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fête populaire parisienne De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le Carnaval de Paris est une fête populaire parisienne succédant à la fête des Fous, laquelle prospérait depuis au moins le XIe siècle jusqu'au XVe siècle. Tombé progressivement en désuétude au XXe siècle après des interdictions et surtout au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Carnaval de Paris a connu quelques interruptions.
L'initiative de la renaissance du Carnaval de Paris apparaît à la suite de la rencontre de Basile Pachkoff avec Catherine Poulain en 1992 au théâtre de l'Odéon occupé, Ils fondent avec Rafaêl Estève, l'APCP (Association pour la promotion du Carnaval de Paris) en 1994, font des actions costumées dans la rue avec un miniboeuf roulant en 1996, puis fondent la première compagnie carnavalière parisienne Les fumantes de pantruche en 1998. À la suite de cela, Basile Pachkoff, artiste peintre et poète, rencontre Alain Riou, conseiller de Paris 20e de l'association Droit à la culture, qui délivre enfin les autorisations de défiler dans les rues de Paris. Le cortège du Carnaval de Paris, Promenade du Bœuf Gras renaît en 1998. Catherine Poulain organise la première exposition sur la renaissance du Carnaval de Paris en 2000 à la Poste du Louvre avec textes et films. Artiste pionnière et figure du Carnaval de Paris, elle crée des masques, costumes, marionnettes et chars de carnaval, des performances et des films. Basile Pachkoff devient après le décès d'Alain Riou en 2004, historien et organisateur du Carnaval de Paris, promenade du bœuf gras jusqu'à son décès en 2023.
En 2009 renaît le défilé des Reines des blanchisseuses de la Mi-Carême à l'initiative de Alexandra Bristiel et Basile Pachkoff.
Des liens anciens existent entre le Carnaval de Paris et des fêtes de province et de l'étranger depuis 1904 jusqu'aux années 1920. Les initiateurs, en tissant des liens, amènent les participations du carnaval de Bagneux, Dunkerque, et à partir de 2003 cherbourgeoises, italiennes et belges.
Cette fête a longtemps porté plusieurs noms. Jusqu'au XIXe siècle on[Qui ?] utilisait en France et à Paris, à égalité avec le mot Carnaval le mot Carême-Prenant, qui pouvait être orthographié différemment : « Quaresmeprenant » ou « Quarêmeprenant » par exemple.
La tradition du carnaval est multiséculaire à Paris.
Nicolas de Baye écrit dans son journal en 1411[2] :
« Lundi, XXIIIe jour de fevrier
La Court, pour la reverence de la feste de caresme prenant qui sera demain, s'est levée devant l'eure. »
La vigueur du Carnaval de Paris a reposé sur une tradition ininterrompue durant des siècles, des sociétés festives et carnavalesques organisées et l'implication particulière de certaines corporations. Ce dernier point est illustré en 1778 par un poème anonyme accompagnant une gravure illustrant la fête[3] :
De ces sortes de mascarades,
Les Artisans font leurs plaisirs,
Il faut les voir à nos parades !
C'est là qu'ils comblent leurs désirs !
Chacun retourne à son ouvrage
Quand Mardi-gras est enterré,
Tout est mangé selon l'usage
Et l'on est toujours altéré.
Ainsi à l'époque les artisans jouent ici un rôle important. À Paris au XVIIIe siècle existe également le régiment de la Calotte, une très fameuse société festive d'origine aristocratique et militaire. Cette société rédige beaucoup de textes comiques, comme le feront plus tard d'autres, par exemple les Badouillards avec leur Grande Charte des Badouillards vers 1840. Fait peu connu, le Carnaval de Paris est traditionnellement la fête de la police de Paris. C'est également la fête des gens du spectacle. Il y a des bals masqués dans les théâtres, une programmation spéciale en temps de carnaval, avec des pièces comiques comme La Foire Saint-Germain., de Jean-François Regnard et Dufresni[9], ou La mort de Mardi-Gras, de Fonpré de Fracansalle[10]. Au XIXe siècle l'implication des bouchers, blanchisseuses, commerçants, étudiants sera essentielle pour l'animation du Carnaval. Ce genre de phénomène se retrouve dans tous les carnavals que ce soit à Dunkerque ou au Brésil, la tradition, l'organisation et l'implication de certaines couches de la population sont essentielles pour la prospérité de la fête. Une structure festive parisienne importante au moins à partir de 1817 est représentée par les goguettes ou sociétés lyriques. Il en naît plusieurs centaines en 1818, année du retour de la paix après 26 années de conflits quasiment ininterrompus[n 1]. Longtemps les goguettes sont petites et comptent chacune moins de vingt membres. Leurs réunions se tiennent chez des marchands de vin. On[Qui ?] y voit par milliers des gens de toutes origines, en particulier populaires, comme des ouvriers et ouvrières parisiens. Ils se retrouvent chaque semaine le samedi soir veille des dimanches-lundis alors chômés. Et vont se distraire en chantant des chansons connues ou en en créant de nouvelles sur des airs connus. En 1900, il existe encore au moins 90 goguettes à Paris.
Le Carnaval de Paris qui est populaire et apprécié dans toutes les couches de la population rencontre également au cours des siècles des adversaires qui s'en prennent à lui au nom de la morale. Ainsi par exemple le juriste et théologien calviniste Lambert Daneau qui publie à Paris en 1582 un volume in-8 intitulé :Traicté contre les Bacchanales du Mardi gras, auquel tous les chrestiens sont exhortez de s'abstenir des banquets dudict Mardi-gras, et des masques et mommeries[14].
Un phénomène classique en Carnaval, la liberté momentanée de mœurs, existait aussi au Carnaval de Paris. Le goguettier Désaugiers en parle dans sa chanson V'là c' que c'est que l' carnaval, écrite entre 1800 et 1827[15] :
Au lever du soleil on dort,
Au lever de la lune on sort ;
L'époux, bien calme et bien fidèle,
Laisse aller sa belle
Où l'amour l'appelle :
L'un est au lit, l'autre est au bal...
V'là c' que c'est que l' carnaval[16].
Critiquant les femmes de Paris qui, selon lui, « se croient en droit de faire ce qu'elles veulent » et « ne s'occupent que de plaisir et de toilette », Eugène Delacroix écrit entre 1822 et 1863 :
« L'adultère, qui dans le Code civil est un mot immense, n'est par le fait qu'une galanterie de bal masqué.
