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ancienne colonie française, aujourd'hui Haïti sur l'île d'Hispaniola De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La colonie française de Saint-Domingue[1], située sur la partie occidentale de l'île d'Hispaniola (aussi appelée Haïti, au sens large du mot[2]), est officiellement une possession française à partir du traité de Ryswick, par lequel l'Espagne cède ce territoire à la France () et jusqu'à sa prise d'indépendance sous le nom d’Haïti (), son premier chef de l'État étant Jean-Jacques Dessalines, proclamé empereur d'Haïti sous le nom de Jacques Ier.
1697–1804
Statut | Colonie française |
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Capitale |
Cap Français (1711–1770) Port-au-Prince (1770–1804) |
Langue(s) | Français et créole |
Religion | Catholique, protestante et vaudou |
Monnaie | Piastre-Gourde (livre coloniale) égale à 0,66 livre tournois de métropole |
Population | 465 000 (1789) dont 405 000 esclaves libérés en 1793 |
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Superficie | 21 550 km² |
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6 mai 1687 | Promulgation du Code Noir de 1685 à Saint-Domingue |
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21 septembre 1697 | Traité de Ryswick : reconnaissance par l'Espagne de la colonie de Saint-Domingue |
14 août 1791 | Cérémonie du Bois-Caïman : acte fondateur de la révolution haïtienne |
22 août 1791 - | Révolution haïtienne |
4 février 1794 | Décret d'abolition de l'esclavage dans les colonies |
1er janvier 1804 | Acte de l'Indépendance de la République d'Haïti |
9 juillet 1809 | Capitulation de la ville de Saint-Domingue |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
Dès la fin des années 1620 (époque du ministère de Richelieu), des Français sont présents dans la partie ouest d'Hispaniola, particulièrement dans l'île de la Tortue et principalement sous la forme de la piraterie (François l'Olonnois). Jusqu'au début des années 1680, l'ouest d'Hispaniola, déserté par les colons espagnols, est en effet un repaire de flibustiers, avec deux bases principales : l'île de la Tortue sur la côte nord et l'Île-à-Vache sur la côte sud.
Vers 1680, la France impose sa présence militaire dans l'ouest d'Hispaniola, au détriment des Espagnols, mais aussi des Anglais. De 1680 à 1700, les gouverneurs désarment progressivement les flibustiers afin de développer une économie de plantation, orientée notamment vers le sucre.
Après le traité de Ryswick et la reconnaissance officielle de l'Espagne, la colonie de Saint-Domingue prend une place de premier plan dans la production sucrière française et même mondiale, employant en 1788 plus de 400 000 esclaves et 22 000 affranchis.
De nombreux négociants rochelais établissent des relations commerciales avec Saint-Domingue, donnant une importance singulière au port de La Rochelle sur la façade atlantique.
Après la découverte de l'île par Christophe Colomb en octobre 1492, Hispaniola est, jusqu'à la conquête de Cuba en 1511, le centre de la colonisation espagnole, d'abord sous la direction de Colomb lui-même (« vice-roi des Indes » jusqu'en 1500), puis d'autres vice-rois. Après la conquête du Mexique (1521) et la constitution de la vice-royauté de Nouvelle-Espagne (capitale : Mexico), Hispaniola devient une simple colonie, pourvue d'un gouverneur, au sein de cette vice-royauté.
Les Espagnols s'intéressent principalement aux (faibles) gisements d'or qui s'y trouvent, mais développent tout de même une colonisation agricole (encomiendas). La population indigène, des Arawaks et des Taïnos, diminue considérablement du fait de l'arrivée des Européens (épidémies, réduction en esclavage) et finit par disparaître.
À partir de 1530, la production d'or faiblit fortement : les colons concentrant alors leurs efforts sur la partie orientale de l'île, abandonnent la partie occidentale qui devient la proie facile des pirates français ou anglais[3].
