Espagne
pays du Sud-Ouest de l'Europe De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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L'Espagne, en forme longue le Royaume d'Espagne (respectivement en espagnol : España Écouter et Reino de España), est un État souverain transcontinental d'Europe du Sud-Ouest, qui occupe la plus grande partie de la péninsule Ibérique. Le pays a une superficie de 504 030 km2 et une population de 48 millions d'habitants.
Drapeau de l'Espagne |
Armoiries de l'Espagne |
Devise | en latin : Plus ultra (« Plus loin ») |
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Hymne |
en espagnol : Marcha Real (« Marche royale ») |
Fête nationale | 12 octobre |
· Événement commémoré |
Plus grande ville | Madrid |
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Superficie totale |
505 911 km2 (classé 52e) |
Superficie en eau | 1,04 % |
Fuseau horaire |
UTC +1 : (HNEC) ; Heure d'été : UTC+2 : (HAEC) |
Gentilé | Espagnol |
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Population totale (2024[4]) |
48 592 909 hab. (classé 28e) |
Densité | 96 hab./km2 |
PIB nominal (2022) |
1 435,698 milliards de $ + 0,65 %[5] (12e/62) |
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PIB (PPA) (2022) |
2 209,419 milliards de $ + 11,41 % (13e/62) |
PIB nominal par hab. (2022) |
30 156,687 $ + 0,22 % (25e/66) |
PIB (PPA) par hab. (2022) |
46 413,073 $ + 10,93 % (26e/66) |
Taux de chômage (2022) |
13,378 % de la pop. active - 9,51 % (65e/66) |
Dette publique brute (2022) |
Nominale 1 499,152 milliards de € + 4,78 % Relative 116,384 % du PIB - 1,96 % |
Monnaie |
Euro (EUR ) |
IDH (2021) | 0,905[6] (très élevé ; 27e) |
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IDHI (2021) | 0,788[6] (37e) |
Coefficient de Gini (2020) | 34,9 %[7] |
Indice d'inégalité de genre (2021) | 0,057[6] (14e) |
Indice de performance environnementale (2022) | 56,6[8] (27e) |
Code ISO 3166-1 |
ESP, ES |
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Domaine Internet | .es, .eu[alpha 1] |
Indicatif téléphonique | +34 |
Code sur plaque minéralogique | E |
Organisations internationales |
ONU : OTAN : UE : COE : ESA : BAD : AIIB : OEI : OSCE : UPM : |
L'Espagne est bordée au nord-est par les Pyrénées, qui constituent une frontière naturelle avec la France et l'Andorre ; à l'est et au sud-est par la mer Méditerranée, au sud-sud-ouest par le territoire britannique de Gibraltar et le détroit du même nom, ce dernier séparant le continent européen de l'Afrique. Le Portugal est limitrophe de l'Espagne à l'ouest tandis que l'océan Atlantique borde le pays à l'ouest-nord-ouest ; enfin le golfe de Gascogne baigne le littoral nord. Le territoire espagnol inclut également les îles Baléares en Méditerranée, les îles Canaries dans l'océan Atlantique au large de la côte africaine, et deux villes autonomes en Afrique du Nord, Ceuta et Melilla, limitrophes du Maroc.
L'Espagne en tant que pays est née de l'union dynastique au XVe siècle de deux États souverains, les Couronnes de Castille et d'Aragon — elles-mêmes construites tout au long du Moyen Âge par l'union ou la conquête d'entités politiques, culturelles et linguistiques initialement distinctes, qui se retrouvent dans les multiples nationalités historiques reconnues par la Constitution actuelle de l'État espagnol — et de l'absorption en 1492 du royaume de Grenade et en 1512 de la partie ibérique du royaume de Navarre. Cet ensemble devient un État unitaire en 1715-1716 par la dissolution des deux Couronnes en application des décrets de Nueva Planta. La monarchie catholique espagnole, qui possède alors un immense empire colonial, est, du XVe siècle au début du XIXe siècle, une grande puissance politique et économique. Elle connaît notamment un important rayonnement culturel dans toute l'Europe durant le Siècle d'or espagnol (XVIe siècle-XVIIe siècle). L'influence espagnole a décliné tout au long du XIXe siècle et au début du XXe siècle avec la perte de ses colonies, la montée des nationalismes et la multiplication des crises politiques, économiques et sociales qui culminent avec la guerre civile de 1936 à 1939 suivie d'une longue période de dictature franquiste, conservatrice, militariste et nationale catholique de 1939 à 1975.