Les femmes ont besoin d'être contenues dans ce temps-ci : elles vont où elles veulent ; elles font ce qu'elles veulent ; elles ont trop d'autorité. Il y a plus de femmes qui outragent leurs maris que de maris qui outragent leurs femmes[17]. »
De son côté, Jouslin de la Salle, en 1825, écrit dans sa chanson Le Carnaval :
« Nul mari ne songe à sa femme, En carnaval[18]. »
Jusqu'au début du XXe siècle le Carnaval de Paris dure beaucoup plus longtemps que le seul Mardi gras. En 1690, dans son Dictionnaire universel, couramment appelé le Furetière, Antoine Furetière écrit ces mots, qui s'appliquent également à Paris[19] :
Soixante-deux ans plus tard, en 1752, l’Encyclopédie confirme, reprenant, presque à l'identique, les mots de Furetière[25] :
« Le tems du carnaval commence le lendemain des Rois[23], ou le 7 de janvier, & dure jusqu'au carême[24]. Les bals, les festins, les mariages, se font principalement dans le carnaval. »
La période du Carnaval de Paris durait traditionnellement des mois, comme ce qui se fait encore aujourd'hui en Belgique et en Allemagne. Comme dans ces pays, à un moment-donné, son début était la Saint-Martin le 11 novembre et elle courait jusqu'aux jours gras. À quoi s'ajoutait une reprise de la fête au moment du jeudi de la Mi-Carême, à mi-chemin entre Mardi Gras et lundi de Pâques. Vers 1900 par exemple, ce long carnaval était un temps de réjouissances, fêtes masquées, bals et festins à Paris qui durait ainsi plusieurs mois avec les temps forts des jours gras et de la Mi-Carême. Pâques étant une date mobile se déplaçant sur une plage de 35 jours, la date du mardi gras varie également ainsi que la durée de cette période de fêtes.
En 1903, Le Figaro appelle « le carnaval » les seuls dimanche gras, lundi gras, mardi gras[26].
Le Carnaval de Paris a connu une éclipse et a été oublié durant une quarantaine d'années du début des années 1950 jusqu'à 1993. Il n'a jamais été rejeté par les Parisiens et n'a pas disparu du fait d'interdictions. Mais une fête, si belle, grande, ancienne, traditionnelle soit-elle, ne peut exister qu'en étant préparée. Quand se produisent des problèmes d'organisation, combinés qui plus est ici avec des problèmes politiques – rivalité entre la ville et le gouvernement français[27], – ce qui a été le cas à Paris, la fête disparaît. Encore de nos jours un grand nombre de Parisiens ignorent qu'il existe un Carnaval de Paris. Ils ignorent également que cette fête connaissait des personnages typiques, caractérisés par leur costume et revenant chaque année, ainsi qu'un certain nombre de blagues carnavalesques traditionnelles appelées « attrapes en Carnaval ». Ces dernières furent pratiquées au moins depuis le XVIIe siècle jusqu'au XIXe siècle.
Des années 1950 jusqu'à 1993, les mots « Carnaval de Paris » cessèrent même pratiquement d'être utilisés, sauf dans des articles spécialisés et des ouvrages scientifiques à faible diffusion. Pour les Parisiens, il était possible éventuellement de fêter à Paris « Mardi Gras ». S'ils parlaient du Carnaval il s'agissait du Carnaval de Nice ou du Carnaval de Rio.
Le Carnaval de Paris a inspiré beaucoup d'artistes. Certains d'entre eux s'en sont même fait une spécialité comme le dessinateur Gavarni. Il a même lancé un jour une boutade comme quoi c'était lui qui l'avait inventé, à raison de 50 francs le dessin[28] ! Le caricaturiste Cham a illustré le Carnaval de Paris par des centaines de caricatures et des albums entiers. Gustave Doré et Honoré Daumier ont également traité le sujet. Giuseppe Verdi a composé en 1853 un opéra dont l'action se déroule à Paris durant le Carnaval : La traviata. On y entend Largo al quadrupede, le chœur des bouchers promenant le Bœuf Gras. Le tableau reproduit ici en haut à gauche est d'Édouard Manet. Il représente le célèbre bal masqué de l'opéra[29]. Le tableau en haut à droite est de Claude Monet et montre le Carnaval boulevard des Capucines.
Le Carnaval de Paris qui a été filmé par les frères Lumière et Georges Meliès[30] apparaît dans des films de fiction dont un américain. Plusieurs de ces films ont pour sujet une célébrité et une légende du Carnaval de Paris : Milord l'Arsouille :
Dans la rue deux types d'événements centraux marquent traditionnellement le Carnaval de Paris : la promenade de masques et les cortèges.
La promenade de masques consiste en ce que les masques, c'est-à-dire les personnes déguisées, se retrouvent en grand nombre avec les curieux et admirateurs venus les voir, en un endroit donné à un moment donné. Voici ce que Dulaure dit de ce phénomène en 1787[35] :
« Rue Saint-Antoine, elle est fameuse pour le concours prodigieux des masques qui tous les ans, les derniers jours du carnaval, attirent un grand nombre de curieux. »
Parlant du mardi gras 19 février 1822, le Journal des débats rapporte le lendemain[36] :
« – Les rues Saint-Honoré, de Richelieu, et les boulevards étaient, cette après-midi, remplis d'une foule immense qui venait voir les masques, qui, cette année, n'ont pas été nombreux, mais il y avait beaucoup d'équipages brillants. »
Parlant du dimanche gras 9 février 1834, le Journal des débats écrit[37] :
« Aujourd'hui, par un très beau temps, les boulevards et la rue Saint-Honoré étaient parcourus dans toute leur étendue par une foule immense qui venait voir les mascarades du dimanche gras. Une double file de voitures de toute espèce circulait au pas dans ce long espace, au nombre de plusieurs milliers. »
L'affluence, la joie générale du Carnaval de Paris suscite des règlementations, telle cette circulaire du , aux Commissaires de police, qui les invite à veiller à ce qu'il n'y ait pas plus de deux personnes sur l'impériale d'une voiture conduisant des masques[38].
Les moments traditionnels de sorties de cortèges du Carnaval de Paris sont :
Le cortège du Bœuf Gras est mentionné à Paris en 1274. Sa première description connue date de 1712. Elle apparaît dans un passage du texte d'une pièce de théâtre à écriteaux donnée à l'occasion du Carnaval : Écriteaux des fêtes parisiennes données au public par la grande troupe des danseurs de corde du Jeu de paume d'Orléans, à la foire Saint-Germain, au mois de février 1712.[40]. Une autre description du Bœuf Gras, connue durant presque trois siècles comme la plus ancienne, date de 1739[41]. Cette fête traditionnelle parisienne prend une ampleur gigantesque au XIXe siècle devenant de facto la Fête de Paris dans le cadre du très grand Carnaval de Paris. On dit à Paris vers 1860 d'un personnage illustre du monde musical ou littéraire qui a eu l'honneur de voir un des bœufs gras de la fête baptisé du nom d'une de ses œuvres, qu'il est bœuf gras ou est entré à l'abattoir. Après 1870, le cortège du Bœuf Gras disparaît durant 25 ans à la suite d'une crise interne du syndicat des bouchers parisiens qui l'organisait : l'affaire Mathurin Couder.
