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Chloroquine

groupe de stréréoisomères De Wikipédia, l'encyclopédie libre

Chloroquine
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La chloroquine (ou chloroquinine) est un antipaludique de la famille des 4-aminoquinoléines qui a été largement commercialisée sous forme de sels (sulfate ou phosphate). Avec la quinine, dont elle est un substitut synthétique, et l’hydroxychloroquine, une molécule qui lui est proche, elle est le traitement qui a été le plus employé contre le paludisme, en préventif comme en curatif. Elle est aussi très utilisée contre des maladies auto-immunes telles que le lupus et des maladies rhumatoïdes telles que la polyarthrite rhumatoïde. Elle montre in vitro des effets antiviraux, mais qu’on n’arrive pas ou mal à reproduire in vivo.

Faits en bref Identification, Nom UICPA ...

Ses effets secondaires sont le plus souvent légers et transitoires mais ils peuvent être graves ; et la dose thérapeutique est proche du seuil de toxicité. Le surdosage induit notamment des troubles cardiovasculaires graves et potentiellement mortels[6], ce qui explique que l'auto-traitement qui existait autrefois n'est plus recommandé. Dans le monde, elle est de moins en moins utilisée au profit de l'hydroxychloroquine qui est deux à trois fois moins toxique et mieux tolérée à dose élevée[7],[8].

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Histoire

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Au XVIIe siècle au Pérou (Amérique du Sud), les colons européens observent que les indigènes extraient un médicament de l'écorce d'un arbre dénommé Cinchona (Cinchona officinalis)[9]. Ils l'utilisent contre les frissons et la fièvre. En 1633, cette phytothérapie est introduite en Europe. Elle y a le même usage, et commence à être utilisée dans les cas de fièvre paludique[10].

La quinine, antipaludique, en est isolée en 1820[11].

L'allemand Bayer (IG Farben) crée une série de substituts à la quinine contre le paludisme, testés sur plusieurs décennies[12]. En 1926, la plasmoquine (pamaquine, 8-aminoquinoléine) est la première sélectionnée (utilisée jusque dans les années 1980, en association avec la rhodoquine (1930) de Fourneau)[13]. En 1932, l'Atabrine (9-aminoacridine) qui semble aussi efficace que la quinine mais jaunît la peau des patients.

En 1934, Hans Andersag d'IG Farben trouve un effet antimalarique à la résochine (diphosphate de chloroquine), mais la molécule est jugée trop toxique par Bayer, qui en transmet[14] toutefois les droits à sa filiale américaine Winthrop-Stearns à la fin des années 1930. En 1936, Hans Andersag crée un dérivé de la résochine, moins toxique, la sontochine (3-méthylchloroquine, appartenant à une nouvelle classe d'antipaludiques, les 4-aminoquinoléines). Les Alliés évaluent les propriétés de milliers de substances, dont la résochine (sous le numéro de code SN-183) qu'ils jugent également trop toxique[15]. En , Hans Andersag dépose des brevets sur plusieurs aminoquinoléines dont la résochine et la sontochine[16].

En 1940, Justus B. Rice, vice-président de la recherche médicale à la Winthrop Chemical Company, fait parvenir des échantillons de résochine à Lowell Coggeshall de l'Institut Rockefeller. En mars 1941, Bayer accorde à la Winthrop Chemical Company les droits sur la résochine  brevet immatriculé aux États-Unis sous le no 2 233 970  et la sontochine. Winthrop transmet les résultats au comité officiel en , mais Wintroph n'a apparemment jamais produit la résochine avant d'en être requis en . La découverte d'échantillons et de données venant de Tunisie va « ressusciter » la substance.

En effet, en 1942 à Tunis  alors sous domination allemande , le Dr Philippe Decourt[17], des laboratoires Rhône Poulenc-Specia ayant passé un accord sur le sontochine avec IG Farben en , conduit des essais cliniques sur le sontochine de Bayer.

