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club d'influence De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le groupe Bilderberg, aussi appelé conférence de Bilderberg ou club Bilderberg, est un rassemblement annuel et informel d'environ cent trente personnes, essentiellement des Américains et des Européens, composé en majorité de personnalités de la diplomatie, des affaires, de la politique et des médias. Le forum possède des bureaux à Leyde, aux Pays-Bas.
Groupe Bilderberg | |
L'hôtel De Bilderberg, à Oosterbeek (Pays-Bas), où s'est tenue la première conférence Bilderberg en 1954. | |
Situation | |
---|---|
Création | 1954 |
Siège | Leyde (Pays-Bas) |
Organisation | |
Membres | 130 |
Président | Henri de Castries |
Personnes clés | Joseph Retinger Paul Van Zeeland David Rockefeller Bernhard de Lippe-Biesterfeld Henri de Castries |
Site web | bilderbergmeetings.org |
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Le forum est inauguré en à Oosterbeek aux Pays-Bas, lors d'une réunion à l'hôtel Bilderberg, qui donnera le nom[1].
Sa non-médiatisation et la non-divulgation du bilan des conférences annuelles posent régulièrement la question du droit à l'information concernant la population mondiale, alimentant ainsi les craintes par rapport au devoir de transparence des décideurs politiques et économiques.
Dans les années 1950, l'ancien diplomate polonais Joseph Retinger et Andrew Nielsen, inquiets de la montée de l'antiaméricanisme en Europe occidentale alors que la guerre froide fait rage, conçoivent l'idée d'un forum international où les dirigeants européens et nord-américains pourraient se réunir pour discuter du développement de coopérations en matières militaire, économique et politique[2]. Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères explique : « À l'époque, le but était de convaincre les dirigeants européens et américains de resserrer les liens et de ne pas baisser la garde face à la puissante Union soviétique »[3].
Joseph Retinger expose l'idée au prince Bernhard des Pays-Bas qui lui fait un accueil favorable, ainsi que l'ex-Premier ministre belge Paul Van Zeeland et le dirigeant de l'époque du groupe de produits de grande consommation Unilever, le Néerlandais Paul Rijkens. Le prince Bernhard contacte pour sa part le général Walter B. Smith, alors directeur de la CIA, qui demande au conseiller d'Eisenhower, Charles Douglas Jackson, d'examiner la proposition[4].
Chaque pays devait compter deux invités, représentant la majorité et l'opposition dans chacun d'entre eux[2]. Une réunion préparatoire est organisée le , à l'hôtel particulier de François de Nervo, dans le 16e arrondissement de Paris[5], en présence de Retinger, Van Zeeland, le prince Bernhard, Antoine Pinay (président du conseil et ami du baron de Nervo) et Guy Mollet (patron de la SFIO) et plusieurs personnalités étrangères. Parmi celles-ci se trouvent le Britannique Colin Gubbins (ancien général du Special Operations Executive contre l'occupant nazi), le Néerlandais Joseph Luns (ex-secrétaire général de l'OTAN) et le Danois Ole Bjørn Kraft (ancien ministre de la Défense et président du Conseil de l'Atlantique)[5].
La conférence inaugurale se tient deux ans plus tard à l'hôtel De Bilderberg, situé à Oosterbeek, dans l'est des Pays-Bas, du 29 au . Cinquante délégués en provenance de onze pays d'Europe occidentale y assistent, aux côtés de onze Américains dont David Rockefeller[6]. La réussite de l'événement décide les organisateurs à organiser cette conférence sur une base annuelle. Un comité directeur permanent est mis en place, avec Retinger comme secrétaire permanent.
Les conférences ont eu lieu en France, en Allemagne et au Danemark les trois années suivantes. Puis, en 1957, la première conférence outre-Atlantique, sur l'île de Saint-Simon, a été organisée. Elle a été financée à hauteur de 30 000 dollars par la Fondation Ford, qui financera également les conférences de 1959 et de 1963[4],[5].
La conférence de Bilderberg est organisée chaque année au mois de mai ou juin par le comité directeur, qui comprend un président et un secrétaire général honoraire. Il n'est pas possible d'être membre du groupe Bilderberg car les invités ne le sont que de manière ponctuelle. Les seuls membres permanents à proprement parler sont ceux du comité directeur, dont le président est l'assureur français Henri de Castries.