Les cortèges de reines de la Mi-Carême existent au moins depuis le XVIIIe siècle. La Mi-Carême est déjà alors de facto la Fête des femmes de Paris. Le cortège de la Reine de toutes les blanchisseuses de Paris existe au moins depuis 1830. En 1891, à l'initiative de Morel président de la Chambre Syndicale des Maîtres de Lavoirs, ces différents cortèges sont utilisés ou remplacés par le cortège de la Reine des Reines de Paris. À cette occasion les étudiants des Beaux-arts rallient la fête avec un « char du lavoir des Beaux-Arts » en chantant l'hymne de leur école : Le Pompier.
En 1893 l'ensemble des étudiants parisiens avec leur armée du chahut se joint au cortège des blanchisseuses de la Mi-Carême. La participation massive des jeunes gens et jeunes filles des écoles est très appréciée et se poursuit au moins jusqu'en 1946. Elle fait de facto de la Mi-Carême la fête des étudiants parisiens. L'Association générale des étudiants de Paris-AGEP, appelée familièrement « l'A », s'y implique activement. Les étudiants sont aussi bien présents en 1936 et 1946. Le Figaro rapporte comment ils se joignent au grand cortège du Bœuf Gras de la Mi-Carême du jeudi 19 mars 1936 avec leur char appelé Et voilà le printemps. Le grand cortège de la Mi-Carême du jeudi 28 mars 1946 est essentiellement l'œuvre des étudiants, alliés aux Forts des Halles et soutenus par les grands journaux parisiens.
Il a existé au Carnaval de Paris mais seulement de 1822 jusque vers 1860 un troisième grand cortège resté célèbre. Il sortait le matin du Mercredi des Cendres :
Les cortèges centraux du Carnaval de Paris attirent des foules énormes venues de Paris et des banlieues alentour. Au point que fin XIXe début XXe siècle on est obligé d'interrompre la circulation des véhicules sur les grands boulevards durant les jours gras (dimanche, lundi et mardi gras) et le jeudi de la Mi-Carême.
Ces moments de liesse sont favorisés par des congés. En 1932, par exemple, le personnel de la Préfecture du département de la Seine bénéficie encore d'une demi-journée de congé le Mardi gras et le Jeudi de la Mi-Carême[42]
L'affluence au Carnaval de Paris est impressionnante. Par exemple, en mars 1895, on lit dans le compte-rendu du défilé de la Mi-Carême paru dans le Journal des débats[43] : « Sur la place de l'Hôtel-de-Ville, comme sur tous les autres points du parcours, une foule considérable, difficilement maintenue sur les terre-pleins et les trottoirs, attendait longtemps à l'avance l'arrivée du cortège. Trois vastes estrades étaient dressées devant le monument, et plus de quatre mille invités y avaient pris place. »
Le premier confetti était fait de dragées[45], puis de boulettes de plâtre. Celui, moderne, en papier, ne fut pas inventé à Paris, mais en Italie. En revanche, c'est son apparition au Carnaval de Paris en 1891 qui lui assura sa vogue mondiale.
Initialement chutes de papier perforé utilisé pour l'élevage du ver à soie, le premier confetti en papier était blanc. Il est décrit ainsi par Le Monde illustré du , commentant un dessin figurant la bataille de confettis de la journée de la Mi-Carême 1892[46]:
Des journaux parisiens du début des années 1890 donnent une version différente. Selon eux, le lancement du confetti dans la capitale eu lieu au Casino de Paris, en décembre 1891, à l'initiative de son administrateur, Monsieur Lué. Son père, ingénieur à Modane, lui ayant fait parvenir les chutes de papier utilisées à cette occasion.
Le confetti en papier apparut au Carnaval de Nice vers 1892 sous le nom de confetti parisiens[47], ce qui indique bien son origine.
Le confetti commença à être fabriqué en grande quantité. En France, dès les premières années de leur apparition, la fabrication, le transport et la vente de confettis et serpentins concernent des quantités très considérables. D'une note adressée début 1896 aux compagnies de chemins de fer par le Syndicat des Marchands de papiers en gros, il ressort que confettis et serpentins peuvent remplir des wagons de marchandises entiers pour un poids total de cinq à huit tonnes[48].
Paris exportait des confettis y compris à l'étranger. Les commandes comprenaient les couleurs souhaitées. Il fut même fabriqué du confetti doré.
L'emploi qui fut fait du confetti en papier et du serpentin confine à une véritable épopée durant la période 1891-1914 des confettis et serpentins au Carnaval de Paris. Rapportant la journée de la Mi-Carême à Paris, Le Petit Journal écrit que le place de l'Opéra : « On ne songeait qu'à se lancer des confettis par poignées ; le sol en était jonché à ce point qu'on enfonçait dedans jusqu'aux chevilles[51]. »
Le serpentin ne fut pas non plus inventé à Paris. Mais c'est son apparition au Carnaval de Paris en 1892 qui le lança mondialement. Il s'est aussi appelé à ses débuts spirale ou spirale-opéra. Dans une ordonnance de police du 7 juillet 1922 il est appelé : serpentin-spirale[52]. À l'origine du serpentin, on trouve le ré-emploi festif de fins de bobines des bandes de signaux morse en papier. Puis ils sont fabriqués spécialement et font cinquante à deux cents mètres de long.
Admiratif du Carnaval de Paris, Georges Clemenceau écrit en 1895 dans Le Grand Pan[53] :
« Jusqu'à deux heures du matin, dans la nuit tiède et grise, sous les fantastiques reflets de l'électricité, une foule joyeuse, aimablement riante, promenait sa belle humeur au long de nos boulevards, assourdis d'un épais tapis de haute lisse aux pointillés multicolores, entre deux rangées d'arbres follement enrubannés, festonnés, pelotés de banderoles flottantes agitant au vent tous les rayons de lumière enchevêtrées à plaisir. »
La vogue des confettis et serpentins s'arrêta dans la capitale à la suite de leur interdiction. Les serpentins furent interdits dès les années 1890. Les confettis depuis 1919 jusqu'à 1932.
Le théâtre est un lieu où le Carnaval de Paris prospère. Durant les jours gras on donne des bals masqués à la fin de la dernière représentation de la journée.
Le Ménestrel écrit, le 4 février 1838[56] :
Au bal du théâtre de la Renaissance est lancé, au Carnaval de Paris en 1839 et repris en 1840, le Galop des tambours, composé et dirigé par Jean-Baptiste-Joseph Tolbecque, chef d'orchestre des bals du théâtre de la Renaissance. Cette œuvre remporte un immense succès.