À la suite de la transition démocratique ouverte à la mort de Francisco Franco en 1975 et au mouvement culturel qui l'a accompagnée, la Movida, l'Espagne est devenue une monarchie constitutionnelle au régime démocratique parlementaire.
C'est un pays développé doté de la quinzième plus forte économie mondiale par PIB nominal (selon les données du FMI d')[9] et d'un niveau de vie « très élevé ». C'est un membre de l'Organisation des Nations unies, de l'Union européenne, de l'Union latine, de l'OTAN, de l'OCDE et de l'OMC.
Les populations autochtones de la péninsule Ibérique s'appelaient les Ibères. D'après les éléments livrés par l'archéologie et les recherches les plus récentes, il semble falloir abandonner l'idée que les Ibères soient un peuple migrateur venu d'Afrique. Les Ibères connaissent un développement qui prend sa source au début du Ier millénaire av. J.-C. et se termine avec la conquête romaine dans le courant du IIe siècle av. J.-C.[10]. Leur territoire, qui a pu selon les époques représenter l'essentiel des côtes du Levant espagnol ainsi que la partie occidentale du littoral méditerranéen de la Gaule a en réalité connu des peuplements diversifiés[11]. La géographie et le climat ainsi que certaines interactions avec d'autres peuples peuvent expliquer cela[12].
Les premières populations ibériques à s'affirmer sont identifiées au sud de la péninsule. Celles-ci semblent avoir dès le début du Ier millénaire av. J.-C. su exploiter les richesses minières de leurs sols, afin d'en faire commerce avec d'autres populations méditerranéennes, et en particulier les Phéniciens puis les Carthaginois[13]. C'est dans cette région qui comprend l'essentiel de l'Andalousie actuelle et qui s'articule autour du bassin du Guadalquivir que va se développer la culture tartessienne, qui utilise une langue, une écriture, une culture et une organisation sociale et politique distincte de celle des peuples voisins, avec une forte influence phénicienne. Les troubles géopolitiques qui affecteront le Proche-Orient durant le VIe siècle av. J.-C. ralentiront ces échanges, et à partir de cette époque environ augmentera la visibilité des régions du nord de l'Ibérie : la région de l'Èbre. Cette région, d'un caractère plutôt agricole en regard des territoires du Sud, miniers, connaîtra un développement singulier et des relations avec les peuples du nord de la mer Méditerranée : Gaulois, Grecs, et plus tard Romains. Les peuples ibères développent différents systèmes d'écriture, dont l'écriture ibérique sud-orientale et l'écriture ibérique nord-orientale.
À ce peuplement ibérique vont s'agréger au nord et à l'ouest des populations celtes, qu'on appelle les Celtibères, à partir du XIIIe siècle av. J.-C. Ils adaptent l'écriture ibérique nord-orientale à leur langue, donnant ainsi naissance à l'écriture celtibère.
À partir du IXe siècle av. J.-C., des comptoirs sont fondés sur les rivages méditerranéens par les Phéniciens — essentiellement sur le littoral sud, Gadès (actuelle Cadix), Malakka (Malaga), Onoba (Huelva), Sexi (Almuñécar), Ibossim (Ibiza), ou encore, en Afrique du Nord, Russadir (Melilla), par exemple —, les Grecs — surtout sur la côte orientale, Empúries (près de Gérone) par les Phocéens, Hēmeroskopeion (Dénia) par des Massaliotes, par exemple — et les Carthaginois — avec Qart Hadasht (Carthagène), Abyla (actuelle Ceuta) de l'autre côté du détroit de Gibraltar, ou encore Akra Leuka (Alicante), Mahon (sur Minorque).