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Lettre du 30 et 31 mai 1943

Grâce à la disponibilité de ce stock, le Dr Jean Schneider, qui avait commencé des essais sur cette molécule à Paris et qui a du fuir la capitale notamment (Il était le cousin par sa mère d'Hélène Berr) parce qu'il avait soigné clandestinement des pilotes anglo-saxons et qu'il était menacé par une dénonciation, a pu conduire, d'août à décembre 1942, des essais cliniques dans la région de Ghardimaou ainsi qu'à l'hôpital Ernest Conseil de Tunis. Après l'entrée à Tunis de la 1re Armée britannique le , le Dr Schneider propose aux Alliés de leur communiquer le résultat de ses études et un stock de comprimé. Le , le Dr Schneider est transporté à Alger emportant cinq mille comprimés de sontochine également dénommé santoquine[18]. Par une lettre du 30 et 31 mai 1943, les autorités sanitaires de l'armée des Etats-Unis reconnaissent avoir reçu du Dr Schneider un stock de comprimés de santoquine, le résultat de ses études sur cette molécule et reconnaissent à Specia Rhône-Poulenc la propriété scientifique de la Santoquine après la guerre.

Au printemps 1944, la sontochine fait l'objet de tests cliniques tandis que l'administration américaine demande à Winthrop de fournir toutes les données qu'elle pourrait posséder sur les substances apparentées à la sontochine, qui reçoit alors le numéro de code SN-6911[19] (précédemment : SN-183). Réévalué sous le numéro de code SN-7618 en , elle reçoit le nom de chloroquine en . Les Australiens conduisirent des études à Cairns sous la direction de N. Hamilton Fairley.

Cette molécule ne fut pas disponible pour les armées avant la fin de la guerre. Elle entre dans la pratique clinique en 1947 comme antipaludéen[20],[21].

En France, elle est mise sur le marché en 1949 sous le nom commercial de Nivaquine ; aux États-Unis, elle reçoit la même année son autorisation de mise sur le marché (le ), commercialisée par Winthrop sous le nom d'« Aralen ».

Dans les années 1950 au Brésil, Mario Pinotti[22] promeut l'usage prophylactique de la chloroquine en l'adjoignant au sel de table. Cette « méthode Pinotti », utilisant de la chloroquine ou de la pyriméthamine, qui sera utilisée en Amérique du Sud ainsi qu'en Afrique ou en Asie, sera une des causes de l'apparition de résistance des plasmodiums à la chloroquine[15].

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Usages

  • Après 1945, la chloroquine et le DDT devinrent les deux principaux moyens de tentative d'éradication du paludisme puis de lutte contre le paludisme[23]. Contre les infections par les espèces plasmodiales dites « mineures » (Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malariae) et dans les rares cas d'accès simple à Plasmodium falciparum chloroquino-sensible, elle est utilisée en première intention à la dose de 10 mg kg−1 les deux premiers jours, puis mg kg−1 j−1 le troisième et dernier jour. Depuis les années 1970, la Nivaquine est encouragée en utilisation quotidienne préventive chez les coopérants et militaires français partant dans des régions où existe le paludisme[24],[25],[26],[27]. Ce traitement est aussi préconisé aux voyageurs[28]. Selon les prescriptions, le traitement se termine 4 semaines après le retour[29]. Par la suite, il tend à être remplacé par des anti-paludéens plus puissants.
  • La chloroquine ou certains de ses sels ont été utilisés (avec une efficacité limitée) contre les crampes nocturnes, par exemple sous forme de sulfate de quinine ou de phosphonate de chloroquine[30]. La FDA aux États-Unis a émis des restrictions pour cet usage en 2007[31]. Et en France, l'HAS a émis, en 2011, un avis défavorable pour cet usage[32].
  • Les biochimistes utilisent la chloroquine pour  in vitro  inhiber la dégradation lysosomale de produits protéiques[33].
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Toxicité, effets adverses et secondaires