Des pièces sont spécialement écrites et jouées pour le Carnaval. En 1818, on lit à propos d'une pièce écrite et jouée pour le Carnaval : « Les Variétés ont donné une folie-carnaval pleine d'entrain et de gaité »[57].
Il existe dans les théâtres parisiens une programmation de Carnaval. En 1819, un chroniqueur, parlant de celle-ci, mentionne qu'il est d'usage à l'époque de ne jouer Molière à la Comédie-Française que durant les jours gras. Il est oublié ensuite. Cependant, la tradition est reprise par la suite.
Le théâtre influence aussi le Carnaval dans la rue. Certains personnages typiques du Carnaval de Paris, comme Robert Macaire et Bertrand, vers 1830, en sont directement inspirées.
D'une façon générale, les théâtres parisiens sont courus au moment du Carnaval. Le 21 février 1904, Julius écrit à ce propos dans La Revue diplomatique, faisant un jeu de mots avec la « crue de la Seine »[58] :
Durant les festivités du Carnaval de Paris, les institutions officielles s'impliquent. Des bals masqués sont donnés au palais des Tuileries, à l'Hôtel de ville, dans les ministères.
Durant la Commune de Paris en 1871, le communard Maxime Vuillaume dort un soir au ministère de la Justice place Vendôme. Son récit autobiographique publié par la suite se fait l'écho des bals masqués qui avaient lieu dans ce ministère[60] :
La danse et la musique sont traditionnellement indissociables du Carnaval de Paris. L'Almanach du Commerce de Paris pour l'année 1827 note que[72] :
Revenant chaque année, le Bal de l'Opéra est un événement marquant du Carnaval de Paris. Il apparaît en janvier 1716 et existe encore en 1927[73]. Créé par une ordonnance royale du Régent, en date du 31 décembre 1715, il attire une foule nombreuse. Au début du XIXe siècle, la police de Paris considère le montant de la recette du bal de l'Opéra comme un indice significatif de l'état de santé du Carnaval de Paris. C'est dans ce bal que vers 1840 Philippe Musard introduit le cancan ou coincoin, danse scandaleuse inventée par les blanchisseuses dans leurs fêtes.
Cette danse, qui se pratique alors en couple, est beaucoup plus provocante qu'aujourd'hui. Car les femmes portent des culottes fendues. Parlant de Jane avril et stigmatisant la danse scandaleuse, Joyant écrit : « Elle ne se commettait pas avec les danseuses du quadrille, la Goulue, Grille d'Égout, Rayon d'Or, la môme Tonkin ou la môme Fromage[74][source insuffisante]. » Immortalisée par Toulouse-Lautrec, une des plus célèbres interprètes de cancan, la Goulue était la fille de la patronne d'un lavoir de Clichy. Le cancan montré au cinéma ou son héritier touristique le french cancan est édulcoré et, avec ses culottes fermées, diffère beaucoup de son modèle d'origine.
Pour les bals du Carnaval de Paris des dizaines de compositeurs ont créé des centaines de partitions de musique au XIXe siècle. Ce sont généralement des quadrilles. Les partitions existent toujours, le plus souvent en réduction pour ensembles de musique de salon, pianoforte ou piano et aussi parfois pour musiques militaires. Il existe cependant des exceptions. Ainsi le département de la musique de la Bibliothèque nationale de France conserve des dizaines de partitions complètes pour orchestre d'Auguste Desblins. Mais elles ne sont plus jouées depuis cent-cinquante ans. La musique festive de danses de Paris au XIXe siècle a été célèbre dans le monde entier à l'égal des valses de Vienne et a marqué de son empreinte les traditions musicales de plusieurs pays et régions du monde.
Au nombre des plus fameux compositeurs de musique festive de danses de Paris au XIXe siècle on trouve Philippe Musard « le roi (ou le Napoléon) du quadrille », Louis-Antoine Jullien, Isaac Strauss, des Belges : les frères Tolbecque, etc.
Dans les années 1830-1850 les talents chorégraphiques de certains danseurs des bals du Carnaval de Paris comme Chicard, Balochard, Pritchard, la Reine Pomaré ou Céleste Mogador[n 2] en ont fait des célébrités parisiennes. Les émules de Chicard et Balochard furent à l'origine de la création des sociétés festives et carnavalesques des chicards et balochards qui jouèrent un grand rôle d'animation du Carnaval de Paris au côté d'autres sociétés comme les badouillards, flambards et braillards.
Le chant choral dans la rue participe de la liesse générale du Carnaval de Paris, comme le rappelle Jean Frollo dans Le Petit Parisien, parlant des premiers orphéons au début des années 1830[75] : « Ils étaient la gaieté de Paris, ces libres chanteurs qui se réunissaient pour faire la conduite aux camarades pris par la conscription ou qui animaient de leurs harmonieux refrains les fêtes du carnaval parisien. »
Le Carnaval de Paris en 1589 a un caractère orgiaque. On[style à revoir] y voit la nuit du mardi gras au mercredi des cendres des cortèges de Parisiens et Parisiennes défilant entièrement nus puis pratiquant la sexualité sans modération dans la rue. Le dépassement des interdits dans le domaine des mœurs parait s'être manifesté en d'autres occasions au Carnaval de Paris. Arnold Van Gennep en parle en 1947 dans son Manuel de folklore français contemporain. S'agissant de la pratique du travestissement, il écrit : « comme les romanciers l'ont observé souvent, le Carnaval, au milieu du XIXe siècle permettait à une honnête femme parisienne d'agir en fille entretenue, ou pire[76]. »
Le Carnaval de Paris sous Louis XVI et notamment celui de 1789 est décrit par le journal de Siméon-Prosper Hardy. Au Carnaval de Paris en 1831, la fête et l'émeute se juxtaposent sans se déranger mutuellement.
Le Mardi Gras 1878, l'Estudiantina espagnola, une troupe musicale espagnole composée de 64 étudiants costumés, défile dans Paris, avec guitares et tambourins, accueillie par 600 étudiants parisiens et une foule immense[77].
En 1881, Romain Bigot invente à Paris un instrument de musique étrange et bruyant : le bigotphone. Celui-ci est d'un usage à la portée de tous. Des goguettes s'en emparent et forment des sociétés bigophoniques. La première naît en 1885. D'autres suivent. Il en existe une trentaine en région parisienne en 1898[78]. Leur présence est très remarquée au Carnaval de Paris et la presse en parle. Par exemple, la société bigophonique des Étourdis ou de l'Académie culinaire voit sa photo publiée dans Le Petit Journal à l'occasion d'une aubade qu'elle donne à Rosa Blanche, Reine des Reines de Paris élue pour la Mi-Carême 1906[63][source insuffisante].
En 1891 est lancé au Carnaval de Paris le confetti moderne en papier. À ses débuts il est vendu au verre ou au kilo.
