Guerre de Corée
conflit impliquant la Corée du Sud soutenue par les Nations Unies et la Corée du Nord soutenue par l'URSS et la République Populaire de Chine / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Du au , la guerre de Corée oppose, la république de Corée (Corée du Sud), soutenue par les Nations unies (dont la république de Chine (Taïwan) à cette époque), à la république populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), soutenue par la république populaire de Chine et l'Union soviétique. Elle résulte de la partition de la Corée à la suite d'un accord entre les Soviétiques, ayant libéré la Mandchourie et le nord de la Corée de l'emprise du Japon, et les Alliés victorieux de la guerre du Pacifique contre le Japon également, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est un des premiers conflits de la guerre froide. La Chine communiste reconquiert Hainan de mars à mai 1950 puis enchaîne avec la conquête de la Corée le mois suivant. Enfin elle parachève son Lebensraum (glacis) avec l'annexion du Tibet le 7 octobre 1950, et la fin des hostilités avec la Mongolie communiste le 5 janvier 1951 (la Mongolie intérieure fut annexée par la Chine le 11 mai 1947 puis partitionnée au sein de la Chine en 1979).
Date |
– (de facto) / En cours (de jure)[note 1] (3 ans, 1 mois et 2 jours / 73 ans, 8 mois et 18 jours) |
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Lieu | Péninsule coréenne |
Casus belli | Invasion de la Corée du Sud |
Issue | Cessez-le-feu, armistice de Panmunjeom ; l’invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord est arrêtée, mise en place de la Zone coréenne démilitarisée (DMZ) ; quelques changements territoriaux le long du 38e parallèle, mais essentiellement uti possidetis. |
Changements territoriaux | La Corée du Nord gagne des territoires à l'ouest, la Corée du Sud à l'est. La Corée du Nord annexe la ville de Gaeseong. |
Corée du Sud
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Total : 941 356–1 139 518 |
Total : 1 826 000 Note : Les chiffres peuvent varier selon les sources. Ces chiffres sont ceux au maximum et ont varié au cours de la guerre. |
Plus de 784 000 Corée du Sud : 137 899 morts au combat 450 742 blessés 24 495 disparus ou capturés[9] États-Unis : 28 morts au combat et 8 disparus[16] |
1 190 000–1 577 000+ Corée du Nord : 215 000 morts, 303 000 blessés, 120 000 disparus ou capturés[12] Chine 315 morts |
Civils tués/blessés (total Coréens) = 2 millions (estimation)[18]
Batailles
Offensive nord-coréenne :
(juin 1950 - septembre 1950)
Contre-offensive de l'ONU :
(septembre 1950 - octobre 1950)
Intervention chinoise :
(octobre 1950 - avril 1951)
Impasse :
(août 1951 - juillet 1953)
Post armistice :
La péninsule coréenne était occupée par l'empire du Japon depuis 1910. Après la reddition du Japon en , les États-Unis et l'Union soviétique se partagèrent l'occupation de la péninsule le long du 38e parallèle, avec au sud des forces américaines d'occupation et au nord des forces soviétiques d'occupation[19].
L'échec de la tenue d'élections libres dans la péninsule en 1948 aggrava la division entre les deux côtés ; le Nord met en place un gouvernement communiste, tandis que le Sud met en place un gouvernement démocratique. Le 38e parallèle devint une frontière politique entre les deux États coréens. Bien que les négociations pour la réunification eussent continué dans les mois précédant la guerre, les tensions s'intensifièrent. Des escarmouches et des raids interfrontaliers persistèrent. La situation se transforma en guerre ouverte lorsque des forces du Nord envahirent le Sud le . En 1950, l'Union soviétique boycottait le Conseil de sécurité des Nations unies en raison de la non-reconnaissance de la république populaire de Chine par celui-ci, la république de Chine (Taïwan) ayant alors son siège au conseil. En l'absence d'un veto de l'Union soviétique, les États-Unis et d'autres pays votèrent une résolution autorisant une intervention militaire en Corée. Les États-Unis fournirent 88 % des 341 000 soldats internationaux qui représentèrent les forces du Sud, complétées par l'assistance de vingt autres pays. Si elle n'amena pas directement de troupes sur le terrain à l'exception de pilotes d'avion, l'Union soviétique fournit une aide matérielle conséquente aux armées chinoise et nord-coréenne.
