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écrivaine et militante française De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Julie-Victoire Daubié (au quotidien Victoire Daubié[1] ou fautivement Julie Daubié), née le à Bains-les-Bains (Vosges) et morte le à 50 ans à Fontenoy-le-Château (Vosges), est une journaliste française, militante des droits des femmes.
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Muséum national d'histoire naturelle Faculté des lettres de Lyon (d) (licence ès lettres (d)) |
Activités |
Militante pour les droits des femmes, chroniqueuse de presse, économiste, conférencière |
C'est la première femme française à s'inscrire aux épreuves du baccalauréat à Lyon en 1861, et la première à l'obtenir le . C'est aussi la première licenciée ès lettres le , à l'époque où les cours à la Sorbonne ne sont pas ouverts aux femmes.
Le bicentenaire de sa naissance en 2024 est classé commémoration nationale[2] par le service France mémoire de l'Institut de France.
Julie-Victoire Daubié naît le [3] dans la maison dite des Commis de la Manufacture royale de Bains-les-Bains où son père occupe les fonctions de directeur[4] ou commis-caissier. Elle est prénommée Julie-Victoire à l'état civil mais porte au quotidien le prénom de Victoire, comme sa mère Victoire Colleüille. Elle doit son prénom de Julie, comme le veut l'usage local, à sa sœur aînée Marie-Julie, Julie au quotidien, qui est aussi sa marraine. De nombreux établissements ou rues ont été nommés Julie-Daubié[alpha 1] au lieu de Julie-Victoire Daubié[alpha 2] ou Victoire Daubié[alpha 3].
Huitième enfant de sa fratrie, elle a vingt mois à la mort de son père, qui est enterré dans le caveau de sa famille à Fontenoy. La mère et les enfants rejoignent alors Fontenoy-le-Château où réside la famille paternelle de Julie-Victoire. L'inscription de ses frères et sœurs sur les registres paroissiaux de Fontenoy montre que les enfants y suivent leur catéchisme.
Elle est issue de la petite bourgeoisie catholique fontenaicastrienne. Les familles Colleüille[alpha 4] et Daubié se sont illustrées sous la Terreur en cachant des prêtres[5]. Son grand-père paternel, Siméon-Florentin Daubié, huissier[6], greffier de justice et ancien négociant, y a été maire. Son grand-père maternel, Jean-Nicolas Colleüille, après avoir vendu les forges du Moulin brûlé et de Pont-du-Bois, est le directeur des forges de Buyer à la Chaudeau[7].
Contrairement à la légende, elle n'a jamais travaillé dans les ateliers de la Manufacture royale de fer blanc de Bains-les-Bains. Son nom n'apparaît pas sur les registres d'établissement de livret ouvrier. Elle a certes côtoyé et vu au bureau de bienfaisance de Fontenoy la misère des ouvriers de campagne, la triste condition des domestiques et le sort funeste réservé aux mères célibataires. Elle puise peut-être là l'inspiration de son essai La Femme pauvre au XIXe siècle avec lequel elle remporte le premier prix du concours de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon le . La séance de l'Académie, présidée par Monsieur Jean-François Petit de la Saussaye, Recteur de l'Académie de Lyon, accorde à Mademoiselle Daubié une médaille de 800 francs[8]. Cette question de concours est publiée sous le titre La Femme pauvre au XIXe siècle, par une femme pauvre, et sa deuxième édition est couronnée en 1867 à l'Exposition universelle de Paris.
Le , elle obtient le « certificat de capacité », brevet d'enseignante, obligatoire pour tous depuis la loi Guizot[9] du . La loi Falloux du rendra ce brevet obligatoire pour les enseignantes laïques alors que selon l'article 49, « Les lettres d'obédience tiendront lieu de brevet de capacité aux institutrices appartenant à des congrégations religieuses vouées à l’enseignement et reconnues par l’État ». Néanmoins, la loi Falloux, bien que favorisant un enseignement catholique d'État, demande la création d'une académie par département et fait obligation aux communes de plus de 800 habitants d'ouvrir une école de filles (article 51).
Julie-Victoire Daubié s'élève contre le manque de qualification de certaines religieuses[10] pour enseigner et non pas contre un enseignement catholique[11].
Elle étudie le grec et le latin, matières indispensables pour présenter le baccalauréat, avec son frère prêtre. Elle a complété sa formation en zoologie, section mammifères et oiseaux, en s'inscrivant en 1853 au Muséum national d'histoire naturelle de Paris pour suivre les cours d'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire[alpha 5]. Il lui a obtenu une autorisation spéciale[12] pour qu'elle vienne étudier dans les galeries hors des heures d'ouverture au public.