En 1892 est lancé au Carnaval de Paris le serpentin. Les premières années ils font 50 à 200 mètres de longueur sur un centimètre de largeur.
L'usage massif du confetti à Paris de 1891 à 1914, celui du serpentin, durant quelques années à partir de 1892, confine à une véritable épopée. La Seine à la sortie des égouts de Paris le lendemain matin des grandes batailles de confetti prend l'apparence d'une « immense banquise multicolore ». Les serpentins rendent les arbres dénudés des grands boulevards « tout chevelus et multicolores ». Confetti et serpentins subiront des interdictions répétées qui finiront par en réduire l'usage à Paris.
Extension du Carnaval : certaines salles de bal, au XIXe siècle, donnent toute l'année, une fois par semaine, un bal costumé. C'est le cas, par exemple, du bal du Moulin rouge.
À l'Hospice de la Salpêtrière existe à la fin du XIXe siècle un fameux bal des folles donné chaque année au moment de la Mi-Carême, ainsi qu'un bal des enfants épileptiques. De nombreuses personnalités y assistent.
En 1896 et 1897 les artistes et montmartrois pour se moquer du cortège du Bœuf Gras, qui ressort en grande pompe après 25 années d'interruption[79], organisent une Promenade de la Vache enragée ou Vachalcade. Destinée à être pérennisée cette fête de Montmartre ne connaît pas ensuite de nouvelles éditions.
Au Carnaval sont organisées des animations destinées aux enfants, comme ce bal du mardi gras dont parle Le Petit Parisien :
De 1904 à 1914 le Carnaval de Paris connaît des échanges internationaux : venue des reines parisiennes de la Mi-Carême à Turin, Milan, Rome, Naples, Prague... Délégations italiennes, espagnole, portugaise, suisse participant aux cortèges de la Mi-Carême. Des délégations venues de villes des provinces françaises participent également à ces cortèges. En 1905, la troupe du cirque de Buffalo Bill défile à Paris pour la Mi-Carême.
Le Carnaval de Paris va prospérer jusqu'en 1914 inclus. À partir de l'année suivante et durant toute la durée de la guerre il sera interdit.
Le 20 février 1847, L'Illustration écrit :
« Il n'y a qu'un carnaval à Paris, mais on en tire une infinité de copies. Ce n'est plus de Venise ou de Naples que part la fusée du rire durant les jours gras. L'Europe nous emprunte jusqu'à nos contorsions et nos grimaces. Si les cris et les ohé de nos titis et de nos chicards ont échos dans toutes les bourgades du vieux continent, sommes-nous bien assurés de trouver du neuf en le demandant au nouveau monde ? Lima ou Buenos-Ayres, par exemple, n'ont-elles pas aussi dans ces jours de liesse, leurs niches éclatantes, bâties de carton peint, inondés de lumière, où se retrouvent les figures, les silhouettes et les fantaisies de nos bals masqués ? »
Dans sa nouvelle intitulée Z. Marcas, publiée en 1840, Honoré de Balzac écrit[83] :
« Puis vint le carnaval, ce carnaval parisien qui, désormais, effacera l'ancien carnaval de Venise, et qui, dans quelques années, attirera l'Europe à Paris, si de malencontreux préfets de police ne s'y opposent. »
Il écrit également, dans son roman La Fausse Maîtresse, paru en 1841 dans le journal Le Siècle[84] :
« Chacun sait que depuis 1830 le carnaval a pris à Paris un développement prodigieux qui le rend européen et bien autrement burlesque, bien autrement animé que le feu carnaval de Venise. »
Aussi surprenant que cela puisse paraître de nos jours aux néophytes[Quoi ?], le Carnaval de Paris a eu une influence décisive sur le Carnaval de Rio. Spécialiste de l'histoire de ce carnaval, Felipe Ferreira, professeur de culture et arts populaires à l'Université d'État de Rio de Janeiro écrit à ce propos[85] :
« L'idée de mouvement se joint au concept de diversion et influence la manière dont le Parisien occupe son temps libre (après 1830). Le carnaval de la capitale française va incorporer ce concept de déplacement dans les promenades effectuées pendant la période carnavalesque. Et c'est ainsi que se promener à pied ou en voiture sur les grands boulevards, revêtus de costumes élégants, occupera les après-midi froides du carnaval de Paris.
C'est ce modèle d'occupation festive des rues que l'élite carioca décide d'importer et d'adapter au carnaval de Rio de Janeiro. Après leur implantation, les bals masqués sortent peu à peu dans les rues sous forme de mascarades. »
Comme l'explique Felipe Ferreira dans son livre L'Invention du Carnaval au XIXe siècle, Paris, Nice, Rio de Janeiro, les bals masqués du Carnaval de Rio ont été importés de Paris en réaction contre les vieilles traditions carnavalesques populaires lusitaniennes de l'entrudo dont la bourgeoisie carioca voulait se débarrasser. Cette importation s'est faite jusque dans les détails des costumes. Comme on peut le voir à la lecture de la Semana Ilustrada, en date du 7 février 1864. Cet hebdomadaire de Rio relève qu'au moment du Carnaval :
« Même les dénominations se francisent complètement, et les pierrots, les débardeurs, les zouaves apparaissent dans la société brésilienne comme s'ils avaient droit de cité. »
L'importation des traditions carnavalesques parisiennes à Rio est vue par la bourgeoisie au XIXe siècle comme un élément d'ordre et de civilisation contre le carnaval populaire traditionnel. Français présent à Rio, Richard Cortambert écrit dans L'Illustration en décembre 1868, à propos du Carnaval de Rio et ses traditions[86] :
« Pendant que les blancs s'abandonnent aux distractions mondaines ; les nègres se livrent avec une sorte de furie bestiale à tous les excès de la danse. »
Les cariocas adopteront par la suite avec enthousiasme la mode des confettis en papier lancée à Paris à partir de décembre 1891. Le Jornal do Commercio du 23 février 1906 rapporte dans sa description du Carnaval de Rio que :
« À 10 heures du soir une énorme masse de gens sur l'avenue Central, ont commencé avec enthousiasme à s'adonner au jeu des confetti[87]. »
Le Carnaval de Paris marque également de son influence l'Amérique française. Fondée en 1710, une des premières sociétés de carnaval de Mobile (Alabama) porte le nom de : « Boeuf Gras Society ». Elle défile durant 150 ans au Mardi Gras, depuis 1711 jusqu'à 1861. En tête de son cortège, le Bœuf Gras est représenté par la tête d'un énorme taureau poussée seule sur roues par seize hommes. Plus tard, une autre société de Carnaval, Rex, défile avec un véritable taureau, drapé de blanc[88].