En 1976, un scandale de corruption, impliquant le prince Bernhard qui favorisait le groupe d'armement américain Lockheed auprès de l'armée néerlandaise, en marge du sommet et contre rétribution, faillit mettre fin aux réunions ; la conférence survit toutefois et le prince fut remplacé à la tête du comité directeur par Alec Douglas-Home, ancien Premier ministre britannique[3].
Le poste de président du comité directeur a été successivement occupé par :
Date | Nom | |
---|---|---|
1 | 1954-1975 | Bernhard de Lippe-Biesterfeld |
2 | 1977-1980 | Alec Douglas-Home |
3 | 1981-1985 | Walter Scheel |
4 | 1986-1989 | Eric Roll |
5 | 1990-1998 | Peter Carington |
6 | 1999-2011 | Étienne Davignon |
7 | Depuis 2012 | Henri de Castries |
Chaque conférence a lieu pendant un week-end, dans un lieu généralement communiqué peu de temps auparavant. Les participants, invités par le comité directeur, n'ont pas le droit de sortir de l'hôtel de résidence pendant les deux jours que dure la conférence et ne peuvent pas être accompagnés de leur conjoint ou de leur(s) secrétaire(s). Tous les membres sont assis par ordre alphabétique, sans distinction protocolaire.
Interrogé par le journaliste français Bruno Fay, Nicolas Beytout précise :
« J’ai fait trois Bilderberg. Mais on ne demande pas à participer : on est invité par le comité de direction. Nous sommes installés par ordre alphabétique, il n’y a absolument aucun protocole ni décorum. Des sessions thématiques sont annoncées à l’avance avec deux ou trois orateurs qui font un exposé avant d’ouvrir le débat avec la salle. La confidentialité est un gage très grand de sincérité qui permet aux participants de dire vraiment ce qu’ils pensent[8]. »
Jusque dans les années 1980, l'anglais et le français étaient les deux langues officielles de la conférence de Bilderberg, avant que l'anglais ne devienne la seule langue utilisée[3].
Les débats comprennent un exposé de dix minutes puis trois minutes de questions, sur des thèmes aussi divers qu'« austérité et croissance » ou l'Occident face à l'Iran en 2012 ; seul Henry Kissinger ayant le droit de déborder du temps imparti. Lors de chaque réunion, deux journalistes de The Economist, en tant que greffiers, dressent un compte rendu écrit, lequel n'est pas rendu public ; grâce à la discrétion entourant les discussions, les participants saluent souvent la liberté de ton qui y règne[3].
Sous la présidence d'Henri de Castries, le groupe Bilderberg se dote d'un site Internet qui publie la liste des invités et des thèmes des discussions[9].
Les premières fuites sur l'existence de la conférence couplées à la non-médiatisation des discussions ont alimenté les théories du complot pendant la guerre froide, notamment chez l'essayiste antimaçonnique Roger Mennevée. Dans un article de 1967, celui-ci présente la conférence de Bilderberg comme faisant partie d'une conspiration mondiale visant à instaurer un gouvernement mondial (la « Synarchie ») dirigé par les États-Unis et prévoyant l’abandon des souverainetés nationales[10],[11]. Mennevée soutient que toutes les personnalités françaises qui s’étaient associées au Bilderberg, telles que Georges Pompidou, Antoine Pinay et Guy Mollet, étaient également les opposants les plus résolus à la politique nucléaire du président Charles de Gaulle car le projet atlantiste auquel participait la conférence de Bilderberg ne pouvait se faire sans démanteler la force de dissuasion nucléaire française[11]. Cet article est repris par le journal Libération dix ans plus tard lors de la réunion du groupe Bilderberg à Torquay en 1977[11].
D'après Conspiracy Watch, ce sont « les partisans de Goldwater [lors de la campagne présidentielle américaine de 1964], où l’on trouvait aussi bien des tenants de la droite religieuse que des suprémacistes blancs ou encore les anti-communistes de la John Birch Society, [qui] furent les premiers à dénoncer la famille Rockefeller et le groupe Bilderberg »[12].
Dans son essai Les vrais maîtres du monde publié en 1979, Luis M. González-Mata[13],[14],[15] « alimente la suspicion » contre l'organisation, décrite comme « un groupe opaque où se serait décidé un « nouvel ordre mondial » par le jeu de soutiens ou d’oppositions à des gouvernements, de décision de coups d'État... Mais rien n'a jusqu'à maintenant permis d’étayer l'influence réelle de ce groupe », précisent Les Décodeurs[16].