Les animaux domestiques abandonnés par les premiers colonisateurs (chevaux, vaches et chiens), vivent en liberté dans l'île et constituent une réserve de chasse facile pour les boucaniers[4].
Les boucaniers s'installent notamment à la base du Cap-Monte-Cristo, au nord, qui est la frontière actuelle entre Haïti et la République dominicaine[5]. Ils s'installent aussi à Port-de-Paix et Petit-Goâve et sur l'îlot de Port-Margot[6].
Malgré une politique de la terre brûlée menée par le roi Philippe III (roi de 1598 à 1621), destinée à lutter contre leurs raids de pillages, les boucaniers renforcent leur présence.
Entre 1600 et 1630, apparaissent les corsaires (officiellement : marins au service d'un pays en guerre attaquant les navires et territoires ennemis), qui commencent à installer des bases permanentes dans la mer des Caraïbes, dans les secteurs abandonnés par les Espagnols, comme l'île à Vache, l'île de la Tortue ou la côte nord-ouest d'Hispaniola.
Le cardinal de Richelieu, qui devient principal ministre de Louis XIII en 1623, dote la France d'une politique coloniale. Jean Cavelet, seigneur de Herteley, homme de confiance de Richelieu et un des futurs directeurs de la Compagnie de Saint-Christophe, s’engage dans le financement des activités de flibuste de Pierre Belain d'Esnambuc avec Urbain de Roissey, sieur de Chardonville.
Durant cette période, la présence française est attestée surtout par des documents écrits à l'île de la Tortue, en raison de son importance militaire, mais on en trouve des traces sur les côtes de Saint-Domingue. Les liens entre les deux zones sont attestés : chacune des deux sert de refuge en cas de problèmes dans l'autre.[réf. nécessaire]
D'abord installés sur l'île de Saint-Christophe, les Français se concentrent ensuite sur la Martinique et la Guadeloupe, mais certains s'installent plus à l'ouest, sur l'île de la Tortue, de façon non officielle car l'Espagne se considère encore comme possesseur de toutes les îles des Caraïbes (en vertu du traité de Tordesillas de 1493). La Tortue va devenir le point de ralliement des flibustiers anglais, français et hollandais, aux côtés des boucaniers (Frères de la côte) qui assurent l'approvisionnement en viande.
Durant cette période, l'île de la Tortue est l'objet d'un conflit opposant Espagnols, Français et Anglais, mais les Français l'emportent en fin de compte et consolident leur implantation sur Hispaniola.
Les tentatives de pratiquer l'esclavage échouent : les esclaves introduits à la Tortue deviennent libres de facto[réf. nécessaire]. En 1642, Louis XIII autorise la traite des esclaves[réf. nécessaire].
Période anglaise (1632-1640)
Période française : François Levasseur (1640-1652) et l'ordre de Saint-Jean (1651-1654)
Retour des Espagnols (1654)
Reprise en main par la France (1656)
Il contribue au peuplement de Saint-Domingue en assurant le transport de centaines d'engagés, qui en échange de la gratuité du voyage doivent travailler pendant trois ans et sont de ce fait surnommés « les trente-six mois ». Ces engagés, partis de La Rochelle, sont d'abord dirigés sur Léogâne, puis sur la Tortue.[réf. nécessaire]
Cette période voit les premières fissures dans la traditionnelle alliance contre l'Espagne des flottes française, anglaise et hollandaise[9].
C'est le début de la guerre de Dévolution, Français contre Espagnols et Hollandais. Néanmoins les Hollandais furent flibustiers aux côtés des Anglais et des Français et réciproquement.
Les flibustiers François l'Olonnais et Michel le Basque, organisent la première grande expédition de flibuste avec la prise et le pillage de Maracaibo.
Bertrand d'Ogeron de La Bouëre (et plus tard son neveu Pouancey) vend aux flibustiers et aux boucaniers des femmes blanches à marier qu’il fait venir d'orphelinats d’Europe[11] ou d'autres déportées comme Anne Dieu-le-veut[12]. Début de la colonisation de Port-de-Paix.