Au Carnaval de La Nouvelle-Orléans le Bœuf Gras du Carnaval de Paris marque également son influence. En 1873, dans la parade de Mardi Gras de la société Rex, on voit devant le Bœuf Gras marcher un sacrificateur armé d'une massue directement inspiré par son homologue dans le cortège du Bœuf Gras parisien. Depuis 1909, le Bœuf Gras de la société Rex qui défile au Carnaval de la Nouvelle Orléans est symbolisé par une figure sculptée géante montée sur un char.
Au XIXe siècle, la figure centrale du Carnaval de la Martinique, le Papa Diab', figurant un impressionnant diable rouge, traîne derrière lui un bœuf de Carnaval : le Bœuf Mardi Gras.
En 1900 un cortège du Bœuf Gras est organisé à Montréal évoquant celui de Paris. Il défile dans le bâtiment d'une grande patinoire[89].
Le rire a une place privilégiée dans le Carnaval de Paris. Qui est l'occasion de raconter quantité d'histoires drôles, comme le rapporte A. Rolet dans La Presse littéraire, le [92] : « …jamais on n'entendit raconter dans Paris (au moment du Carnaval en 1861) plus d'histoires bouffonnes, désopilantes, incroyables sur les farces du carnaval ».
Faire du Carnaval l'occasion de récolter des fonds pour aider des personnes en situations de détresse est une tradition qu'on rencontre. Par exemple à Dunkerque et dans les villes alentour les sociétés philanthropiques et carnavalesques récoltent des fonds pour des bonnes causes via le prix d'entrée de leurs grands bals costumés. Des démarches similaires existaient à Paris au temps de la prospérité de son Carnaval.
Le Petit Journal, fidèle supporter du Carnaval de Paris reçoit des dons au moment de la fête. Ils sont mentionnés dans ses colonnes et destinés à une Caisse de secours immédiat. De l'argent est collecté sur le parcours des cortèges. Dans le compte-rendu du bal masqué de l'Opéra organisé le 16 février 1830, Le National écrit[93] :
L'épreuve de la Grande Guerre s'achève le 11 novembre 1918 jour de la Saint Martin début traditionnel de la période du Carnaval. La joie amenée par le retour de la paix donne à Paris des allures de Mi-Carême. Où en certains endroits l'Armistice est saluée à coups de confettis[101]. Les Parisiens espèrent bien vite retrouver la joie de leur Carnaval interdit durant quatre longues années.
Les adversaires de la fête ne souhaitent pas les laisser s'amuser. Déjà le manque de charbon sert à justifier le refus de la dérogation permettant aux cafés de fermer tardivement à Paris[95]. Il y est interdit de faire de la musique[95]. Contre le Carnaval, ses ennemis parviennent en 1919 à faire interdire l'usage des confettis sous de fallacieux prétextes d'hygiène et économie. Les confettis propageraient des maladies et les ramasser coûterait trop cher. Comme ils continuent à être autorisés et largement utilisés ailleurs, par exemple au Carnaval de Nantes, un journaliste de l'époque fait malicieusement remarquer que les confettis ne rendent malades qu'à Paris. En fait les interdictions du Carnaval se doublent toujours de prétextes divers. On empêche la fête pour des raisons de morale, hygiène, économies, manque d'argent, lutte contre le bruit, nécessité de ne pas troubler la circulation automobile, etc. Ce genre de discours justificateurs apparaît dès le XVIe siècle. Par exemple on interdit les masques en raison des désordres que leur vente pourrait occasionner. On n'interdit pas les masques parce qu'on est contre. Parallèlement à l'interdiction renouvelée chaque année des confetti à partir de 1919, les adversaires de la fête font maintenir l'interdiction des serpentins. En dépit des manœuvres anti-festives, dès mars 1919, le cortège de la Mi-Carême défile à nouveau.
L'acharnement anti-festif se doublera à un moment donné de la suppression des vacances des jours gras pour les enfants, qui sont déplacées à une autre période de l'année, ce qui permet d'empêcher les enfants de faire carnaval. Alors qu'un argument classique et traditionnel des adversaires de la fête consiste à écrire qu'y participer, se costumer, est très beau et bien uniquement pour les enfants et que pour les adultes c'est laid et ridicule. Ce sont des « pasquinades indignes de l'homme » comme l'écrit Benjamin Gastineau en 1855 en parlant du Carnaval de Paris.
Mais ce sont surtout d'autres raisons qui font que le Carnaval connaît une disparition progressive de la scène parisienne à partir du début des années 1920. Si belle, grande et traditionnelle soit-elle une fête a besoin d'être organisée. Or son organisation va défaillir. Le Comité des Fêtes de Paris, organisme privé qui organise la Mi-Carême depuis 1903 et fait sortir à cette occasion avec peu de moyens 500 000 Parisiens dans la rue connaît une grave crise à partir de 1921. Par ailleurs il n'existe pas de maire de Paris qui aurait pu soutenir la fête. Cette fonction officielle a été supprimée en 1794 et ne réapparaîtra qu'en 1977[102]. Durant cette longue période le préfet de la Seine nommé par le ministre de l'Intérieur et qui gère Paris privilégie la fête royale, impériale ou nationale plutôt qu'un Carnaval expression d'une ville longtemps réputée révolutionnaire et placée sous la surveillance directe de l'État. Dans les années 1930, on assiste à une démission complète des organisateurs habituels de la Mi-Carême, qui renoncent à organiser le grand cortège annuel et ne conservent des festivités que les mondanités : réceptions à l'hôtel de ville et par la presse. Seuls les étudiants et des initiatives locales continuent alors la tradition des défilés dans la rue.
Après 1919 défilent encore malgré tout deux grands cortèges du Carnaval de Paris :
Pour lutter contre l'oubli et renouer avec la joyeuse tradition, le 27 mai 1951 le Comité du bi-millénaire de Paris fait défiler un petit cortège du Bœuf Gras. L'opération sera répétée le 22 avril 1952, à l'initiative du Comité des Fêtes du 19e arrondissement de Paris. Puis le Bœuf Gras disparaît.
Dans les années 1950 et jusqu'en 1960 défilent des cortèges d'enfants costumés sur l'avenue des Champs-Élysée. Le nombre de participants peut atteindre plusieurs centaines. Ils sont accompagnés par un petit nombre d'adultes costumés[103][source insuffisante].
Le jeudi de l'Ascension 27 mai 1954, par un temps magnifique, un grand corso fleuri genre Carnaval est organisé pour l'ouverture de la Grande saison de Paris. Il attire une foule énorme. L'initiative qui a été prise en dehors de la période traditionnelle du Carnaval ne sera pas renouvelée.