Dans un livre publié en 1985, Georges-Albert Astre et Pierre Lépinasse (La démocratie contrariée. Lobbies et jeux de pouvoir aux États-Unis) sont persuadés que le groupe Bilderberg exercerait une tutelle sur l'Occident[17].
Denis Healey, l'un des initiateurs de la conférence de Bilderberg de 1954 et membre du comité directeur pendant 30 ans, a expliqué en 2001 :
« Dire que nous cherchions à mettre en place un gouvernement mondial unique est très exagéré, mais pas totalement absurde. Nous autres à Bilderberg pensions qu'on ne pouvait pas continuer à se faire la guerre éternellement et à tuer des millions de gens pour rien. Nous nous disions qu'une communauté unique pouvait être une bonne chose[18]. »
En 2005, Étienne Davignon, autre membre important, en réponse à la BBC qui l'interrogeait sur les théories du complot :
« C'est inévitable, mais à quoi bon ? Il y a toujours eu des gens pour croire aux conspirations, seulement les choses arrivent de façon beaucoup moins cohérente… Quand les gens parlent de nous comme d'un gouvernement mondial secret, je me dis que, si nous sommes ce gouvernement, nous n'avons pas vraiment de quoi être fiers[19]. »
L'ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine :
« Cette idée de complot est une farce. Le Bilderberg réunit des gens du même monde qui se rencontrent dans d'autres cercles[3]. »
L'économiste français Nicolas Baverez :
« Contrairement aux fantasmes, aucune décision n'y est prise. En fait, on est là pour travailler. Les deux jours et demi sont très intenses. De 8 heures à 20 heures, il y a une succession de débats[3]. »
En 2012, le procureur et sénateur italien Ferdinando Imposimato alimente la controverse historique sur l'implication des États occidentaux et de l'OTAN dans les attentats ayant secoué l'Italie des « années de plomb » : dans son livre La Repubblica delle stragi impunite[20] (« La république des massacres impunis »), il défend la thèse de la « stratégie de la tension » mise en œuvre pour renforcer le pouvoir étatique, et dénonce dans celle-ci l'implication directe ou indirecte des réseaux secrets de l'OTAN de l'époque[21], dont les cellules stay-behind italiennes (le « Gladio ») et le groupe Bilderberg.
Le groupe Bilderberg est aussi devenu un authentique objet d'études à partir des années 1979-1980. Dans The Bilderberg and the West, paru en 1980, le chercheur Peter Thompson explique que le forum annuel de Bilderberg est une rencontre entre les dirigeants des multinationales les plus importantes et les figures politiques clés des pays occidentaux, afin de discuter ensemble des grandes problématiques internationales.
En 2009, Frédéric Charpier présente le but des sommets Bilderberg comme une coordination euro-américaine « au nom des principes démocratiques, mais aussi dans l'intérêt du capitalisme »[5]. La même année, l'historienne Chloé Maurel explique que le groupe Bilderberg, dont elle souligne l'absence de transparence, a été créé dans le contexte de la guerre froide pour renforcer la coopération entre les États-Unis et leurs partenaires d’Europe occidentale[22].
L'opacité des décisions prises[pas clair] lors de leurs réunions a été fortement critiquée. En réponse le groupe publie le nom des participants et la teneur de certaines des discussions qui y sont tenues.
En 2003, en réponse à une question parlementaire, le Conseil fédéral suisse précise que :
« les conférences Bilderberg sont un forum d'échange sur les principaux sujets d'actualité dans les domaines les plus divers entre membres de gouvernements, diplomates, personnalités politiques, personnalités économiques, représentants de la science, de la formation, de la presse et d'instituts spécialisés. […] L'objectif de cette conférence privée est une discussion libre et ouverte. Les participants y défendent leur opinion personnelle et n'y parlent pas au nom de leur gouvernement ou de leur employeur. C'est pour cette raison que les organisateurs renoncent à faire de la publicité autour de ces discussions. […] Les participants qui acceptent une invitation personnelle à la conférence se déclarent prêts à renoncer à toute publicité. Du reste, il ne s'agit pas de négociations, mais de discussions qui permettent et favorisent une mise en réseau des idées et des personnes[23]. »
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