Le flibustier Delile prend et pille la ville de Saint-Yague dans la partie espagnole de Saint-Domingue.
C'est la première grande époque de l'expansion sucrière aux Antilles françaises, virage important de l'histoire de la Martinique et la Guadeloupe. Louis XIV tente aussi de l'implanter à Saint-Domingue, mais il ne parvient pas à mettre au pas les boucaniers qui peuplent la côte nord-ouest de l'île, même si une bonne partie fuient vers le Rendez-vous de l'île d'Or au Panama. La culture du tabac qui fait vivre des milliers de flibustiers est régie par une ferme du tabac, concédée en 1674 à la Marquise de Maintenon avec un prix d'achat très bas et un prix de revente élevé, ce qui favorise l'expansion du tabac de Virginie.
La compagnie des Indes occidentales perd son monopole en 1670 et tombe en faillite en 1674. Les grands ports ont le droit de commercer du sucre et des esclaves. C'est l'époque où de grandes familles d'armateurs développent le négoce du sucre[14].
La fin des années 1685 à 1696 sont l'occasion d'un regain d'activité pour les corsaires de Saint-Domingue à la suite d'une inversion générale des alliances en Europe. À partir de 1688 la Glorieuse Révolution britannique casse l'alliance entre Louis XIV et la couronne d'Angleterre. Celle-ci désormais protestante est alliée aux Hollandais. En 1692, la France se retrouve même isolée contre la Ligue d'Augsbourg, que vient de rejoindre l'Espagne.
Le traité de Ryswick () entre l'Espagne et la France sécurise la situation dans la colonie. L'Espagne reconnaît la domination française sur la partie ouest de Saint-Domingue en échange de l'arrêt des raids de corsaires contre ses possessions coloniales. Louis XIV accepte en échange de rendre la plus grande partie des Pays-Bas espagnols.
De la Régence à la Guerre d’Amérique, La Rochelle figure en bonne place des ports bénéficiant de la croissance de Saint-Domingue. Elle est cinquième après Bordeaux, Nantes, Le Havre et Marseille.
La Rochelle s’impose sur un plan international, au XVIIIe siècle, en étant en relation dès 1630 avec les Antilles, privilégiant des relations annuelles régulières.
La traite des Noirs et les importations de sucre des Isles assureront sa prospérité jusqu’à la Révolution française.
En 1664, la Compagnie des Indes occidentales, compagnie commerciale française est créée par Colbert à Saint-Domingue. À la suite de cette création, dès 1682, la flotte rochelaise triple de volume et la ville devient le premier port français pour le commerce des Isles d’Amériques.
Les activités et le trafic de raffinage avec Saint-Domingue augmentent considérablement, vers 1660. En moins de 40 ans, le nombre des navires pour les Antilles est multiplié par deux, passant de 20 à 30 navires en 1660 et de 40 à 55 navires en 1680.
Ainsi, en 1710, on peut compter 16 raffineries à La Rochelle produisant 3 millions de livres de sucre blanc.
A cette époque, les voyages aux Antilles (Saint-Domingue) durent en moyenne quarante jours. Le sucre a remplacé le tabac, et les activités de pêche.
Les voyages « triangulaires » pouvaient durer parfois un an. Le navire allait dans un premier temps sur la côte d’Afrique pour échanger divers produits, tels que des coquillages, eau de vie, tabac, fusils contre des esclaves, que l’on débarquait à Saint-Domingue. Les esclaves africains étaient majoritairement transportés et vendus dans les îles françaises, comme à Saint-Domingue. On chargeait alors des produits coloniaux pour le retour, comme le sucre, le café, le coton, l'indigo.
En 1791, le trafic total avec Saint-Domingue représente 50% des entrées de navires et des armements du port de La Rochelle. Cette ville était le cinquième port de France.