Les Romains conquirent la péninsule au IIe siècle av. J.-C., conséquemment à leur victoire sur Carthage lors de la deuxième guerre punique. En , ceux-ci divisent les territoires ibériques qu'ils viennent de conquérir en deux provinces : l'Hispanie citérieure au nord, avec l'ancienne cité égéenne puis ibère de Tarraco (Tarragone), devenue un campement et une colonie romaine, comme capitale, et l'Hispanie ultérieure au sud, avec Corduba (Cordoue), un ancien site de peuplement ibère devenu une place forte punique, pour capitale. Ils romanisent les plus importants centres urbains préexistants de la côte méditerranéenne qu'ils ont conquis, et fondent des colonies romaines ex nihilo (par exemple, Italica dès pour des vétérans de la deuxième guerre punique). La Celtibérie est conquise à partir de , grâce à l'appui d'un peuple rival, installé plus au nord dans les régions pyrénéennes, les Vascons, mais l'avancée des Romains et de leur culture s'y révélera plus lente, en raison de la résistance et des révoltes fréquentes des Celtibères (comme en témoigne la guerre contre Numance de 153 à ), ne se terminant qu'en avec Auguste. La péninsule Ibérique est également l'un des terrains de bataille des guerres civiles de la fin de la République romaine, notamment lors de la guerre sertorienne opposant les partisans de Caius Marius alliés aux Ibères sous le commandement de Quintus Sertorius à Rome désormais contrôlée par Sylla, de 83 à C'est également en Hispanie que se joue en partie la guerre civile entre César et Pompée, les deux provinces étant initialement fidèles à ce dernier et où Jules César mène deux campagnes victorieuses, la première en et la seconde après la mort de Pompée, contre les derniers chefs des Républicains (le fils de Pompée, Pompée le Jeune, et un ancien lieutenant de César, Titus Labienus), de 46 à Lors de la réorganisation de la gestion de l'empire par Auguste en , celui-ci s'attribue les trois nouvelles provinces qu'il vient de créer en Hispanie, qui deviennent ainsi des provinces impériales, afin de parachever la conquête puis la pacification de la péninsule (ce qui est fait en après une campagne contre les peuples celtibères des Cantabres et des Astures au nord).
L'Hispanie citérieure ou Tarraconaise, du nom de sa capitale Tarraco, la plus étendue, au nord et à l'est, est celle où se concentre l'effort de conquête puis de pacification des Celtibères. Elle est dirigée par un légat d'Auguste propréteur de rang consulaire et six légions y sont initialement implantées pour la conquête (la Legio II Augusta jusqu'en , la Legio I Germanica jusqu'en , la Legio III Macedonica jusqu'en 43, la Legio VI Victrix jusqu'en 68, la Legio IX Hispana jusqu'en , la Legio X Gemina jusqu'en 63). Après la victoire d'Auguste en et la fin des campagnes, trois légions y sont laissées en garnison : la Legio III Macedonica peut-être à Pisoraca (es) (Herrera de Pisuerga) ; la Legio VI Victrix à Legio (León) ; la Legio X Gemina à Petavonium (Rosinos de Vidriales (es)). Après 63 et jusqu'à la chute de l'Empire romain, il n'en reste plus qu'une, en garnison à Legio : la Legio VI Victrix vite remplacée par la Legio VII Gemina fondée en 68. Auguste a également fondé dans la province plusieurs colonies romaines pour vétérans : par exemple, Caesaraugusta (Saragosse), qui se mêle ainsi à la population ibère déjà installée dans la cité préexistante de Salduie. L'essor économique de cette province est assuré par l'exploitation de l'étain dans les Asturies et par la production de blé, de vin et d'huile d'olive, denrées exportées vers Ostie depuis les ports de la côte orientale dont surtout Tarraco et Carthago Nova (Carthagène). À la suite de la réorganisation de l'empire menée par Dioclétien entre les années 284 et 305, cette province d'Hispanie citérieure est la seule de la péninsule ibérique à connaître des modifications territoriales en étant divisée en trois : la Tarraconaise avec Tarraco au nord-est, correspondant plus ou moins aux communautés actuelles de Catalogne, d'Aragon, de Navarre et du Pays basque, conservant Tarraco comme capitale ; la Gallaecia ou Gallécie au nord-ouest, avec les communautés autonomes actuelles de Galice, des Asturies et les provinces espagnoles actuelles de León et de Zamora, ainsi que le nord du Portugal, avec Bracara Augusta (Braga) comme capitale et qui conserve l'unique légion d'Hispanie ; la Carthaginoise, au centre et à l'est de la péninsule, sur les territoires actuels de la communauté valencienne, de l'est de l'Andalousie, de la Murcie et d'une grande partie de la Castille, avec Carthago Nova (Carthagène) comme capitale.