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Longtemps ce médicament n'a pas été mis sur le marché car jugé trop toxique par l'industrie pharmaceutique. Sa toxicité aiguë et chronique est citée par des études médicales dès les années 1940[34]. Ses effets nocifs, multi-organe si ce n'est systémiques, ainsi que ceux de ses dérivés et spécialités commerciales ont été peu à peu précisés, dès les années 1950. Ils concernent notamment les usages autres qu'antipaludéens, souvent chroniques, et où les doses sont plus élevées (ex. : comme anti-inflammatoire, antiviral ou pour traiter le lupus érythémateux)[35]. Ces traitements induisent un cumul de doses dépassant celui des thérapies antipaludiques[36].

Le seuil de toxicité de la chloroquine est de 20 mg/kg et la dose mortelle de 30 mg/kg (pour une dose efficace à 10 mg/kg). L'élimination par l'organisme est lente (10 % en 48H, 30 % en 7 jours, 50 % en 20 à 60 jours)[37].

Les effets toxiques incluent des réactions neuromusculaires, auditives, gastro-intestinales, cérébrales, cutanées, oculaires, sanguines et cardiovasculaires. Leurs mécanismes sont encore mal compris ; ils pourraient notamment être induits par des métabolites oxydants, induisant des espèces réactives de l'oxygène[38]. Dans le modèle animal, l'hydroxychloroquine (HCQ) est deux à trois fois moins toxique que sa molécule-mère (la chloroquine) tout en ayant des propriétés pharmacologiques proches[39],[40],[41]. C'est aussi un des métabolites de la chloroquine[42].

Effets toxicologiques

Davantage d’informations Effets toxicologiques, Descriptions des effets de la chloroquine (ou de ses dérivés) ...

Remarques d'intérêt toxicologique

  • On considère généralement que les risques induits par la chloroquine et plus encore par l'hydroxychloroquine sont acceptables et faibles si la dose thérapeutique recommandée est respectée[91],[92] ; les accidents sont souvent dus à un surdosage accidentel ou volontaire (suicide). Chez l'adulte, 1 à 1,5 g (20 mg/kg) suffisent à induire une toxicité et g sont potentiellement mortels[93]. Pour l'hydroxychloroquine, moins toxique, Shishtawy et al. en 2014 recommandaient de ne pas dépasser « 6,5 mg/kg de poids corporel (soit 200–400 mg/j) »[41]. Et Vaziri notait vingt ans plus tôt (en 1994) que des formulations à microencapsulation, à « libération contrôlée et au goût masqué » réduiraient ou vireraient beaucoup de ces effets toxiques[94].
  • L'hydroxychloroquine (HCQ) en tant que médicament ou métabolite de la chloroquine a une demi-vie assez longue dans l'organisme humain (environ un mois) et il lui faut six mois environ pour être entièrement éliminée du corps, faisant que certains effets secondaires perdurent plusieurs semaines ou mois après l'arrêt du traitement[42].
  • La chloroquine (ou l'HCQ) n'est pas arrêtée par la barrière placentaire[42].
  • La chloroquine et nombre de ses dérivés peuvent interférer négativement avec d'autres médicaments, vaccins ou avec la prise de certaines drogues ; ce sujet est abordé plus bas.
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Écotoxicologie

Ce médicament et ses métabolites sont retrouvés dans les fèces et les urines, et donc dans les égouts et stations d'épuration[95].

Résistances au médicament ; associations avec d'autres antipaludéens

Dès 1960 apparaissent, en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est, de premières chloroquinorésistances. Depuis, des cartes zonales sont régulièrement mises à jour : en zone I, il n'y a pas de chloroquinorésistance ; en zone II, il y a présence de chloroquinorésistance ; et en zone III, il y a une multirésistance.

En zones II et III, de nouveaux médicaments comme la méfloquine (Lariam) et l'atovaquone-proguanil (Malarone) sont prescrits.