Le conflit se déroula en quatre phases principales[20] :
- mal préparées, face aux 200 000 soldats nord-coréens bien équipés par les Soviétiques, les forces du Sud accusèrent de lourdes pertes durant les deux premiers mois et, à la mi-, elles se retrouvèrent acculées dans le sud-est de la péninsule, repliées sur le périmètre de Busan ;
- une rapide contre-offensive des forces de l'ONU, dirigées par le général MacArthur, avec un débarquement le à Incheon, non loin de Séoul, repoussa en les Nord-Coréens bien au-delà du 38e parallèle, presque jusqu'au fleuve Yalou, à la frontière chinoise ;
- la république populaire de Chine entra en guerre aux côtés de la Corée du Nord. 1,7 million de « volontaires chinois », commandés par Peng Dehuai, forcèrent les Sud-Coréens et les troupes de l'ONU à se replier derrière le 38e parallèle à la veille de Noël en 1950. En , les communistes reprirent Séoul, reconquise par l'ONU en ;
- au printemps 1951, ce sont les troupes onusiennes qui gagnèrent peu à peu du terrain au nord, et le front s'établit de nouveau aux alentours du 38e parallèle, revenant "peu ou prou" aux positions d'avant le début du conflit.
Les négociations reprirent alors et la guerre ouverte s'acheva le , lorsqu'un cessez-le-feu fut signé. L'accord restaurait la frontière entre les deux Corées près du 38e parallèle et créait la zone coréenne démilitarisée, une zone tampon fortifiée entre les deux nations coréennes. Les deux pays étant encore officiellement en guerre, des incidents continuent de se produire aujourd'hui.
Du point de vue militaire, la guerre de Corée a combiné les stratégies et les tactiques des deux guerres mondiales : elle commença par une rapide campagne offensive d'infanterie suivie de bombardements aériens, mais devint une guerre statique à partir de .
On estime que le conflit a fait plus de 800 000 morts parmi les militaires coréens, nordistes et sudistes[20] et 57 000 parmi les militaires des forces de l'ONU[20]. Le nombre de victimes civiles est estimé à 2 millions et le nombre de réfugiés à 3 millions[20]. La péninsule a été dévastée par les combats et les bombardements ; Séoul fut ainsi détruite à plus de 70 %[20].
Sous l'ère Meiji, de 1868 à 1912, le Japon entame une expansion militaire en Asie, en s'emparant des îles Ryūkyū en 1879, de Taïwan et ses îles environnantes, les Pescadores, la presqu'île du Liaodong après le traité de Shimonoseki mettant fin à la première guerre sino-japonaise en 1895, la péninsule du Liaodong (comprenant Port-Arthur et Dalian), et la moitié méridionale de l'île Sakhaline en 1905, en conclusion de la guerre russo-japonaise puis de l'annexion de la péninsule de la Corée en 1910.
Dès la conférence du Caire en 1943, la libération de la péninsule de la Corée figure parmi les buts de guerre alliés, décision entérinée lors de la conférence de Potsdam en 1945.
À la conférence de Yalta (du au ), Staline avait promis à Roosevelt que l’URSS entrerait en guerre contre le Japon trois mois après la capitulation de l'Allemagne. Lors de la conférence de Potsdam[20], en juillet-, les Alliés avaient convenus qu’en Corée les forces japonaises stationnées au nord du 38e parallèle se rendraient aux Soviétiques et celles qui occupaient le sud aux Américains. Les Soviétiques intervinrent dans le Nord le , le lendemain même de la déclaration de guerre au Japon. Pour leur part, les Américains débarquèrent le suivant, au surlendemain de la proclamation à Séoul d'une éphémère « République démocratique » par les partis de gauche à majorité communiste qui avaient été actifs dans la résistance à l'occupation japonaise[note 2].
Après les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, l'offensive soviétique de la Mandchourie balaye le Japon du territoire libérant ainsi le nord de la péninsule.
Le , le Japon capitule. La division de la Corée en deux zones le long du 38e parallèle, l'une soviétique, l'autre américaine, est adoptée afin d'organiser le désarmement des forces japonaises présentes dans la région.
