Dans l’Église catholique romaine, ceux auxquels ce titre est accordé, autrefois appelés évêques in partibus, pour in partibus infidelium («en pays des infidèles»), par référence à d’anciens diocèses disparus au cours de l’histoire, sont depuis Léon XIII (1882) dénommés «évêques titulaires»[1]. Tout évêque, même s’il est contraint à la démission, reste «évêque d'un lieu particulier»; il lui est alors donné le titre d'un siège titulaire.
Malgré le nombre important d'évêques titulaires (qui tous ne sont pas titulaires d'un siège titulaire) dans l'Église catholique latine, la pertinence théologique de ces évêques sans charge pastorale personnelle réelle suscite des débats[2]. La question est de savoir si la collation d’une Église sans existence réelle constitue ou non un cas d’«ordination absolue» (c’est-à-dire sans détermination pastorale) condamnée par le premier concile de Nicée (325).
Dans les Églises catholiques orientales, seuls les évêques chargés de la pastorale d'une éparchie sont des évêques diocésains stricto sensu; tous les autres, quel que soit le ministère qu'ils exercent ou ont exercé, sont évêques titulaires[5].
Selon cette norme canonique, les évêques titulaires sont[6]:
les prélats qui exercent leur charge au service du Pape dans la Curie romaine[7], tels que les préfets et présidents des dicastères pontificaux et tous les fonctionnaires décorés de la dignité épiscopale; à l'exception des cardinaux, qui ont leur propre titre, ou des évêques émérites qui travaillent dans la Curie, les autres se voient attribuer le titre d'un diocèse éteint ou supprimé;
les légats pontificaux qui exercent les fonctions de représentation du Siège apostolique auprès des Églises particulières, des États et des organisations internationales[8], tels que les nonces apostoliques et les délégués apostoliques; ces prélats reçoivent le titre d'un diocèse éteint ou supprimé;
ceux qui sont nommés à l'épiscopat en vue d'une fonction exercée ou à exercer sur le territoire de divers diocèses au nom du Saint-Siège ou des Conférences épiscopales[9]; le titre d'un diocèse éteint ou supprimé est également attribué à ces prélats;
les évêques émérites, c'est-à-dire tous les évêques diocésains qui, pour des raisons de santé ou pour avoir atteint la limite d'âge ou pour d'autres raisons, ont présenté la démission de leur charge, acceptée par le Souverain Pontife[10]; jusqu'en 1970 ces évêques recevaient le titre d'un diocèse éteint ou supprimé; par décision du Pape Paul VI, ils conservent maintenant le titre du diocèse auquel ils ont renoncé[11];
les évêques coadjuteurs et les évêques auxiliaires, c'est-à-dire les prélats qui collaborent avec l'évêque diocésain et qui lui sont canoniquement subordonnés[12]; les évêques auxiliaires se voient attribuer le titre de diocèse éteint ou supprimé, tandis que les évêques coadjuteurs, par décision du pape Paul VI en 1976, portent le titre du diocèse auquel ils sont destinés[13];
dans les Églises catholiques orientales, tous les évêques non diocésains sont des évêques titulaires, comme les évêques des curies patriarcales et les curies des Églises archiépiscopales majeures, les visiteurs apostoliques, les exarques.
Le concile de Nicée a peut-être connu en son sein quelques évêques chassés de leur diocèse. Cependant, il établit que les clercs doivent toujours être attachés à une Église (canon 15). Plus explicite, le concile de Chalcédoine (451) pose l’interdiction d’ordonner un clerc, y compris un évêque, sans lui confier un lieu à desservir (canon 6). Dans l’esprit de ces conciles anciens, il s’agit d’une communauté réelle de chrétiens et non d’un titre reposant sur une fiction juridique.
Plus tard, surtout aux VIIeetVIIIesiècles, un grand nombre de diocèses, particulièrement en Afrique du Nord, en Espagne et au Proche-Orient, perdent leurs fidèles en raison des persécutions, après les invasions sarrasines et ottomanes: certains (les ma'mīnīm ) se convertissent à l’islam pour éviter le kharadj (double capitation sur les non-musulmans) et le devshir (enlèvement des garçons pour être enrôlés dans les armées musulmanes); d’autres s’enfuient pour échapper aux persécutions et à l’esclavage: ces diocèses disparaissent donc et sont abandonnés. Par exemple, on évalue à environ 480 le nombre de diocèses disparus en Afrique du Nord[14] et il en est de même en Asie mineure[15]. Ils ne sont pas supprimés cependant, l’Église souhaitant garder la mémoire de ces communautés chrétiennes des premiers siècles du christianisme.