Beaucoup d’armateurs et de négociants se sont installés à Saint-Domingue pour un meilleur contrôle, pour certains, ils ont installé des représentants sur l’île, comme planteurs ou intermédiaires. L'historien Jacques de Cauna a été le premier à étudier leur présence, dans la plaine du Cul-de-Sac notamment, aux portes de Port-au-Prince, à travers sa thèse sur la sucrerie Fleuriau de Bellevue publiée sous le titre Au Temps des Isles à Sucre. Histoire d'une plantation de Saint-Domingue au XVIIIe siècle (Paris, Edit. Karthala 1987, réédition 2003).
La famille Fleuriau, protestante, n’était pas rochelaise de souche, elle était originaire de Châtellerault. Elle apparaît dans la bourgeoisie marchande rochelaise à la fin du XVe siècle.
Aimé Benjamin Fleuriau, est un des grands armateurs qui s’est enrichi à Saint-Domingue. Arrivé à l’âge de 20 ans sur l’île de Saint-Domingue, il y est resté plus de 27 ans. Il n’est plus un étranger sur l’île. Il est devenu un créole par le cœur. La famille possédait une plantation sucrière à Bellevue à Saint-Domingue, on peut retrouver une belle maquette de cette plantation au Musée du Nouveau Monde à La Rochelle. Il y a une sculpture de Toussaint Louverture, de Oussman SOW, érigée en au musée du Nouveau Monde de La Rochelle, figure emblématique de la révolution des esclaves à Haïti en 1791.
L’époque florissante du commerce du sucre de Saint-Domingue a permis de mettre en lumière de grandes fortunes du monde du négoce rochelais, comme la famille Fleuriau. La majorité d’entre elles sont propriétaires de plantations et de maisons de commerce essentiellement à Saint-Domingue. Garesché, Rasteau, Belin, Van Hoogwerff sont d’autres négociants Rochelais qui ont contribué à la traite négrière aux côtés de Fleuriau.
Il existe une trace indélébile de La Rochelle à Saint-Domingue. On trouve encore aujourd’hui sur la côte Sud de l’actuelle république d’Haïti, dans la région de Nippes, un plateau, un récif et une rivière des Rochelois, ou encore certains dictons faisant référence aux fameuses filles de La Rochelle, à cette époque. De plus, les noms des colons rochelais se sont conservés sur leurs anciennes habitations. On peut donc voir des lieux-dits avec des noms comme Damiens, Boissonière, Raboteau et évidemment Fleuriau.
Enfin, certaines familles portent encore des noms d’anciens colons rochelais. L’empreinte de la Rochelle sur Saint-Domingue est donc encore réellement perceptible et vivace.
La paix de Ryswick en 1697 a permis un développement rapide des plantations de sucre, des terres étant données aux corsaires qui acceptent de cesser leurs attaques contre l'Espagne. Des cultures d'exportations sont introduites. Avec elles la traite négrière, suite de l'échec relatif de la politique dite des « 36 mois » pour les engagés volontaires. La rentabilité des plantations résulte de la surexploitation de la main-d'œuvre[19] apportée par la traite des esclaves. L'aventure coloniale intéresse les cadets de familles nobles qui y trouvent le moyen de faire fortune dans la "terre" aux côtés des commerçants. La question raciale émerge formellement avec la question des titres de noblesse des "sangs-mêlés".
L'esclavage monte rapidement, et se structure juridiquement et économiquement, les cultures se diversifient, même si la canne à sucre reste largement dominante.
À partir de 1720, Saint-Domingue est le premier producteur mondial de canne à sucre. Au milieu du XVIIIe siècle, l'île exporte à elle seule autant de sucre que toutes les îles anglaises réunies et devient la principale destination des traites négrières via le commerce triangulaire. Ainsi, jusqu'en 1791, plus de 860 000 esclaves y sont importés, soit près de 45 % de la totalité des esclaves importés par la France dans ses colonies (environ 2 millions)[23].