Le 25 juin 1977 a lieu la Fête de l'été appelée également dans la presse le Carnaval des Carnavals. Cette fête est censée évoquer les Carnavals du monde. Dans son programme imprimé est mentionné le Bœuf Gras. Mais c'est un spectacle, pas une fête. Les Parisiens y sont conviés en spectateurs et ne sont pas appelés à y participer. Le défilé clou de la manifestation a lieu sur des péniches sur la Seine. Dans de telles conditions il est difficile de se mêler à pied au cortège... Sur la péniche censée évoquer Paris dans le défilé figure le bal musette où se côtoient le légionnaire et le marin[104][source insuffisante]. La tradition du Carnaval de Paris avec ses blanchisseuses, son Bœuf, ses costumes, ses grandes batailles de confettis, ses serpentins de 50 à 200 mètres de longueur, ses bals masqués, est de fait oubliée.
Les manifestations parisiennes à caractère festif des années 1980-1990 ne feront pas mieux de ce point de vue.
Par exemple la fête très réussie du Carnaval de Venise à Paris qui se déroule sous les arcades et dans les jardins du Palais-Royal le mardi gras n'y fait aucune allusion.
S'agissant des témoignages sur une fête, un Carnaval, et ici le Carnaval de Paris, la subjectivité du regard peut donner des résultats très divergents.
On peut comparer, par exemple, ces deux témoignages sur la même édition du Carnaval de Paris, celle de 1844. Le mardi gras tombait cette année-là le 20 février.
Le , Delphine de Girardin écrit[106] :
Le , L'Illustration donne une tout autre présentation du même événement :
Année | Dimanche Gras | Mardi Gras |
---|---|---|
2007 | 18 février | 20 février |
2008 | 3 février | 5 février |
2009 | 22 février | 24 février |
2010 | 14 février | 16 février |
2011 | 6 mars | 8 mars |
2012 | 19 février | 21 février |
2013 | 10 février | 12 février |
2014 | 2 mars | 4 mars |
2015 | 15 février | 17 février |
2016 | 7 février | 9 février |
2017 | 26 février | 28 février |
2018 | 11 février | 13 février |
2019 | 3 mars | 5 mars |
2020 | 23 février | 25 février |
2021 | 14 février | 16 février |
2022 | 27 février | 1er mars |
Le carnaval est décrit dans le journal du libraire parisien Siméon-Prosper Hardy (1729–1806).
En février 1790, le Carnaval de Paris est interdit par les autorités. Un journal favorable à l'interdiction écrit à cette occasion, peu après la date de la fête interdite[108] :
Un voyageur américain, Franklin James Didier écrit[109] :
En 1841, dans son roman La Fausse Maîtresse, Honoré de Balzac évoque le Carnaval de Paris 1838, ses réjouissances de rues et ses bals[110] :
« Chacun sait que depuis 1830 le carnaval a pris à Paris un développement prodigieux qui le rend européen et bien autrement burlesque, bien autrement animé que le feu carnaval de Venise. Est-ce que, les fortunes diminuant outre mesure, les Parisiens auraient inventé de s'amuser collectivement , comme avec leurs clubs ils font des salons sans maîtresses de maison, sans politesse et à bon marché ?
Quoi qu'il en soit, le mois de mars prodiguait alors ces bals où la danse, la farce, la grosse joie, le délire, les images grotesques et les railleries aiguisées par l'esprit parisien arrivent à des effets gigantesques. Cette folie avait alors, rue Saint-Honoré, son Pandémonium[112], et dans Musard son Napoléon[113], un petit homme fait exprès pour commander une musique aussi puissante que la foule en désordre, et pour conduire le galop, cette ronde du sabbat, une des gloires d'Auber, car le galop n'a eu sa forme et sa poésie que depuis le grand galop de Gustave[n 4]. Cet immense final ne pourrait-il pas servir de symbole à une époque où, depuis cinquante ans, tout défile avec la rapidité d'un rêve? »
Un ouvrage anonyme illustré décrit la ville en fête et son atmosphère joyeuse[115] :
« Paris est en carnaval : les boutiques sont closes ; à peine en est-il quelques-unes qui conservent un œil ouvert sur la rue, comme pour tenir un juste milieu entre leur intérêt et leur divertissement. Les rues s'emplissent de flâneurs, se bariolent de masques aux divers costumes, se sillonnent de voitures ; on se cherche, on s'appelle, on s'accueille au milieu des chants, des rires, et des joyeux propos. Les cabarets regorgent de buveurs qui s'animent ; — tout se mêle, se démêle, s'entremêle ; c'est un bourdonnement sourd encore, du milieu duquel percent à la fois les éclats de rire, les jurons des cochers, le choc des verres, et quelques grossièretés, prélude de la grande orgie de mots dont le boulevard[n 5] sera le théâtre dans quelques instants. »
La Sylphide écrit en 1846[118] :
Au nombre des dénigreurs et opposants à la fête parisienne, on trouve des moralistes qui jugent cette fête constituer des « pasquinades indignes de l'homme[120] », ou encore que l'abus de bals du Carnaval de Paris donne le cancer aux femmes et jeunes filles[121][source insuffisante]. Benjamin Gastineau, en 1855, fait partie de ceux qui condamnent le Carnaval de Paris au nom de la morale[122] :
Le 1er mars 1857, A. Rolet, dans La Presse littéraire, décrit quelques costumes de bals masqués parisiens[123] :
Dans Les Misérables, roman publié en 1862, Victor Hugo décrit le Carnaval de Paris en 1833, qu'il a connu[124].
Ce jour-là, et aussi les jours suivants, triomphe à Paris une Estudiantina, joyeuse troupe musicale de 64 étudiants costumés venue d'Espagne[129].
Elle inspire même une chanson au poète et goguettier Clairville, membre de la célèbre goguette du Caveau[130].
Le 7 mars 1878, Ch. Fried écrit dans Le Petit Parisien[77] : « Nous le disions bien, hier, que le carnaval n'était pas mort ! Depuis tantôt dix ans, il n'y avait pas eu autant de bruit, autant de foule, autant de mouvement. La pluie de la matinée n'y a rien fait. – Oh ! mais là, rien de rien ! – Ce qu'il y avait de monde dehors est absolument incalculable. C'était à croire qu'une notable partie de la France s'était donné rendez-vous dans les rues, sur les boulevards, places publiques et promenades de la grande ville.
À de certains moments, à de certains endroits, il était tout à fait impossible d'avancer. La foule, compacte, bouchait toutes les issues. Il fallait attendre une éclaircie. Au bout d'un instant, on se sentait porté en avant : la circulation était rétablie pour un peu de temps. Et toute cette masse de monde avançait lentement, mais sûrement, poussant, grouillant, bousculant, criant, riant, chantant. Ça a commencé dès le matin, dans le bas de la rue Montmartre. Quand, vers neuf heures, nous sommes arrivés à la hauteur de l'hôtel d'Angleterre, nous avons aperçu une véritable mer de têtes. Les badauds et les curieux d'outre-Seine avaient fait cortège aux six cents étudiants de Paris qui allaient souhaiter la bienvenue aux soixante-quatre membres de la Estudiantina espagnola. Joli coup d'œil, en vérité, que celui de cette grosse foule sympathique et gaie, qui poussait hurrah sur hurrah ».
