Le massacre de Lisbonne en 1506 s'applique à traquer, torturer, violer, tuer et brûler environ deux milliers de Juifs, récemment convertis de force au catholicisme, par la foule portugaise catholique durant trois jours d'avril[3].
Document administratif avec signatures de juifs conversos, XV-XIX s. (Palacio de los Olvidados)
Ils sont également persécutés par l'antijudaïsme de l'Inquisition, jugés, parfois «réconciliés» mais le plus souvent condamnés à différentes peines allant jusqu'au bûcher. Une particularité est qu'ils peuvent l'être jusqu'à plusieurs décennies après leur mort[4],[5]; leur procès s'instruit alors «en memoria y fama» et leur relaxation (un euphémisme pour «condamnation à être brûlé sur le bûcher») ou tout autre condamnation sont obtenues «en effigie» (soit par contumace) dont l'exécution en effigie (où l'on peut déterrer et brûler leurs os) mais tous leurs biens sont effectivement confisqués et leur famille ainsi ruinée, car les raisons économiques motivent souvent ces procès post mortem[5],[4],[6].
À la fin du XVesiècle jusqu'au milieu du XVIesiècle, les judéo-convers représentent 90% des cas traités par la Congrégation du Saint-Office à Valence[4]. Dans cette documentation inquisitoriale, les conversos apparaissent également sous d'autres appellations en castillan ou en valencien: «tornadizo, judío, cristiano nuevo, que primero fue judío, novament convertit, cristiá novel»[7].
Les historiens spécialistes des judéo-convers «tendent à penser que la grande originalité de la famille conversa réside dans son caractère nettement endogamique, alors que les mariages mixtes relèvent le plus souvent de l’exception»[8],[9]. Toutefois, contrairement à ce que soutient l'historien Israël Revah(es)[10], d’autres comme Joseph Pérez, Márquez Villanueva(es) ou encore Romano i Ventura(ca) dans le cas de Valence, «pensent qu’en marge des tendances hétérodoxes…, on ne peut nier qu’il existe dans l’Espagne du XVesiècle une majorité de conversos qui ont embrassé sincèrement la cause du catholicisme»[11].
Cette partie des conversos, devenus sincèrement catholiques, désapprouvent les marranes parce que ceux-ci, de leur point de vue, déshonorent l'ensemble des «nouveaux chrétiens» dans la mesure où ce nouvel état est souvent synonyme de crypto-judaïsme. Plusieurs de ces conversos font d'ailleurs partie de l'Inquisition, notamment parmi les franciscains et les dominicains. Certains prennent une part active dans les controverses et disputations contre les juifs[12].
José Faur(en) répartit les Juifs converses et leurs descendants selon la perception et l'attitude religieuses[13],[14],[15]:
Conversos d'esprit chrétien: ils aimeraient rester chrétiens et n'avoir plus rien à voir avec le judaïsme
Antoine de Louppes de Villeneuve, le grand-père maternel de Michel Eyquem de Montaigne (philosophe et humaniste), aurait été authentiquement un converso (sa conversion au christianisme était, semble-t-il, sincère pour l'époque). Le père d'Antoine de Louppes, Juan Garcia Lopez de Villanueva, ne serait autre que Meyer Moshé Paçagon, riche grossiste de chiffons et d'étoffes de Calatayud (Espagne) et qui aurait changé de nom après son baptême au début du XVesiècle[17]. Cependant, l’origine juive de la mère de Montaigne est contestée; avant les recherches du XIXesiècle, il n’a jamais été fait mention de cette «filiation»[18],[17].
La famille du chrétien Juan Luis Vives («polygraphe de génie»[25], philosophe et humaniste) doit se convertir en 1391 puis est poursuivie par l'Inquisition pour crypto-judaïsme; ses parents sont brûlés, son père vif et les restes de sa mère après qu'ils ont été déterrés 21 ans après sa mort; ses deux sœurs ne peuvent plus prétendre revendiquer leur droit sur la dot de leur mère ni à quelconque bien de leurs deux parents, confisqués par le Trésor royal[26],[27],[5].
David Ricardo (1772-1823) est issu d'une famille de financiers juifs portugais installée d'abord aux Pays-Bas, puis en Angleterre juste avant sa naissance.
Camille Pissarro (1830-1903) est un peintre dont le père, Abraham Frederic Gabriel Pissarro, était un Juif portugais né à Bragance, qui avait émigré à Bordeaux à la fin du XVIIIesiècle, alors qu'il était encore enfant. Camille Pissarro est le père du peintre Lucien Pissarro.
Pierre Mendès France (1907-1982) est issu d'une famille de vieille ascendance judéo-portugaise du nom de «Mendes de França», installée à Bordeaux, Rochefort, Louviers et Paris.