Avant la Révolution, les produits coloniaux de Saint-Domingue représentent un tiers des exportations françaises
Les deux décennies qui précèdent la guerre de Sept Ans contre les Anglais sont celles d'une forte croissance des cultures esclavagistes, sucre et café, la traite négrière s'industrialisant, avec des bateaux plus grands, financés par des sociétés par action.
La Révolution du café de Saint-Domingue, dans la deuxième partie du siècle, voit l'île devenir le premier producteur mondial, avec le défrichage des hautes terres de l'est de la colonie et l'importation à un rythme encore plus rapide d'esclaves dans la dernière décennie avant la Révolution.
Saint-Domingue est une importante colonie où se trouve une infrastructure militaire. Elle est utilisée dans le cadre du soutien français à la guerre d'indépendance américaine (1775-1783). Il existe par ailleurs des liens entre les planteurs français de l'île et ceux des colonies françaises du sud des futurs États-Unis, notamment ceux de Louisiane (vendue en 1803 aux États-Unis par la France). Ils essaient les uns et les autres de limiter l'influence de la Nouvelle-Angleterre, anti-esclavagiste et indépendantiste.
En 1779, au moment du siège de Savannah, dans la colonie anglaise de Géorgie toute proche, qui est un des temps forts de la guerre d'indépendance américaine, environ 1 500 soldats venus de la colonie française, des chasseurs volontaires de Saint-Domingue, dont les futurs généraux de l'armée française André Rigaud et Henri Christophe, tous deux de couleur, s'illustrent lors du siège de Savannah.
Le corps des chasseurs volontaires de Saint-Domingue voit son action saluée dans le journal que rédige par le chef de l'expédition française, le Comte d'Estaing[26]. Ce corps a permis, par un assaut contre un feu ennemi nourri, d'éviter à l'armée franco-américaine des pertes très lourdes, car il a couvert efficacement sa retraite. Le corps expéditionnaire français a finalement joué un grand rôle dans l'avancée et le succès de la guerre d'indépendance américaine[27],[28].
L'île participe à la Révolution française de 1789. La décennie la précédant est marquée par un débat d'idée sur l'esclavage pendant lequel les écrits se multiplient, des révoltes se multiplient et des groupes de pression se forment. Plusieurs des généraux blancs, noirs et métis qui participeront aux opérations militaires sont nés dans l'île : André Rigaud, Georges Biassou, Jean-François Papillon dit Jean François, Toussaint Louverture, Louis-Jacques Beauvais, Jean-Louis Villatte et bien d'autres.
La contestation de la Révolution française par les planteurs passe du terrain des idées à celui de l'opposition politique puis militaire.
Les colons font reculer militairement les troupes de la Révolution française, ce qui déclenche un soulèvement général des esclaves.
Le chaos s'installe, profitant au voisin espagnol.
La guerre civile s'intensifie. Les troupes de la république remportent des succès militaires, mais les colons obtiennent le soutien des Anglais, à qui ils promettent de livrer la colonie en échange du maintien de l'esclavage.
Après l'abolition de l'esclavage en février, les troupes de la République Française doivent maintenant combattre tous les planteurs, alliés aux Espagnols et aux Anglais.
Louverture combat Jean Pierre Boyer, Pétion et Rigaud à l’occasion d’un litige frontalier pour conquérir le Sud.
Bonaparte confirme Louverture dans sa fonction de général en chef de la colonie. Mais Louverture développe une politique autonome en collaboration avec les planteurs. Il tente notamment de reprendre le contrôle de l'Est de l'Île à l'administration espagnole. Ces tentatives s'opposent frontalement à la politique de Bonaparte qui ne souhaite pas un nouveau conflit avec l'Espagne. Louverture participe aussi à la rédaction d'une constitution locale qui le reconnaît comme gouverneur à vie et garantit la transmissibilité de la fonction. Bonaparte ressent un sentiment de trahison de sa confiance. Cette situation est exploitée par le groupe de pression des planteurs coloniaux hostiles à la fin de la discrimination raciale.