La qualité musicale de ce groupe était telle, que La Voix des Écoles prétend, dans son numéro du 4 avril 1878, que ces 64 étudiants auraient été en fait une troupe espagnole d'artistes professionnels en tournée en France et déguisée en Estudiantina ! Elle aurait ainsi réussit à mystifier les étudiants parisiens, la presse, la présidence de la République et jusqu'à Victor Hugo en personne[131].
Au cours des années, par manque de curiosité, refus de s'informer ou hostilité, on trouve fréquemment annoncée la disparition imaginaire du Carnaval de Paris ou d'un de ses grands événements. Par exemple, la célèbre parade carnavalesque de la descente de la Courtille, qui existe jusqu'en 1862, est annoncée disparue en 1838. Le Carnaval de Paris est annoncé disparu en 1870, etc. De ce genre de disparitions imaginaires, L'Univers illustré s'amuse en 1879[132] :
La période du Carnaval était à Paris un grand moment gastronomique. En témoignent ces deux menus. Ils ont tous les deux été publiés dans Le Figaro, l'un le dimanche 20 février, l'autre le mardi :
LE GRAND–HÔTEL[n 6]
En 1896 après vingt-cinq ans d'interruption défile un très grand cortège du Bœuf Gras. Durant les trois journées des dimanche lundi et mardi gras 16, 17 et 18 février il parcourt 43 kilomètres dans Paris. À l'époque le confetti en papier et les serpentins n'existent que depuis quelques années. Voici la fin d'un article du journal quotidien L'Éclair du 17 février 1896 :
Le jeudi de la Mi-Carême , le Bœuf Gras traverse tout Paris depuis le parc des expositions de la porte de Versailles jusqu'aux abattoirs de la Villette, en passant par le Boul'Mich, le parvis Notre-Dame, l'hôtel de ville, le Boulevard Sébastopol et la Gare de l'Est. À ce cortège se joint Et voilà le printemps, char des étudiants parisiens. C'est à ce jour la dernière sortie à grande échelle du Bœuf Gras.
1994 – Depuis cette date le Carnaval de Paris a donné lieu à la création d'un certain nombre d'affiches[159].
Cette liste comprend 88 chansons classées par ordre alphabétique.
Le Carnaval de Paris est l'occasion de lancer des chansons. Ce fait est au moins attesté pour les fêtes de la Mi-Carême 1926. Le 6 mars de cette année, on lit dans le journal Comoedia[260] :
La même année existait une chanson officielle du Carnaval de Nice[261].
Des géants et des grosses têtes ont participé et participent au Carnaval de Paris. On peut voir la représentation dessinée ou photographiée d'un certain nombre d'entre eux sur la base Commons de Wikipédia : Géants du Carnaval de Paris.
Le Carnaval de Paris a inspiré des poètes, écrivains, auteurs de théâtre :
Le Carnaval de Paris a aussi inspiré des compositeurs de musiques :
Comme dans d'autres carnavals, il existait traditionnellement des personnages typiques du Carnaval de Paris. Un certain nombre d'entre eux nous sont connus par la documentation conservée.
Liste non exhaustive :
Au moins 176 photos de presse de la Mi-Carême prises entre 1908 et 1934 sont consultables sur site Gallica de la BNF.
Dessinées par Auguste Lapierre vers 1850, huit plaques de verre coloriées pour lanterne magique conservées à la Cinémathèque française à Paris représentent le cortège de la Promenade du Bœuf Gras. Sur l'une figure le Bœuf Gras, et sur les sept autres divers éléments de son cortège[521].
Jadis parait chaque année une ordonnance de police règlementant le Carnaval de Paris. Pour une part, elle dresse a contrario un tableau intéressant d'un certain nombre de choses qui se font, ou qu'on est tenté de faire, au Carnaval de Paris. Et que les autorités éprouvent le besoin de réprimer ou tenter de réprimer.
En , voici ce que dit à propos de l'ordonnance règlementant le Carnaval de Paris la Revue municipale, contenant toutes les matières de droit commun[522] :
Organisant la festivité et intervenant dans son Carnaval, Paris a compté des centaines de sociétés festives et carnavalesques.
L'article Liste de goguettes répertorie 710 Goguettes de Paris, des barrières et de la banlieue de Paris. L'article Liste de sociétés bigophoniques répertorie 197 goguettes organisées en sociétés bigophoniques.
Ces deux listes ne prennent pas en compte les autres genres de sociétés festives et carnavalesques parisiennes. Certaines, qui intervenaient dans le cadre du Carnaval de Paris, existent toujours, comme la société festive traditionnelle étudiante de la Faluche.
Profitant aussi des jours gras,
Le traiteur déguise ses plats,
Nous offre vinaigre en bouteille,
Ragoût de la veille,
Daube encor plus vieille.
Nous payons bien, nous soupons mal...
V'là c' que c'est que l' carnaval[16].
De cette saison fortunée
J'aime surtout les bons repas,
Homme, femme fraîche ou fanée,
Chacun fait bombance aux jours gras.
Même alors, plus d'une grand-mère
Se prépare un petit régal,
Et trouve le moyen de faire
Son carnaval[18].
Parlant du Carnaval, La Revue illustrée, qui paraît à Paris, écrit en 1906[523] :
« On saura s'amuser tout comme un autre, a dit le bourgeois : et Dieu sait comment il s'y prend ! Pendant le carnaval, c'est-à-dire du jeudi-gras au mercredi des cendres, ses plus chères voluptés sont celles qui le sont le moins. En première ligne, nous trouvons les beignets ; et quels beignets, grand Dieu ! (Plus loin, cet ouvrage parle des crêpes[524]). »
Une rue de Paris était jadis nommée en l'honneur du Carnaval. Ce fait est attesté en 1652, sur le plan de Gomboust, où elle porte le nom de rue Carême-Prenant. À la même époque, le plan de Jaillot l'appelle ruelle de l'Héritier. Carême-Prenant est un synonyme du mot Carnaval largement utilisé en France jusqu'au XIXe siècle. C'est rue Carême-Prenant que se trouvait l'entrée de l'hôpital Saint-Louis, qui se dirigeait vers les Récollets[525].
Sur le plan de Delagrive de 1728, la rue Carême-Prenant est devenue la ruelle des Vinaigriers. C'est à présent la rue des Vinaigriers, amputée en 1946 d'une partie rebaptisée rue Jean-Poulmarch.
En région parisienne existe encore aujourd'hui une rue Carême Prenant à Argenteuil[526], une impasse Carême Prenant à La Courneuve et une rue du Carnaval à Crosne[527].
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