Cependant, ni les États-Unis, ni les Soviétiques, ni a fortiori les Coréens eux-mêmes ne considéraient comme définitive la partition de facto de la péninsule coréenne qui découlait de la double présence américaine et soviétique : en effet, une commission mixte américano-soviétique se mit en place dès , mais ses travaux n'aboutirent pas en raison de la tension croissante entre les deux superpuissances. En , les Américains portèrent la question coréenne devant les Nations unies. L’Assemblée générale de l'organisation désigna alors une commission chargée d’organiser et de superviser des élections libres en tant que préliminaires à la formation d’un gouvernement national. Toutefois, les Soviétiques, qui considéraient les Nations unies comme une organisation liée aux États-Unis (avant la décolonisation, la plupart de ses membres appartenaient au bloc occidental), refusèrent d’admettre la commission dans leur zone d’occupation.
Les partis de gauche de tout le pays, ainsi que des organisations nationalistes antiaméricaines, se réunirent à Pyongyang en et décidèrent le boycottage de ces élections. Celles-ci ne furent finalement organisées que dans la zone occupée par les États-Unis, sous la surveillance de l'ONU ; elles portèrent au pouvoir le vieux leader nationaliste et anticommuniste Syngman Rhee, qui avait été le chef du gouvernement coréen en exil constitué en 1919. Le , la république de Corée fut proclamée à Séoul qui devint sa capitale. En réaction, des élections non surveillées par l'ONU furent organisées dans la zone d’occupation soviétique ; elles donnèrent la majorité aux partis de gauche dominés par les communistes. En même temps, des élections clandestines se déroulèrent dans le Sud : les délégués ainsi élus vinrent siéger à Pyongyang, où l'Assemblée populaire suprême proclama la république populaire démocratique de Corée. Tout comme la république de Corée, celle-ci prétendait représenter l'ensemble de la péninsule. L'homme fort du nouveau régime nord-coréen était Kim Il-sung, secrétaire général du Parti du travail de Corée et ancien résistant à l'occupation japonaise. Leader d’un petit groupe de partisans coréens à partir de 1930, Kim avait en effet dirigé plusieurs raids contre les avant-postes japonais en Corée à partir de la Mandchourie où, enfant, il s’était réfugié avec ses parents. En 1941, il quitta la Mandchourie, devenue un état fantoche du nom de Mandchoukouo, et reçut un entraînement militaire en Union soviétique. Il retourna en 1945 dans son pays en tant qu’officier de l’Armée rouge[21].
Syngman Rhee et Kim Il-sung désiraient tous deux réunifier la péninsule, mais chacun selon sa propre idéologie politique. Avec la conscription rétablie en 1947 dans le Nord, qui provoqua une certaine résistance armée dans une partie de la population (voir UNPIK), l'armée nord-coréenne appelée Armée populaire de Corée, équipée en chars et en armes lourdes d'origine soviétique, était davantage en mesure de prendre l'initiative, tandis que l’armée sud-coréenne, en raison d’un soutien américain plus limité après le retrait des troupes d'occupation ( et ), était en état d’infériorité, matérielle (aucun char et pas d'avion de combat), mais surtout numérique.