Louverture s'affirme comme le chef d'une entité qui vise l'autonomie, si ce n'est l'indépendance. Il prône une politique d'union raciale dans la colonie. En particulier il accepte une forme de conversion de l'esclavage en travail forcé pour se concilier les planteurs libéraux. Et il s'oppose aux représentants locaux du le Consulat.
Trois ans après son arrivée au pouvoir par un coup d'État, le jeune consul Napoléon |Bonaparte lève un corps expéditionnaire de 35 000 hommes pour restaurer l'autorité de l'État à Saint-Domingue. Cette opération doit en principe être suivie d'une expédition en Louisiane, devenue colonie espagnole.
La colonie française de Saint-Domingue devient Haïti, république noire et indépendante. Mais cette indépendance n'est reconnue ni par la France, ni par les États-Unis. La quasi-totalité des grandes nations, sauf les États-Unis qui maintiendront leur refus, attendront la reconnaissance par la France.
Achetée à la France en 1803 par les États-Unis, la Louisiane qui n'est pas encore un de leurs états voit arriver entre 1806 et 1809 plus de 10 000 Créoles de Saint-Domingue, selon Carl A. Brasseaux, historien et directeur du Centre d'études louisianaises[46] de Lafayette. Ils font doubler en quelques années la population française de La Nouvelle-Orléans. Cette population instruite et active y développe de nombreuses activités comme des infrastructures portuaires qui permettent une Conquête de l'Ouest par la voie puissante du fleuve Mississippi. La communauté des réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique est soudée par leurs tribulations : plusieurs milliers ont fui ou ont péri dans l'insurrection de Saint-Domingue. Beaucoup se sont réfugiés dans l'Est de Cuba avec leurs esclaves et ont repris la production des denrées coloniales. Cuba a ainsi "importé" autant d'esclaves qu'en deux siècles.
Les Français qui restaient dans la partie orientale de l'île sont battus par les habitants hispanico-créoles sous le commandement de Juan Sánchez Ramírez, à la bataille de Palo Hincado le . La capitulation française a lieu à Santo-Domingo le . Le pays se replace alors volontairement sous l'autorité de l'Espagne. En effet, depuis le , la Guerre d'indépendance espagnole contre la France a commencé.
En Napoléon entre en Espagne à la tête de 80 000 soldats. Les colons français sont alors chassés de Cuba et les terres qu'ils avaient mises en valeur sont reprises par les Espagnols. La Louisiane, qui n'est pas encore un État des États-Unis d'Amérique, accueille une grande partie de ces réfugiés. Certains sont des officiers français qui ont prêté main-forte à George Washington, comme eux planteur et officier, lors de la guerre d'indépendance américaine (1775-1783).
En échange de la reconnaissance de l'indépendance du pays, officiellement encore possession française selon le Traité de Paris, le roi de France Charles X contraint par la menace Haïti à verser à la France une indemnité pour compenser les pertes causées par les révoltes des esclaves et l'indépendance d'Haïti[47],[48] : indemnisation de la France par la république d'Haïti.
Le , sous la Restauration, une ordonnance du roi Charles X impose le versement d'une « indemnité d'indépendance »[48].
CHARLES, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut.
Vu les articles 14 et 73 de la Charte ;
Voulant pourvoir à ce que réclame l'intérêt du commerce français, les malheurs des anciens colons de Saint Domingue, et l'état précaire des habitants actuels de cette île ;
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er. Les ports de la partie française de Saint Domingue seront ouverts au commerce de toutes les nations.
Les droits perçus dans ces ports, soit sur les navires, soit sur les marchandises, tant à l'entrée qu'à la sortie, seront égaux et uniformes pour tous les pavillons, excepté le pavillon français, en faveur duquel ces droits seront réduits de moitié.
Art. 2. Les habitants actuels de la partie française de Saint Domingue verseront à la caisse fédérale des dépôts et consignations de France, en cinq termes égaux, d'année en année, le premier échéant au 31 décembre 1825, la somme de cent cinquante millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité.