La Bétique, qui tire son nom du fleuve Betis (aujourd'hui le Guadalquivir), correspondant plus ou moins à l'actuelle Andalousie au sud, avec Corduba pour capitale. Pacifiée et déjà largement romanisée, avec un réseau dense de cités (175, dont neuf colonies, du temps de Pline l'Ancien[14]), elle est rétrocédée par Auguste au « peuple romain » vers 16 ou , devenant ainsi une province sénatoriale gouvernée par un propréteur. Aucune légion n'y est jamais implantée, et cette province n'a connu que peu de troubles jusqu'au Ve siècle, à l'exception d'une expédition de Maures révoltés venus d'Afrique du Nord vers 180. Elle est également riche sur le plan économique, avec l'essentiel des ports intégrés au commerce impérial, et grâce à l'exploitation minière ou encore la production et l'exportation du garum (par exemple à Baelo Claudia).
La Lusitanie, à l'ouest, correspondant en grande partie à l'actuel Portugal et à certaines régions du León et de l'Estrémadure espagnol. Elle est dirigée par un légat d'Auguste propréteur de rang prétorien, chargé à l'origine de pacifier et de contrôler les Lusitaniens, mais sans disposer d'aucune légion. La province reste pour autant paisible jusqu'à la chute de l'Empire romain d'Occident, et connaît, comme la Bétique voisine, une certaine prospérité économique grâce à l'exploitation minière (notamment du cuivre et de l'argent, par exemple avec la mine de Vipasca à Aljustrel) ou à la production et à l'exportation du garum. La colonie de vétérans d'Emerita Augusta (Mérida) en devient la capitale.
L'Hispanie est, à la fin de la République romaine et au début du Principat, l'une des régions de l'empire les plus romanisées. Ainsi, lorsque les Romains occupent les Îles Baléares en , 3 000 hispaniques parlant latin s'y installent. Le culte impérial s'y diffuse de manière d'autant plus précoce - les plus anciens autels dédiés à un culte d'Auguste en Occident, les trois Arae sestianae ou Arae Augusti, sont attestés dans le nord-Ouest de la Tarraconaise de son vivant, vers [15] - et d'autant plus rapidement que, comme l'a démontré Robert Étienne, les peuples de la péninsule ibérique (tout particulièrement les Celtibères et les Lusitaniens) pratiquaient déjà un culte au chef, ce dernier, considéré comme doté d'une aura surhumaine, pouvant exiger au combat de ses hommes une dévotion allant jusqu'au don de leurs vies[16]. L'Hispanie est également l'un des maillons importants du commerce impérial, ce qui favorise les échanges avec les autres régions d'Europe et la richesse économique de la péninsule qui exporte des produits miniers (argent, plomb, or), des céréales, de l'huile, du vin et du garum.
Vespasien (69-79) a octroyé le droit latin à l'ensemble des cités d'Hispanie, généralisant ainsi le modèle institutionnel et juridictionnel du municipe latin dans la péninsule et permettant l'accès à la citoyenneté romaine des anciens magistrats de ces cités. Des familles de l'élite hispanique s'intègrent progressivement à l'élite impériale romaine : le philosophe et conseiller impérial Sénèque ainsi que son neveu le poète Lucain sont issus d'une famille de Corduba ayant accédé à l'ordre équestre ; grâce à ces derniers, le poète Martial, originaire d'une petite ville de Tarraconaise, connaît une ascension sociale et devient chevalier sous Domitien ; l'empereur Trajan (98-117) est un descendant de colons italiens d'Italica ; son fils adoptif et successeur, Hadrien (117-138), est issu par son père de la même gens d'Italica, et par sa mère d'anciens colons puniques romanisés de Gadès ; Théodose Ier (379-395) naît dans une famille de l'aristocratie impériale installée à Cauca (Coca), près de Ségovie, et l'un de ses co-empereurs, Maxime (384-388), est également originaire de Tarraconaise.