L'historien français Bernard Droz affirmait en 1992 que la responsabilité américaine et sud-coréenne apparaissait peu crédible : « Vu l’état d’impréparation de l’armée sud-coréenne et la présence sur place de quelques centaines seulement de conseillers américains[22], et depuis l'ouverture des archives soviétiques[23], il est désormais acquis que l'offensive générale du fut préparée de longue date par la Corée du Nord »[24]. D'après des documents d'archives soviétiques, Kim Il-sung décida d'envahir la Corée du Sud au plus tard début , alors qu'« il n'y a pas eu d'incidents sérieux au 38e parallèle depuis le 15 août. » Staline considérait toutefois que pour le moment une telle initiative n’était opportune ni militairement, ni politiquement, ni économiquement. Il s'inquiéta notamment de l'impréparation de l’armée nord-coréenne ainsi que d'une possible intervention américaine et interdit en conséquence une entreprise dont le plein succès n’était pas assuré. En effet, par un télégramme daté du , le Politburo chargea l’ambassadeur soviétique à Pyongyang, le général Chtykov, d’informer Kim Il-sung qu’aux yeux des dirigeants soviétiques l’« Armée populaire coréenne […] n’était pas prête pour une attaque, que celle-ci entraînerait des difficultés politiques et économiques significatives pour la Corée du Nord » et que par conséquent une telle attaque n’était pas « permise »[25]. Par la suite, les Nord-Coréens renforcèrent leur armée et la transformèrent en un formidable instrument offensif sur le modèle des forces blindées de l'Armée rouge soviétique. Ainsi, en 1950, la Corée du Nord avait désormais un avantage certain dans toutes les catégories d'armement. La république populaire de Chine était d'abord réticente, car une guerre en Corée déstabiliserait toute la région. Mao Zedong estimait par ailleurs qu'un tel conflit encouragerait les Américains à intervenir en Extrême-Orient et interférerait avec la conquête prévue de Taïwan, où s’étaient retranchées les forces du Kuomintang de Tchang Kaï-chek. Néanmoins, la Chine n'accepterait pas la présence de troupes ennemies à ses frontières, ce qui laissait présager une intervention chinoise au cas où elle estimait son territoire menacé[26].
Le , le nouveau secrétaire d'État américain, Dean Acheson, déclara au Club national de la presse que le périmètre de défense américain dans le Pacifique comprenait les îles Aléoutiennes, les îles Ryūkyū, le Japon et les Philippines : l'omission explicite de la Corée pouvait laisser entendre que, en cas de guerre, les Américains n’interviendraient pas. Cependant, si telle avait été à un moment la position de Washington, le gouvernement américain y renonça dès [27]. Par conséquent, l'endiguement restant le principe de la politique américaine, Washington considérait la Corée du Sud comme un bastion servant à endiguer la progression communiste en Asie, plus particulièrement après la victoire des communistes chinois en 1949[28]. Entre-temps, l'attitude de Staline avait évolué : lors d’une visite de Kim à Moscou en , le maître du Kremlin avalisa les projets annexionnistes du dirigeant nord-coréen, car, après le départ des troupes américaines, il ne jugeait plus qu'une guerre faisait courir de graves risques à la Corée du Nord, tout en précisant cependant qu’il ne pouvait garantir un soutien officiel de la part de l’Union soviétique. Certains se sont demandé si l'omission publique de Dean Acheson en ne relevait pas d'une provocation destinée à encourager l'initiative militaire nord-coréenne annexionniste, de manière à pouvoir déclencher en retour l'intervention américaine annexionniste inversée[29]. Dans une interview accordée en 1992 à l’historien russe Sergeï Goncharov, Chung Sang-chin, ancien général de brigade dans l’armée nord-coréenne, rapporta que, selon l’interprète de Kim Il-sung, ce dernier aurait invoqué quatre arguments pour recueillir l’adhésion de Staline : l’attaque, déclenchée à l’improviste, serait décisive, de sorte que la victoire serait acquise en trois jours ; en Corée du Sud, l'offensive de l'Armée populaire serait accompagnée d’un soulèvement des deux cent mille membres du Parti ; la guérilla communiste apporterait son appui à l’Armée populaire ; et enfin, les États-Unis n’auraient pas le temps d’intervenir. Chung ajouta que Kim avait connaissance du discours Acheson[30].
D'après un rapport du ministère des Affaires étrangères soviétique à l'intention notamment de Brejnev, rapport daté du ,
« le gouvernement nord-coréen prévoyait d’atteindre son objectif en trois étapes :
- concentration de troupes le long du 38e parallèle ;
- proposition au Sud d'une réunification pacifique ;
- initiative des opérations militaires après le rejet par le Sud de la proposition d’une réunification pacifique.
Fin , l'état-major de l'Armée populaire, en accord avec les conseillers militaires soviétiques, annonça que l'armée coréenne était prête à commencer sa concentration le long du 38e parallèle. Devant l'insistance de Kim Il-sung, le début des opérations militaires fut fixé au (télégramme 468, 1950)[30]. »
La fiabilité des documents soviétiques a été vivement contestée par les autorités nord-coréennes, tant ils mettent en question l'histoire officielle du pays[31]. Par ailleurs, d’après les Nord-Coréens, qui invoquent la présence de conseillers américains, les États-Unis n’auraient pas respecté les termes de l'accord soviéto-américain sur le retrait des troupes de la péninsule et ils auraient multiplié les provocations et les attaques, certaines d’envergure, afin de déstabiliser la Corée du Nord. Ainsi, le musée de la Guerre à Pyongyang expose des documents d'archives faisant état de projets d'invasion de la république populaire démocratique de Corée.