D’autres disparaissent avec la conquête de la Terre sainte par les Arabes au VIIIesiècle puis par les Turcs vers 1268. Les évêques chassés sont reçus comme auxiliaires dans des diocèses d’Europe. À leur mort, leurs successeurs comme auxiliaires reçoivent également leur titre et diocèse, connu alors comme étant in partibus infidelium (i.p.i.). Dans l’Église catholique, cette manière de faire est réglementée par le concile de Vienne de 1311; à partir du cinquième concile du Latran (1512-1517) et sous le pontificat de Léon X, ces titres sont également accordés aux cardinaux de la Curie romaine qui le souhaitent. La coutume s’élargit et se développe au point qu’il est octroyé à tous les prélats consacrés évêques sans qu'ils reçoivent pour autant de juridiction territoriale (auxiliaire, vicaire apostolique, prélat de la Curie romaine).
Des réorganisations ecclésiastiques aux XVIIIeetXIXesiècles, avec la suppression de diocèses, ont également créé de nouveaux sièges titulaires. Ainsi, par exemple, Ypres et Tongres, en Belgique, Natchez et Kearney aux États-Unis, Lindisfarne en Angleterre et d’autres en Irlande.
Au XIXesiècle, acquiesçant à la demande des Églises catholiques orientales, le pape Léon XIII, par sa lettre apostolique In suprema du change la dénomination de l’évêque in partibus infidelium en «évêque titulaire»[16]. Il y aurait au total près de 2 000 sièges titulaires.
Exemple historique
Un exemple intéressant de diocèse in partibus infidelium ayant eu une certaine durée est celui de Bethléem. En 1168, le croiséGuillaume IV, comte de Nevers, avait promis à l'évêque de Bethléem que, si cette ville devait tomber aux mains des musulmans, il l'accueillerait, lui ou ses successeurs, dans la petite ville de Clamecy, sur ses terres de Bourgogne. Après la prise de Bethléem par Saladin en 1187, la volonté du défunt comte fut honorée et l'évêque de Bethléem élut domicile dans l'hôpital de Panthénor, à Clamecy, en 1223. Clamecy demeura le siège permanent de l'évêché in partibus infidelium de Bethléem pendant près de six cents ans, jusqu'à la Révolution française en 1789[17]. Bethléem est toujours diocèse titulaire, même s’il est vacant (en 2013).
Ces listes non exhaustives concernent les évêchés titulaires reconnus par l’Église catholique romaine et figurant dans l’Annuario pontificio du Saint-Siège (2010) qui donne une liste de près de 2 000 sièges titulaires. Pour la plupart, ce sont les mêmes qui sont reconnus par les Églises orthodoxes. Les plus prestigieux, comme ceux d’Antioche (supprimé en 1964[32]), d’Égypte, d’Éphèse, de Nicée ou de Palestine, ont parfois eu plusieurs évêques titulaires dans différentes Églises (Église catholique et une ou plusieurs Églises orthodoxes).
Archevêchés et d’évêchés titulaires situés en France
Sièges titulaires actuellement situés sur le territoire de l'archidiocèse d'Avignon, relevés par les archevêques d'Avignon entre 1877 et 2009, et restaurés en .
Ptolémaïs en Thébaïde (siège archiépiscolal(it)), Ptolémaïs en Libye (siège(it)), Ptolémaïs en Phénicie, ou Acre (siège(en)), Ptolémaïs en Phénicie (siège maronite(it))
Après la séparation des Églises d'Orient et d'Occident, celle de Rome a aussi utilisé la locution pour désigner des sièges diocésains qui n'ont pas disparu, mais qui échappaient à sa juridiction, étant pourvus d’evêques des églises orientales: c’est pourquoi, au XIXesiècle, les Églises catholiques orientales ont obtenu du pape Léon XIII que, par la lettre apostolique In suprema du , la dénomination d’évêque in partibus infidelium soit changée en «évêque titulaire» et les diocèses concernés en «diocèses titulaires».
CDC, canon 443 § 1,3, canonj 450 § 1; décret Christus Dominus no42, par exemple, comme directeurs d'œuvres missionnaires pontificales, assistants ecclésiastiques de l'Action catholique, recteurs d'universités catholiques ou autres cas particuliers
Sophie Métivier et Sylvain Destephen, Chorévêques et évêques en Asie Mineure au IVeetVesiècles dans «Persée» Volume 15, Numéro 1 de 2007, p.343-378 sur .
Il n'y a d'ailleurs pas que dans les régions où le christianisme a disparu ou est devenu minoritaire qu'on trouve des anciens diocèses: cela peut également provenir d'une simple réorganisation de la couverture du territoire: ainsi la Corse, pays catholique, ne compte pas moins de cinq anciens diocèses devenus sièges titulaires.
L. de Sivry, Dictionnaire de Géographie ecclésiastique, édition de 1852, p.375. Archives ecclésiastiques des lettres adressées par les évêques in partibus de Bethléem aux évêques d'Auxerre.