Avec l'aide de Francisque Bouillier, et surtout de François Barthélemy Arlès-Dufour, un saint-simonien et industriel lyonnais très influent dans les milieux académiques et à la cour impériale, et forte de son succès au concours lyonnais de 1859, elle s'inscrit à la faculté des Lettres de Lyon[13] pour passer son baccalauréat. Les épreuves écrites ont lieu le : un local spécial lui est réservé pour les épreuves. Le , Julie-Victoire Daubié, âgée de 37 ans, est la première femme en France à obtenir le baccalauréat en totalisant six boules rouges, trois boules blanches et une boule noire. Ce système de boules était le moyen de vote des professeurs examinateurs[14]. En ce temps-là, ils ne calculaient pas de moyenne. Une boule rouge signifiait un avis favorable[15], une boule blanche une abstention et une boule noire un avis défavorable[16].
« […] Nous sommes heureux d'annoncer qu'elle a été reçue avec distinction et qu'elle s'est montrée bonne latiniste, soit dans les compositions, soit dans les explications. On peut citer un certain nombre de femmes qui au Moyen Âge et surtout à l'époque de la Renaissance, ont obtenu leur bonnet de Docteur, mais Mademoiselle Daubié est certainement le premier bachelier de sexe féminin qu'ait proclamé l'université de France[17]. »
Au sujet de ce bac, il a été écrit qu'elle aurait, durant dix ans, sollicité cet examen, que l'Université de Paris lui avait refusé l’autorisation sous prétexte « que les femmes n’ont pas besoin de ça »[18] et que leur prétention à vouloir obtenir ce grade est « outrecuidante » et « ridicule »[19]. Il n'existe aucune trace de ces supposés refus dans sa correspondance. On écrivit aussi qu'elle dut attendre longtemps son diplôme de bachelière ès lettres et que, prétendant qu'il « ridiculiserait le ministère de l'Instruction publique », le ministre Gustave Rouland refusait de le signer. Et aussi qu'il fallut une intervention pressante d'Arlès-Dufour auprès de l'entourage de l'impératrice Eugénie ainsi qu'une campagne de presse menée[20] par Léon Richer pour que l'ordre soit donné à ce ministre d'apposer sa signature au bas du diplôme. Cependant, il est habituel à cette époque d'attendre entre six mois et un an la réception du diplôme[21].
Elle-même écrit à ce propos dès 1862 : « En France (j'aime à le dire pour l'honneur de mon pays) l'initiative sociale nous manque ici beaucoup plus que la liberté, car j'ai pu être admise, l'année dernière, à l'examen du baccalauréat, par la Faculté des lettres de Lyon, sans faire de demande exceptionnelle. J'ai rencontré partout, pour cette innovation, une bienveillance impartiale et des sympathies généreuses, dont je ne saurais trop remercier ma patrie et mon siècle »[22].
Elle achète au centre de Fontenoy la vaste maison de Charlotte de Huvé où, en bonne saint-simonienne, elle installe un bureau d'entrepreneur de broderie blanche, imitant en cela sa sœur Julie qui était déjà devenue entrepreneur en 1852. Elle en confiera la gestion à sa nièce Mathilde puisque Julie-Victoire Daubié ne vient à Fontenoy que pour la belle saison. Cette maison a été démolie lors du percement du canal de l'Est.
Julie-Victoire Daubié dans le chapitre 2 de La femme pauvre, intitulé Quels moyens de subsistance ont les femmes, consacre une large place à la broderie, sujet qu'elle connait bien (page 43) : « La broderie occupe, en France, près de deux cent mille ouvrières. Le salaire quotidien des brodeuses varie de 20 centimes à 1,5 franc et 2 francs. La broderie faite sur un métier, exigeant beaucoup de perfection, donne un salaire plus élevé, mais elle dévie la taille des enfants qu'on y applique trop jeunes. »
Julie-Victoire réside à Paris, avenue des Champs-Élysées dans le 8e arrondissement, donne des conférences et est devenue journaliste économique. Le paraît dans le quotidien d'Émile de Girardin, La Presse, un compte-rendu par C. de Sault de son essai Du progrès dans l'enseignement primaire[23], qui a l'honneur d'être référencé dans la très sérieuse Bibliographie catholique[24]. Julie-Victoire écrit aussi dans L'Économiste français, hebdomadaire économique fondé en 1862 par Jules Duval (1813-1870).
Le , un arrêté du maire de Paris demande la création « d'une Commission de dames pour examiner les questions relatives à l'enseignement primaire ». Julie-Victoire Daubié est sollicitée pour y travailler, de même qu'Emma Chenu (licenciée ès mathématiques en 1868). Les travaux de cette commission, interrompus pendant les trois mois des troubles de la Commune de Paris, furent consignés dans le rapport Delon-Coignet[alpha 6].