Mais en zones I et II, la chloroquine reste préventivement indiquée, seule dans les pays du groupe I et associée au proguanil (Paludrine) dans les pays du groupe II, à raison de 100 mg/j (adulte) ou 1,7 mg kg−1 j−1 (enfant). En usage curatif, pour les accès palustres à Plasmodium falciparum, on lui préfère l'association atovaquone-proguanil ou la quinine[réf. nécessaire].

Certains sels de quinine (sulfate, phosphate) ou dérivés sont utilisés contre le paludisme chloroquinorésistant.

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Interactions avec d'autres médicaments

La chloroquine interagit avec beaucoup d'autres médicaments, parmi lesquels :

  • ampicilline (dont les niveaux peuvent être réduits par la chloroquine)[96] ;
  • antiacides (ils peuvent diminuer l'absorption de la chloroquine)[96] ;
  • cimétidine (elle peut inhiber le métabolisme de la chloroquine, avec comme conséquence une bioaccumulation de chloroquine dans le corps, avec le risque d'atteindre le seuil de toxicité)[96] ;
  • ciclosporine (la chloroquine peut en accroître le taux)[97] ;
  • kaolin et argiles (ils peuvent réduire l'absorption intestinale de la chloroquine)[96] ;
  • méfloquine (accroît le risque de convulsions)[96].
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Recherches

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Essais d'utilisation comme antiviral

Depuis la fin des années 1960, la chloroquine  testée pure, sous forme de sels ou d'hydroxychloroquine  a souvent eu in vitro des effets prometteurs pour la lutte contre des maladies virales aiguës.
Mais in vivo, ces effets ne se confirment pas ou semblent modestes chez l’homme.

Davantage d’informations Virus testé, Résultats publiés ...

Contre la Covid-19 ?

En 2020, la pandémie de maladie à coronavirus 2019 a relancé l’intérêt pour la chloroquine (sous forme de phosphate de chloroquine notamment), entre autres molécules, en tant qu'antiviral potentiel[119],[120],[121]. La mesure de l'efficacité de la chloroquine contre le virus SARS-CoV-2 est cependant encore discutée[122],[123]. En effet, la molécule semble efficace  in vitro  contre divers virus, dont le SARS-CoV-2 ; mais, comme le montre le tableau ci-dessus, depuis un demi-siècle et pour une dizaine de virus zoonotiques et susceptibles de devenir pandémiques testés, l'efficacité in vitro disparaît in vivo chez l'animal ou l'Homme.

Fin , à la suite d'un essai clinique multicentrique (une centaine de malades répartis dans une dizaine d'hôpitaux chinois) portant sur la chloroquine et deux autres candidats-médicaments (remdésivir et Lopinavir/Ritonavir), trois pharmacologues chinois de Qingdao[b] concluent dans la revue BioScience Trends à « d'assez bons effets inhibiteurs » sur le SARS-CoV-2, avec pour le phosphate de chloroquine, une « efficacité apparente et une innocuité acceptable » contre la pneumonie associée au Covid-19[121],[124]. Selon eux, le phosphate de chloroquine a permis  par rapport à un groupe-témoin  des pneumonies moins exacerbées, une imagerie pulmonaire améliorée, et des guérisons plus rapides « avec des effets secondaires acceptables »[125]. Ils recommandent d'inclure cette molécule dans les prochaines lignes directrices chinoises pour la prévention, le diagnostic et le traitement de la maladie[121].

Les trois auteurs n'avaient alors cependant pas publié leurs indicateurs de résultats, ni les protocoles cliniques des hôpitaux impliqués, ni les modèles de groupes de contrôle (y avait-il un ou plusieurs antiviraux associés, ou d'autres sels de chloroquine (sulfate par exemple) et/ou de l'hydroxychloroquine, un placebo, etc. ; ce bénéfice dépendait-il de la classe d'âge, de la présentation clinique, du stade de la maladie ou de la présence/absence de co-infections, etc. ?).

