), ainsi que des ciné-tracts[11].

En , le jury de la 63e Mostra de Venise, où ils présentent Ces rencontres avec eux (Quei loro incontri), leur décerne un prix spécial pour l’ensemble de leur œuvre[5], saluant son « innovation dans le langage cinématographique ».

Après la mort de Danièle Huillet en [5],[12] à l'âge de 70 ans, Jean-Marie Straub a continué à réaliser de nombreux films, assisté entre autres par le réalisateur Christophe Clavert et les producteurs Barbara Ulrich et Arnaud Dommerc. Il meurt en [4], à l'âge de 89 ans[13],[14]. Le couple est inhumé au sein de la 15e division du cimetière parisien de Saint-Ouen, dans la Seine-Saint-Denis[15].

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Esthétique et politique

Résumé
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Les films de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet sont majoritairement des « adaptations » de textes littéraires ou d’œuvres musicales[16]. Les deux cinéastes se qualifient d'« artisans » du cinéma, par opposition et/ou résistance à l’industrie cinématographique[17], récusant régulièrement le qualificatif de « minoritaire »[18] souvent employé pour évoquer leur cinéma, ils ont au contraire toujours insisté sur le fait qu'ils n'étaient « pas des oiseaux rares ». Ils ont tôt reconnu leur dette envers Bertolt Brecht dont ils ont adapté plusieurs œuvres (Leçons d'histoire, Introduction à la « Musique d'accompagnement pour une scène de film » d'Arnold Schoenberg, Antigone, Corneille-Brecht) et à qui ils doivent le second titre de Non réconciliés : « Seule la violence aide où la violence règne. »[19]

Straub et Huillet n'utilisent que le son direct des prises. Ils opposent à ce qu'ils appellent le « gaspillage » dans le cinéma dominant, un cinéma de la modestie mais du luxe où l'on prendrait le temps de regarder et d'écouter, en particulier la nature, qu'ils ont filmée avec de plus en plus d'insistance. La plupart de leurs acteurs sont des non-professionnels[20].

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Filmographie

Résumé
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Les éditions Montparnasse ont débuté en l'édition de leur œuvre complète en DVD[21].

Jean-Marie Straub et Danièle Huillet

Jean-Marie Straub seul

  • 2008 : Le Genou d'Artémide, d'après Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese (1947), 35 mm, couleurs, deux versions, 26 min et 27 min
  • 2008 : Le streghe, femmes entre elles, d'après Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese (1947), 35 mm, couleurs, 21 min
  • 2009 : Corneille-Brecht, d'après la pièce radiophonique Le Procès de Lucullus de Bertolt Brecht (1940) et de deux stances de Pierre Corneille extraites de Horace et Othon, miniDV (Panasonic AG DVX 100), format : 4/3, couleurs, trois versions de 27 min environ
  • 2009 : O somma luce, d'après Dante Alighieri, HD, couleurs, format 16/9, 18 min
  • 2009 : Joachim Gatti, HD, couleurs, format 16/9, 1 min 30 s
  • 2010 L'Inconsolable, d'après Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese (1947), miniDV (Panasonic AG DVX 100), format : 4/3, couleurs, deux versions de 15 min environ
  • 2010 : Un héritier, d'après un chapitre d'Au service de l'Allemagne de Maurice Barrès (1903), miniDV (Panasonic AG DVX 100), format 4/3, couleurs, deux versions de 21 min environ
  • 2011 : Schakale und Araber (Chacals et Arabes), d'après la nouvelle de Franz Kafka (1917), miniDV (Panasonic AG DVX 100), format : 4/3, couleurs, deux versions de 11 min environ
  • 2011 : La Madre, d'après Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese (1947), HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, deux versions de 20 min environ
  • 2012 : Un conte de Michel de Montaigne, d'après « De l'exercitation », chapitre VI du livre deux des Essais de Montaigne, HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 34 min
  • 2013 : Dialogue d'ombres, d'après la nouvelle de Georges Bernanos (1928), HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 29 min (film réalisé par Jean-Marie Straub et conçu en collaboration avec Danièle Huillet)
  • 2014 : À propos de Venise (Geschichtsunterricht), d'après La Mort de Venise de Maurice Barrès (1903), HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 24 min
  • 2014 : Kommunisten, d'après André Malraux, film constitué de deux séquences tournée en HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, et d'extraits de quatre films précédents de J-M Straub & Danièle Huillet, 70 min
  • 2014 : La Guerre d'Algérie, d'après Jean Sandretto, HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 2 min
  • 2015 : L'Aquarium et la Nation, d'après Les Noyers de l'Altenburg d'André Malraux (1943), HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 32 min
  • 2016 : Où en êtes-vous Jean-Marie Straub ?, HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 9 min
  • 2017 : Gens du Lac, d'après le roman éponyme de Janine Massard (2013), HD, format : 4/3, couleurs, 18 min Mention spéciale du prix du court métrage Cinéma du réel 2018[23]
  • 2020 : La France contre les Robots, d'après l'essai de Georges Bernanos (1945), HD, format : 4/3, couleurs, 9 min
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Hommages, rétrospectives

Une rétrospective intégrale des films de Straub et Huillet est présentée au Centre Pompidou en 2016[24].

Le , dans le cadre des Journées du film européen, une master class consacrée à « Straub algérien ! »[25] est assurée par l'essayiste et critique de cinéma Saad Chakali aux 17e Rencontres cinématographiques de Béjaïa[26].

En 2024, une rétrospective leur est consacrée à la Cinémathèque française[27].

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Notes et références

Voir aussi

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