Le latin est la base linguistique d'où seront issues la plupart des langues parlées aujourd'hui dans la péninsule (castillan, catalan, galicien, aragonais, portugais). Le droit romain continue également, contrairement à d'autres régions de l'Europe occidentale, à être appliqué après la chute de l'Empire et va fortement influencer les coutumes et normes juridiques du droit wisigothique puis du droit féodal dans les royaumes chrétiens espagnols. La christianisation s'est faite relativement rapidement à partir du IIe siècle, du littoral vers l'intérieur des terres, grâce à la présence romaine, et est terminée au IVe siècle.
Lors de la chute de l'Empire romain au Ve siècle, des barbares germaniques, les Suèves, les Vandales et les Wisigoths envahirent l'Espagne. Les Vandales, installés momentanément au sud de la péninsule passèrent rapidement en Afrique du Nord (actuelle Tunisie) et les Wisigoths imposèrent leur loi jusqu'à la conquête musulmane. Ils conquièrent définitivement ce qui reste du Royaume suève au nord-ouest en 584, puis la province byzantine de Spania (actuelles régions d'Andalousie et du Levant) en 624. Seules une bande littorale et montagnarde au nord, peuplées par les Cantabres, les Astures et les Vascons, romanisés et christianisés, vont échapper à leur contrôle. Les traditions romaines et méditerranéennes sont conservées. À partir du VIIe siècle, si les habitants sont tous qualifiés de « Goths » (Gothi), c'est pour les distinguer des « Romains » (Romani) ou Byzantins. Jusqu'au VIIe siècle, on distingue principalement dans le royaume, les Gothi (c'est-à-dire les Wisigoths) des indigènes hispano-romains (Hispani). Avec la conversion officielle des Wisigoths au catholicisme (589), la multiplication des mariages mixtes, et l'abolition de la personnalisation des lois par la promulgation d'un corpus législatif commun (le Liber Iudiciorum en 654), ces différences s'atténuent. Le terme de Gothi finit par perdre son sens ethnique pour s'appliquer à la classe dirigeante du royaume (peut-être dominée par des Goths), toutes origines confondues. Le roi Chinthila (636-639) est à l'origine d'un édit stipulant que seul un « Goth » peut monter sur le trône wisigothique.
Christianisés avant l'invasion, les Wisigoths sont initialement des adeptes de l'arianisme jusqu'au IIIe concile de Tolède en 589 lors duquel le roi wisigoth d'Hispanie Récarède fait adopter à l'Église ibérique l'orthodoxie nicéenne. L'Espagne wisigothique, avec des centres importants tels Tolède (la capitale à partir de 554), Séville, Barcelone, Mérida, Cordoue ou Saragosse, devient un conservatoire de la culture antique et le cadre d'une importante activité intellectuelle et religieuse, tout particulièrement incarnée par l'œuvre de l'évêque Isidore de Séville. Le IVe concile de Tolède de 633, présidé par ce dernier, unifie la liturgie dans l'ensemble du royaume, et le système politico-religieux alors établi, fondé sur une association étroite entre roi et évêques, plaçant les seconds sous l'autorité du premier tout en mettant celui-ci à la disposition et sous le contrôle des évêques, sera repris par l'Église carolingienne. Le pays se spécialise dans les compilations et les florilèges, tout en produisant des œuvres originales en histoire, en droit et en théologie. Les écoles fondées par les évêques, qui transmettent la culture classique, forment aussi bien des clercs et des laïcs, et de nombreux actes de vente conservés sur ardoise témoignent de la diffusion de l'écriture dans les communautés rurales. Les Hispaniques du VIIe siècle continuent à vivre dans des villas de type romain, décorées de fresques, au centre de vastes domaines agricoles ou artisanaux. Ils construisent des églises de plan basilical ou cruciforme, dont seuls nous sont parvenus quelques modestes exemples ruraux. Les architectes utilisent l'arc outrepassé, tandis que les sculpteurs abandonnent la représentation de la figure humaine au profit de motifs géométriques, végétaux et animaux où se mêlent les influences romaine, byzantine et orientale. L'orfèvrerie connaît un grand essor, notamment dans l'atelier royal d'où sortent croix et couronnes votives qui, comme à Byzance, sont suspendues au-dessus des autels.