Au début de l'année 1871, elle crée une association qui a pour nom Association pour le suffrage des femmes et dont le siège est à Passy[25].
En 1871, les cours de la Sorbonne restent toujours fermés aux femmes mais elles peuvent s'inscrire aux examens. Elle continue donc à travailler pour préparer sa licence ès lettres. Elle réussit son examen le et devient la première licenciée ès lettres. Elle reçoit son diplôme en , six mois plus tard, licencié, sans e, l'intitulé du diplôme de licence comme celui du baccalauréat n'existe qu'au masculin, mais ce diplôme est établi au nom de Mademoiselle Daubié. Le ministre Jules Simon en personne, a rayé « au sieur » pour le remplacer par « Mademoiselle » et lui adresse une lettre de félicitations[26].
Aussitôt elle décide de préparer une thèse de doctorat dont le sujet sera La Condition de la femme dans la société romaine. Sa mort laisse cette thèse inachevée. La même année, elle s'établit à Fontenoy pour veiller sur sa mère âgée et malade.
Elle est profondément affectée par l'interdiction à la vente, par voie de colportage[27], de trois ouvrages que son association pour « l'émancipation progressive de la femme » présidée par Arlès-Dufour et dont elle est vice-présidente, a édités.
L'année suivante, le [28] vers 17 h, Julie-Victoire Daubié (« en son vivant entrepreneur de broderie » écrit le notaire dans son inventaire après décès) meurt de la tuberculose[29]. Elle est enterrée à Fontenoy-le-Château le . Elle repose avec sa sœur Julie et ses nièces Mathilde et Louise Daubié. Sa tombe est toujours visible. Elle laisse à ses frères et sœurs une succession plus que confortable, deux maisons, des titres, des actions, etc. Son seul frère célibataire, celui qui est prêtre, prend en charge les frais d'enterrement. Contrairement à la légende, il n'existe aucune trace ni aux archives paroissiales, ni aux archives diocésaines attestant d'une difficulté quelconque pour lui donner des funérailles chrétiennes. Le registre paroissial de Fontenoy fait mention d'un service funèbre ordinaire[30].
« Julie-Victoire Daubié n'était pas socialiste. Elle était fortement marquée par le saint-simonisme mais elle en avait une interprétation morale et politique… »[31]
Victoire Daubié est une moraliste, une économiste féministe par sa nature même. Elle laisse le souvenir de sa ténacité dans la lutte pour la reconnaissance de nombreux droits aux femmes. Outre son combat pour leur accès à l'enseignement et à une formation professionnelle efficace, elle milite pour le vote des femmes qui, d'après elle, moraliserait la vie politique. Avec Léon Richer[32], Alexandre Dumas fils, Ernest Legouvé elle prend la défense des enfants adultérins privés de droits, comme les femmes, par le Code Napoléon. Elle écrit dans l'hebdomadaire de Léon Richer Le Droit des femmes.
Ses idées s'inscrivent dans le courant de pensée moderniste du Second Empire, annonciateur du XXe siècle, auquel ont été associées des figures telles qu'Eugénie de Montijo, Élisa Lemonnier, Michel Chevalier, François Barthélemy Arlès-Dufour, Marie-louise et Ulysse Trèlat, Rosa Bonheur, etc.
De son vivant, son travail de journaliste lui vaut une reconnaissance dans toute l'Europe[33],[34] et aux États-Unis[35]. Son combat pour l'éducation des femmes et leur accès à l'enseignement supérieur a inspiré la féministe anglaise Josephine Butler qui a traduit en langue anglaise une partie de ses œuvres[36]. En 1869, lors de son voyage d'étude à Paris, Frances E. Willard, première femme doyen de la Northwestern University, qui connaissait ses travaux obtient de la rencontrer[37].
Julie-Victoire Daubié aura partagé sa vie entre ses luttes pour l'émancipation de la femme dans la société contemporaine (mariage, conditions de travail, formation professionnelle, rémunération, droit de vote, etc.), ses engagements dans les mouvements de l'histoire du temps, son travail de préceptrice, ses relations politiques, journalistiques et amicales (Jules Simon, Léon Richer, Marie d'Agoult, Juliette Edmond Adam[38] etc.).
Elle ne voit pas de son vivant le résultat de toutes ses luttes, mais elle a néanmoins la satisfaction de jouir d'une certaine reconnaissance. Elle reçoit à l'Exposition universelle de 1867 une médaille[39] qui récompense l'ensemble de son travail[40] et le renom de son auteur[41].
Les villes de Choisy-le-Roi et de Malakoff (Hauts-de-Seine) ont aussi une résidence étudiante à son nom.
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