En , selon des experts virologues et pharmacologues de Wuhan (dans Cell Research), la chloroquine et le remdésivir sont  in vitro (en culture de cellule)  individuellement « très efficaces » pour inhiber la réplication du coronavirus (alors que cinq autres médicaments testés ne l'ont pas été)[126],[117]. La chloroquinine a inhibé le développement du SARS-CoV-2 in vitro, mais sur une culture cellulaire de cellules Vero (une lignée de cellules cancéreuses, qui ne sont pas semblables aux cellules cibles du virus dans l’organisme)[127]. La chloroquine élèverait le pH des lysosomes des cellules ciblées par le virus, ce qui interfèrerait avec les tentatives du virus d’acidifier ces lysosomes ; or cette acidification semble nécessaire à la formation des autophagosomes (que les cellules utilisent pour se suicider ou s'auto-digérer en cas de stress cellulaire grave ; mécanisme que le virus utilise pour entrer et sortir de la cellule qu’il infecte)[117]. Mi-mars, ceci avait déjà motivé 16 essais cliniques en Chine[128],[111].

Le , des autorités scientifiques et sanitaires du Guandong[c] ont déclaré que la chloroquine « améliore le taux de réussite du traitement et raccourcit la durée de l'hospitalisation » ; elles la recommandent pour les cas légers, modérés ou graves de Covid-19 avec pneumonie[129],[130].

Mais mi-, l'essai clinique chinois n'a pas livré ses données, empêchant un examen par les pairs de ses résultats et une évaluation indépendante des avantages/inconvénients du traitement[131],[132].

À ce moment en France, des virologues, spécialistes des virus émergents à l'IRD/Inserm[133] tels que Franck Touret et Xavier de Lamballerie, exhortent leurs collègues chinois à publier dès que possible (après relecture par des pairs) ces résultats avec le plus de précision possible pour, le cas échéant, pouvoir améliorer les protocoles de soins. Ils invitent aussi à analyser ces résultats en tenant compte de l'« effet potentiellement néfaste du médicament observé lors de précédentes tentatives de traitement de maladies virales aiguës »[111].

Le , Donald Trump annonce qu'il a « approuvé » le recours à la chloroquine qui a d'après lui « montré des résultats préliminaires très encourageants » pour lutter contre la Covid-19[134] ; il est immédiatement contredit par la Food and Drug Administration, qui promet néanmoins de lancer « un essai clinique étendu »[135],[136]. Le , un habitant de l'Arizona décède après avoir ingéré du phosphate de chloroquine ainsi que sa femme (en état critique). Ils avaient absorbé une trop forte dose de ce produit, utilisé pour nettoyer les aquariums, après avoir entendu le président américain vanter les vertus de la chloroquine[137],[138]. Le Nigeria déplore plusieurs cas d'intoxication à la chloroquine à la suite d'une médication non encadrée[139]. Le , le ministère de la Santé, le Collège des médecins et l’Ordre des pharmaciens du Québec déplorent l’émission d’ordonnances de chloroquine ou d’hydroxychloroquine contre la Covid-19 et les jugent inappropriées et non indiquées, à la lumière de l’état de la situation au Québec et des données scientifiques actuellement disponibles[140],[141].

Fin mars, alors que la COVID-19 commence à augmenter de manière inquiétant à Manaus et alors qu' in vitro, la chloroquine et l'hydroxycholoroquine, ainsi que quelques petites études cliniques non randomisées étaient porteuses d'espoir, une équipe médicale brésilienne pilotée par Marcus Lacerda (de la Fondation de médecine tropicale Heitor Vieira Dourado, basée à Manaus) choisit de tester la chloroquine sur les patients (car ce médicament était déjà largement disponible contre le paludisme dans ce pays). Lacerda et son équipe débutent l'essai (approuvé par un comité d'éthique) qui prévoyait de recruter 440 patients dont 50 % recevront 600 milligrammes (mg) de chloroquine deux fois par jour durant 10 jours (12 gr au total), le reste recevant 900 mg le premier jour et 450 mg les 4 jours suivants (total : 2,7 gr.)[142].