Les Arabo-Berbères, menés par Tariq ibn Ziyad, conquirent le pays en 711. En 756, l'Espagne musulmane (al-Andalus) prit son indépendance, sous le règne des Omeyyades de Cordoue. En 929, le pays se transforme en califat. Au XIe siècle, le califat s'effondre et se fragmente en micro-États, les taïfas ; on en comptera jusqu'à 25. Une certaine unité est retrouvée avec la conquête d'al-Andalus par la dynastie berbère des Almoravides de 1086 à 1142, puis avec celle des Almohades de 1147 à 1212. Al-Andalus se morcelle alors à nouveau en plusieurs taïfas.
Quoi qu'il en soit, malgré ces divisions politiques, al-Andalus est l'un des pôles de l'âge d'or de l'islam entre le milieu du VIIIe siècle et le milieu du XIIIe siècle, avec des centres au rayonnement culturel important tels que Cordoue, Grenade ou Séville. Une Convivencia ou « Coexistence » s'installe entre communautés musulmanes, chrétiennes et juives, favorisant des échanges culturels et une relative tolérance religieuse à l'égard des dhimmi. Les chrétiens arabisés ou Mozarabes, nombreux dans les villes de Tolède, Cordoue, Séville et Mérida, développent une liturgie, une production artistique et une culture mélangeant maintien des traditions et des rites ibères ou wisigoths et influence arabo-musulmane. Ils conservent, comme les muladi (anciens chrétiens convertis à l'islam et leurs descendants, ou métis d'origines arabo-berbères et ibéro-wisigothiques), au moins jusqu'au Xe siècle (époque où s'intensifie le processus d'acculturation et de substitution linguistique au profit de l'arabe, ainsi que de conversion à l'islam), leurs dialectes romans, transcrits en graphie arabe (aljamiado) et qui sont également pratiqués par les colons arabo-berbères. La plupart de ces spécificités de la communauté mozarabe vont perdurer ou influencer (et être influencées en retour) la culture et la liturgie grégorienne et clunisienne des chrétiens du Nord après la Reconquista.
Il se met également en place un âge d'or de la culture juive en Espagne, avec le développement de la culture séfarade, la transformation de la péninsule ibérique en pôle majeur du judaïsme européen au Moyen Âge et la participation active de savants juifs au rayonnement scientifique, artistique et intellectuel d'al-Andalus et aux transferts culturels entre civilisations antiques, arabo-musulmanes, hébraïques et chrétiennes. Certains représentants de ces minorités religieuses - de manière néanmoins très exceptionnelle - sont intégrés au pouvoir politique : Hasdaï ibn Shaprut, au Xe siècle, médecin juif du calife Abd al-Rahman III, exerce en réalité auprès de lui et de manière officieuse une fonction de vizir ; Samuel ibn Nagrela, au siècle suivant, grammairien, poète et talmudiste juif, est vizir et chef des armées du royaume de Grenade. Toutefois, cette « coexistence » est entrecoupée de périodes de durcissements des autorités musulmanes vis-à-vis des dhimmi : une révolte chrétienne entre 852 et 886 entraîne une répression brutale notamment à Cordoue, Burgos, Urbiena et Zamora ; le , un important massacre de la population juive a lieu à Grenade. À partir de la fin du XIe siècle, les Almoravides puis les Almohades pratiquent une politique de propagation d'un islam strict et sont donc moins tolérants à l'égard des minorités religieuses.
