Haïti
État des Caraïbes sur l'île d'Hispaniola / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Haïti, en forme longue république d'Haïti[alpha 1] (Ayiti, en forme longue Repiblik d Ayiti[11] ou Repiblik Ayiti), est un État des Grandes Antilles, occupant le tiers occidental de l'île d'Haïti (soit 27 750 km2 environ), les deux tiers orientaux étant occupés par la République dominicaine. Sa capitale est Port-au-Prince et son point culminant est le pic la Selle (2 680 m d'altitude).
République d'Haïti
(ex-Saint-Domingue)
(ht) Repiblik Ayiti
Drapeau d'Haïti |
Armoiries d'Haïti |
Devise |
Liberté, Égalité, Fraternité (devise nationale)[1] L'union fait la force (s)[2] |
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Hymne |
La Dessalinienne |
Fête nationale | |
· Événement commémoré |
Plus grande ville | Port-au-Prince |
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Superficie totale |
27 750 km2 (classé 146e) |
Superficie en eau | 1,9 % |
Fuseau horaire | UTC -5 (toute l'année en 2016) |
Entité précédente | |
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Indépendance | France |
Déclarée | (220 ans) |
Gentilé | Haïtien, Haïtienne |
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Population totale (2020[3]) |
11 067 777 hab. (classé 81e) |
Densité | 399 hab./km2 |
PIB nominal (2022) |
20,168 milliards de $ - 4,03 %[4] |
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PIB (PPA) (2022) |
38,476 milliards de $ + 6,59 %[4] |
PIB nominal par hab. (2022) |
1 671,512 $ - 5,30 %[5] |
PIB (PPA) par hab. (2022) |
3 188,932 $ + 5,18 % [5] |
Dette publique brute (2022) |
Nominale 481,335 milliards de G + 16,92 % Relative 22,505 % du PIB - 7,10 % |
Monnaie |
Gourde haïtienne (HTG ) |
IDH (2021) | 0,535[6] (faible ; 163e) |
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IDHI (2021) | 0,327[6] (143e) |
Coefficient de Gini (2012) | 41,1 %[7] |
Indice d'inégalité de genre (2021) | 0,635[6] (163e) |
Indice de performance environnementale (2022) | 26,1[8] (173e) |
Code ISO 3166-1 |
HTI, HT |
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Domaine Internet | .ht |
Indicatif téléphonique | +509 |
Organisations internationales |
OIF CIRG33ONU |
La défaite de l'armée française au cours de l'expédition de Saint-Domingue, au terme de la révolution haïtienne[12], est à l'origine de la création de la république d'Haïti, qui devient en 1804 la première république noire, le premier État noir des Temps modernes et le deuxième État indépendant d'Amérique (après les États-Unis)[13].
Haïti est aussi le seul territoire francophone indépendant des Caraïbes, dont il est également le pays le plus peuplé[14].
Après avoir été une des premières destinations des Caraïbes dans les années 1950 à 1970 et avoir manqué la transition démocratique après la chute des Duvalier (François Duvalier, dit « Papa Doc », et son fils Jean-Claude Duvalier, dit « Baby Doc »), Haïti, surnommée « la Perle des Antilles » depuis l'époque coloniale, fait l'expérience d'une démocratie renaissante et tente de s'organiser et de se reconstruire après le violent séisme du [15],[16].
Haïti est membre observateur et invité permanent de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) et est membre de l'Organisation des Nations unies (ONU), de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), de la Commission internationale du riz (CIR) et du G33.
Chez les Taïnos, Ayiti signifierait, selon les versions, « terre des hautes montagnes »[17],[18],[19] ou « la montagne dans la mer »[20], ou « âpre terre »[21].
Lorsque les flibustiers français — qui ont d'abord envahi l'île de la Tortue au nord — migrent vers la partie occidentale de l'île d'Hispaniola, ils francisent en Saint-Domingue le nom de Santo Domingo, qui est celui de la capitale de l'île fondée par les Espagnols au sud-est de celle-ci.
De 1630 à 1664, ce nom reste informel jusqu'à ce que Colbert incorpore la « colonie de Saint-Domingue » à la Compagnie française des Indes occidentales. Le nom de Saint-Domingue sera confirmé par les traités de Ryswick (1697) et de Bâle (1795) pour désigner la partie occidentale qui, durant cette période coloniale française, est aussi surnommée la « perle des Antilles ».