En , au Brésil (où Jair Bolsonaro, tout comme son homologue Donald Trump aux États-Unis, a publiquement fortement soutenu ce médicament), les premiers résultats montrent que la chloroquine peut à ces doses augmenter la mortalité des malades de la Covid-19.

Mi-, une étude de l'usage de la chloroquine contre la Covid-19 au Brésil sur 81 patients est arrêtée à cause de problèmes d'arythmie cardiaque[143].

En avril, dans le journal médical The Lancet, les auteurs d'une étude rétrospective, rétractée par la suite, concluent de leurs premiers résultats basée sur 96 000 malades de la Covid-19 dans 671 hôpitaux, ayant reçu de la chloroquine ou de l'hydroxycloroquine), suggère l'inefficacité du médicament chez les personnes hospitalisées et un risque significativement accru de décès[144]. Certains ont été traités par de la chloroquine ou de l'hydroxycloroquine avec ou sans antibiotique tel que l'azithromycine, entre le et le [144]. Cependant, cette étude crée la polémique, de nombreux scientifiques pointant des erreurs et une méthodologie discutable (on lui reproche notamment de ne pas avoir traité des patients aux tout premiers stades)[145].

Mi-juin, les résultats d'autres grands essais se sont aussi montrés décevants tant pour la chloroquine que pour l'hydroxychloroquine, qui n'apparaissent plus comme médicaments miracles contre la COVID-19[142]. Au Brésil, une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux et des articles diffamatoires ont accusé les chercheurs d'avoir sciemment empoisonné des patients via des taux de chloroquine trop élevés, lors d'essais conçus avant que les dangers de surdoses ne soient relevés par d'autres études. Ces chercheurs ont reçu des menaces de mort ; et le Gouvernement Bolsonaro a lancé une enquête judiciaire sur leur travail[142]..

Ailleurs dans le monde, au moment de cette campagne, l'hydroxychloroquine est délivrée en dose moindre, mais des chercheurs d'autres pays expliquent qu'au Brésil, « Lacerda et ses collègues ont pris un risque calculé à un moment où la dose optimale de SARS-CoV-2, le virus qui cause COVID-19, était encore en discussion. «Il est plus clair maintenant (mi-juin) on n'aurait pas opté pour cette dose», explique Nicholas White, chercheur vétéran sur le paludisme à l’Université Mahidol de Bangkok, qui a aidé à concevoir l’essai Recovery au Royaume-Uni, qui comprenait un bras hydroxychloroquine. "Mais à cette époque, je pense que c'était un choix légitime." ». L'équipe indépendante chargée de la sécurité de l'essai en voyant le nombre de décès rapidement croître dans le groupe recevant la dose la plus élevée a demandé et obtenu l'arrêt de l'essai Sur 81 patients alors recrutés, sept étaient morts dans ce groupe, et quatre dans le groupe à faible dose)[142]. Au moment de la publication des résultats, ces chiffres étaient passés respectivement à 16 et à six. Le 11 avril ces résultats étaient pré-publiés et rapportés par des médias internationaux New York Times notamment) avant publication dans JAMA Network Open. En Juin, la revue Science fait remarquer que le 14 avril, Michael James Coudrey, PDG d'une société américaine de marketing dont le site Web dit qu'il offre des services de «médias sociaux et de« guerre de l'information numérique » aux candidats politiques», a tweeté des accusations selon lesquelles les chercheurs avaient surdosé de leurs patients et les avaient utilisés comme « cobayes "Dans une étude menée" de manière tellement irresponsable que je ne peux même pas y croire. " Trois jours plus tard, Eduardo Bolsonaro, le fils du président brésilien, a tweeté un message similaire, incluant un article qualifiant les chercheurs de « militants médicaux de gauche » et considérant que cette étude est une tentative de « dénigrer le médicament que le gouvernement Bolsonaro a approuvé comme efficace pour traiter le COVID-19 »[142]. Peu après les chercheurs et leurs familles commencent à recevoir des menaces de mort[142].[pertinence contestée]