Les chrétiens, réfugiés dans le nord au sein du royaume des Asturies ou dans la Marche d'Espagne de l'Empire carolingien, profitèrent de l'affaiblissement musulman lié à l'éclatement politique d'al-Andalus et entamèrent la Reconquista (Reconquête en espagnol) qui prit fin en 1492 avec l'élimination du dernier bastion musulman, le royaume de Grenade, sous le règne des rois catholiques. Les campagnes des « empereurs de toute l'Hispanie » (Imperatores totius Hispaniae : Sanche III de Navarre, Ferdinand Ier le Grand et Alphonse VI le Brave de León et de Castille, Alphonse Ier le Batailleur d'Aragon puis Alphonse VII l'Empereur de Castille) de 1034 à 1157, du Cid Campeador dans les années 1080 et 1090, les prises de Tolède en 1085 ou de Saragosse en 1118, la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212, l'expansion aragono-catalane menée par Jacques Ier le Conquérant à Majorque en 1229 et à Valence en 1238, les conquêtes castillanes de Cordoue en 1236, de Murcie en 1243, de Jaén en 1246 et de Séville en 1248, et finalement l'entrée des rois catholiques à Grenade en 1492, marquent les événements militaires les plus importants de cette Reconquista.
Celle-ci s'accompagne d'une politique de « repeuplement » ou colonisation des terres de l'ancien al-Andalus ainsi reconquises par l'installation de populations chrétiennes venues des régions septentrionales notamment pyrénéennes, pauvres et surpeuplées, issues des communautés mozarabes s'étant réfugiées au Nord pour fuir les persécutions ou originaires du nord des Pyrénées (les Francos). Toutefois, dans de nombreuses régions, surtout en Murcie, dans le royaume de Valence, aux Baléares ou dans la vallée de l'Èbre, d'importantes communautés musulmanes se maintiennent. Ces Mudéjares, essentiellement des paysans pratiquant une culture d'irrigation mais aussi des artisans spécialisés dans la maçonnerie ou l'industrie textile de la soie, peuvent continuer à pratiquer leur religion, leurs langues et leurs coutumes avec plus ou moins d'autonomie jusqu'à la fin du XVe siècle. Il en est de même pour les communautés juives séfarades. Des soulèvements de Mudéjares, notamment à Valence en 1248 puis 1275, ou en Andalousie en 1264, entraînent des expulsions ou conversions forcées et donc le dépeuplement de certaines zones telles que la vallée du Guadalquivir en Andalousie ou au sud du royaume de Valence, dans la région d'Alicante. Les conquérants construisent ou transforment palais (Palacio de Galiana à Tolède, Alcazar de Séville, Palais de l'Aljaferia à Saragosse, Palais royal de l'Almudaina à Majorque), lieux de culte (cathédrale Santa Maria de Tolède, mosquée-cathédrale de Cordoue, cathédrale Santa Maria de Valence, cathédrale de Palma de Majorque, cathédrale de Santa María de la Sede de Séville) et bâtiments en développant un syncrétisme architectural et artistique, l'art mudéjar. Tolède devient, à partir du XIIe siècle, un important centre de traduction d'ouvrages scientifiques (en mathématiques, médecine, astronomie, par exemple), littéraires ou philosophiques du grec, de l'arabe ou de l'hébreu au latin. Barcelone ou Murcie sont d'autres importants centres de traduction et de circulation de savoirs scientifiques et techniques.
Les Royaumes chrétiens connaissent également une certaine prospérité économique, dans le contexte de la « Renaissance du XIIe siècle » qui touche alors l'Occident. Aux exportations traditionnelles de la péninsule ibérique durant l'Antiquité (vin, de Ribadavia en Galice par exemple, ou huile), s'ajoutent celles de productions nouvelles, héritées d'al-Andalus ou de l'évolution des techniques artisanales : de la métallurgie (armes de Tolède) ou de l'habillement, de la tannerie et du textile (le cuir de Cordoue, la soie de Grenade, Tolède, Séville ou Valence, laines de Castille et de León, draps du nord de la Catalogne notamment de Barcelone, de Perpignan ou de Villefranche-de-Conflent). L'afflux de pèlerins venus de toute la chrétienté occidentale vers Saint-Jacques-de-Compostelle assure également l'essor de cette ville et de la Galice. Barcelone surtout mais aussi Valence sont des pôles importants du commerce méditerranéen, la Couronne d'Aragon ayant établi, entre le XIIIe siècle et le XVe siècle, une véritable thalassocratie en Méditerranée occidentale, capable de rivaliser avec les Républiques maritimes italiennes. La Galice, pour sa part, entretien des liens commerciaux étroits avec d'autres régions du littoral atlantique, notamment l'Aquitaine, la Normandie et l'Angleterre.