Art. 3. Nous concédons, à ces conditions, par la présente ordonnance, aux habitants actuels de la partie française de Saint Domingue, l'indépendance pleine et entière de leur gouvernement.
Et sera la présente ordonnance scellée du grand sceau.
Donné à Paris, au château des Tuileries, le 17 avril de l'an de grâce 1825, et de notre règne le premier.Le suivant, une escadre de 14 navires de guerre se présente devant Port-au-Prince et l'émissaire du roi, le capitaine de vaisseau de Mackau se rend à terre pour informer le président Boyer de la décision du gouvernement français et le sommer, sous peine d'une déclaration de guerre et du blocus de tous les ports haïtiens, d'accepter les conditions de l'ordonnance qui outre le paiement d'une indemnité de 150 millions de francs aux anciens colons comprend l'octroi de privilèges douaniers exclusifs au commerce français[49].
Boyer vit là l'occasion de faire accéder enfin son pays à la reconnaissance internationale accepta l'ultimatum, ce qui lui fut vivement et longtemps reproché par la suite[50]. L'indemnité, d'un montant initial de 150 millions de francs, sera réduite à 90 millions en 1838, soit approximativement le prix de la vente de la Louisiane aux Américains. Les autorités haïtiennes finissent de payer en 1886, soit au bout de 61 ans. Cette somme était destinée à dédommager les colons français pour leurs propriétés perdues[51]. Mais seuls 11 000 des personnes indemnisées sur 25 000 sont d'anciens colons. Les autres sont des héritiers auxquels les banques françaises demandent le remboursement des prêts consentis à leurs parents pour l'achat de terres et d'esclaves[52]. Ce sont finalement les banques les principales bénéficiaires.
Il est estimé que c'est la charge très lourde de cette dette qui a conduit, en 1910, à l'achat d'une part importante de la Banque de la République d'Haïti par la banque américaine National City. Une opération qui est un prélude à l'occupation américaine de 1915 à 1934. C'est en effet une plainte de non remboursement de dettes des banques américaines qui a formellement déclenché l'opération.
Les États-Unis ont pris prétexte de l'accord haïtien sur le paiement de l'indemnité pour maintenir leur refus de reconnaissance de l'État d'Haïti[54]. Une position qui est en relation avec le préjugé racial contre les noirs à l'époque, et la nouvelle doctrine Monroe. C'est seulement en 1862 que les États-Unis reconnaitront Haïti. Cette décision sous la présidence d'Abraham Lincoln coïncide avec sa Proclamation d'émancipation qui met fin à l'esclavage aux États-Unis.
Le paiement de cette indemnité a entraîné un important retard de développement dans le pays. En comptant les sommes effectivement versées par les Haïtiens aux héritiers de leurs anciens maîtres, les commissions bancaires, les intérêts, et les pénalités de retard appliqués au fil des décennies, Haïti a déboursé environ 560 millions de dollars en valeur actualisée. Surtout, cette dette a engendré un manque à gagner de 21 à 115 milliards de dollars selon les estimations, du fait que les sommes versées par Haïti n'ont jamais profité au pays et ont été expédiées en France sans biens ni services en retour[47],[55].
Le , conjointement avec des manifestations de rue du mouvement Lavalas qui scandent « Restitisyon », le président Aristide demande la restitution par la France de l'indemnité d'indépendance. Il estime son montant actualisé à environ 21 milliards d'euros. Le le président Jacques Chirac répond « j’ai la plus grande sympathie pour le pays et pour sa population. Et, nous avons de surcroît, une coopération importante et nous apportons à Haïti une aide non négligeable. Avant d'évoquer des contentieux de cette nature, je ne saurais trop conseiller aux autorités haïtiennes d'être très vigilantes sur, je dirais, la nature criminelle et anti-démocratique de leurs actions et de leur régime »[56]. À la suite du coup d'État[57] contre le président Aristide en , le nouveau premier ministre, Gérard Latortue, déclare abandonner cette requête[58].