Pour leur part, la majorité des historiens sud-coréens, à l'instar en France d'intellectuels de gauche, relevèrent dès les années 1950 la multiplication des incidents de frontière le long du 38e parallèle et les déclarations belliqueuses de Syngman Rhee dans la période précédant la guerre, d'où ils conclurent à une responsabilité partagée. Selon Heo Man-ho, professeur agrégé au département de science politique et de diplomatie à la faculté des sciences sociales de Séoul, spécialiste de l'histoire de la Corée, « les tentatives belliqueuses antérieures à la guerre de Corée avaient déjà fait plus de 100 000 morts »[32]. En d'autres termes, selon Heo Man-ho, ces incidents de frontière ont été dans certains cas de « véritables batailles rangées dans lesquelles environ 6 000 hommes ont été engagés » (et dont l'initiative venait tant du côté nord-coréen que du côté sud-coréen), ce qui rendait de plus en plus probable l'hypothèse d'un conflit ouvert, envisagé par l'un et l'autre camp. « Il est donc difficile de trancher de façon sûre sur cette question de savoir qui est l'envahisseur et l'initiateur de la guerre. Les seuls critères qui peuvent aider à dégrossir cette question se trouvent dans les préparatifs militaires mis en place par les dirigeants des deux Corées […] ainsi que dans les formes du soutien des deux superpuissances auprès de ces mêmes dirigeants. » Par conséquent, conclut le professeur Heo Man-Ho, « en nous appuyant sur ces critères, nous pourrions soutenir la thèse de l’invasion nord-coréenne sur le Sud ; en effet, la guerre de Corée a été préparée plus sérieusement par les dirigeants nord-coréens avec les soutiens sino-soviétiques »[32]. S'agissant des préparatifs sud-coréens, l'envoyé spécial de Harry S. Truman en Corée du Sud, Philip C. Jessup, souligne, dans un mémorandum à son gouvernement daté du à la suite d'un entretien avec le président sud-coréen Syngman Rhee, que ce dernier a expliqué que les Coréens du Sud « auraient une ligne de défense stratégique bien meilleure, si leurs forces se dirigeaient vers la Corée du Nord, [mais] qu’il n’y a pas eu de planification pour se lancer dans une quelconque opération de conquête. Pourtant, l'impression générale de son intervention laisse croire qu'il ne s'était pas opposé lorsque des forces sud-coréennes, en bordure du 38e parallèle, avaient pris des initiatives de temps en temps »[33]. De son côté, M. Muccio, ambassadeur américain à Séoul, fait état qu'en 1948, lors d'une réception au palais présidentiel sud-coréen, le ministre de la Défense sud-coréen lui « raconta avec plaisir que ses hommes avaient conquis Haeju », ville située sur la péninsule d'Ongjin, « juste au-delà du 38e parallèle, […] mais [il] n'ajouta pas que pratiquement tout le monde s'y était fait tuer »[34].
Toujours est-il que Kim Il-sung s'était donné les moyens d’une offensive générale en renforçant son armée et, quand il reçut finalement, après quarante-huit télégrammes, la permission de Staline en , et celle de Mao Zedong un mois plus tard, il prit l’initiative le , profitant d’une situation qu’il jugeait favorable — infériorité matérielle et numérique de l'armée sud-coréenne, présence sur le terrain de quelques centaines seulement de conseillers américains, renonciation apparente des États-Unis à la doctrine Truman en ce qui concerne la péninsule coréenne — et cela dans un contexte de répression des mouvements de guérilla communistes qui avaient dominé politiquement en Corée du Sud au moment de la capitulation japonaise.
Les services de renseignement américain se sont montrés pour leur part incapables d'évaluer correctement les projets de Kim Il-sung et ne pensaient pas que celui-ci se lancerait dans un tel conflit[35].