Usage contre les cancers

En 2006, Savarino et ses collègues montrent que la chloroquine a des propriétés de radiosensibilisant et de chimiosensibilisant, qui pourraient être mises à profit pour améliorer le taux de survie lors du traitement d'un cancer, glioblastome (par radiothérapie et chimiothérapie) chez l’homme. En combinaison d'autres anticancéreux, des études préliminaires ont montré une utilisation prometteuse de la chloroquine et de l'hydroxychloroquine. La chloroquine est principalement utilisée comme inhibiteur de l'autophagie, c'est-à-dire le blocage de processus comme la dégradation intracellulaire des organites[146],[147],[148],[149].

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Cinétique et temps de résidence dans l'organisme

Résumé
Contexte

La pharmacocinétique de la chloroquine varie selon l'état physiopathologique du patient, mais aussi selon son origine ethnique.

Chez l'homme, la chloroquine passe très facilement la barrière intestinale (et placentaire)[150].
Elle se distribue ensuite rapidement dans tout le corps, mais pas de manière homogène (elle cible par exemple l'œil).

Volume de distribution : il est de 200 à 800 L/kg s'il est calculé à partir des concentrations plasmatiques, mais de 200 L/kg quand il est calculé à partir du sang complet (les concentrations sont alors cinq à dix fois plus élevées)[150].

Métabolisation : la moitié environ de la chloroquine ingérée va se lier aux protéines plasmatiques, pour ensuite être rapidement désalkylée via les enzymes du cytochrome P450 (CYP) qui la transforme principalement en deux métabolites pharmacologiquement actifs[150] :

  1. La déséthylchloroquine (pour 40 % environ de la chloroquine initiale) ;
  2. La bisdéséthylchloroquine (pour 10 % environ).

Élimination : la chloroquine, ses résidus et métabolites sont très lentement éliminés de l’organisme, pour moitié dans les excréments via le foie, et pour l’autre moitié par l’urine via les reins[41],[150].

Leurs demi-vies d'élimination dans le sang sont de 20 à 60 jours ; la molécule-mère et ses métabolites seront encore présentes des mois plus tard dans l'urine après une seule dose[150].

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Stéréosélectivité ?

In vitro, aucune différence d'efficacité pharmacologique n'apparait entre les énantiomères de la chloroquine. Cependant in vivo (chez le rat), la chloroquine S(+) se montre efficace à dose plus faible que la chloroquine R(-)[150].

La chloroquine se liant aux protéines plasmatiques est stéréosélective, favorisant la S(+)-chloroquine (67 % contre 35 % pour l'énantiomère R). Par conséquent, les concentrations plasmatiques non liées sont plus élevées pour la R(-)-chloroquine[150].

En administrant expérimentalement un seul des deux énantiomères, on a montré que la chloroquine R(-) se concentre mieux et plus densément dans le sang. L'autre énantiomère (chloroquine S(+)) a une moindre durée de vie corporelle (clairance plus rapide). De même le taux sanguin de la forme déséthylchloroquine S(+) est toujours plus élevé que celui de la forme R(-) de la déséthylchloroquine. Il existerait donc un métabolisme différent pour chaque énantiomère[150].

Métabolisation

De premières données (observations diverses, études in vitro limitées et expériences cliniques préliminaires) invitent à penser que le CYP3A et le CYP2D6 sont les deux principales isoformes affectées ou impliquées dans le métabolisme de la chloroquine[150].

Divers

La chloroquine fait partie de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (liste mise à jour en )[151].

Elle semble interagir avec les mécanismes de régulation cellulaire du fer[152].

Notes et références

Voir aussi

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