Le , en déclarant l'indépendance du pays, Dessalines lui redonne le nom taïno d'origine, « Haïti », en honneur à ce peuple amérindien[22].
Peuplement amérindien, arrivée des Espagnols et établissement de la traite des Noirs
Peuplement amérindien
Les peuples de culture arawak, kalinago et taïno occupent l'île avant l'arrivée des Espagnols. La présence des Taïnos est attestée par les fouilles archéologiques entreprises dans la Grotte Marie-Jeanne, dans la commune de Port-à-Piment, située au sud du pays. Puis, débarquant le , Christophe Colomb la nomme l'île Hispaniola, alors que les indigènes la nommaient de trois façons : Ayiti, Quisqueya et Bohio. On estime qu'environ 100 000 indigènes[citation nécessaire] peuplaient l'île d'Hispaniola à la fin du XVe siècle.
Arrivée des Espagnols et établissement de la traite des Noirs
Les Espagnols exploitent l'île pour son or. Les Amérindiens refusant de travailler dans les mines sont réduits en esclavage ou massacrés ; les rares personnes qui réussissent à s'échapper trouvent refuge dans les montagnes et sont marginalisées et fortement paupérisées. Les maladies infectieuses arrivées avec les Européens font des ravages. Les mauvais traitements, la dénutrition et la baisse de natalité font le reste : la population indigène est exterminée en quelques décennies.
Les Espagnols font alors venir d'Afrique des esclaves noirs déportés. En 1517, Charles Quint autorise la traite des esclaves, qu'il interdira dès la décennie suivante, mais sans succès, pas plus qu'ensuite le pape Paul III.
La partie ouest d'Hispaniola, dépourvue de minerai, est vite négligée par les colons espagnols, qui la laissent vide. Des boucaniers français s'y installent, malgré plusieurs expéditions militaires espagnoles. Au XVIIe siècle, sous l'autorité du cardinal de Richelieu, l'installation française s'institutionnalise. L'île de la Tortue, au nord-ouest d'Hispaniola, devient le siège de la flibuste. Ces aventuriers gagnent peu à peu la « Grande terre » : en 1654, ils créent la première ville de la future Saint-Domingue : Petit-Goâve. Le premier gouverneur de la colonie est Bertrand d'Ogeron, nommé en 1665. Sachant se faire accepter des flibustiers, il organise la colonisation par la venue de Français qui s'engagent à travailler trois ans avant de devenir propriétaires de terres (on les appelait les « 36 mois ») et celle de « filles à marier »[23]. Il favorise la plantation de tabac. Ainsi, il sédentarise une population de boucaniers et de flibustiers peu portée à accepter l'autorité royale jusqu'aux années 1660. Bertrand d'Ogeron attire aussi des colons de Martinique et de Guadeloupe.
Mais en 1670-1690 intervient la crise du tabac et un grand nombre de places sont abandonnées. Les rangs de la flibuste grossissent, les pillages, comme ceux de Vera Cruz en 1683 ou de Campêche en 1686, se multiplient et Jean-Baptiste Colbert, ministre de la Marine, ramène l'ordre en prenant un grand nombre de mesures. Il transfère le gouvernement à Port-de-Paix en 1676. Il encourage la création de plantations d'indigo et de canne à sucre. Le premier moulin à sucre est créé en 1685. Enfin, il réglemente l'esclavage en préparant le Code noir (qui sera promulgué en 1685, après sa mort). Avant l'adoption de ce code l'esclavage était théoriquement interdit, mais largement pratiqué dans la réalité. L'ensemble de ces actions permet l'essor économique de la colonie.
À la suite du traité de Ryswick de 1697 et de l'accession au trône d'Espagne d'un petit-fils de Louis XIV, les Espagnols renoncent à contester la souveraineté de la France sur le tiers occidental de l'île. La France officialise le nom de Saint-Domingue pour cette partie de l'île. C'est alors que viennent de France de nombreux colons qui développent les plantations ou travaillent dans celles-ci. De 1713 à 1787, 30 000 Français viennent grossir le nombre des colons présents dans la partie ouest de l'île.
Les guerres éclatent en Europe et se prolongent sur les mers jusqu'aux Antilles et aux Caraïbes. En 1756, le commerce est paralysé. Un grand nombre de colons et leurs familles quittent Saint-Domingue pour la Louisiane, où ils s'installent dans des Postes établis par la France et administrés par des militaires.
Vers 1790, Saint-Domingue est cependant la colonie française la plus riche d'Amérique grâce aux profits immenses générés par le travail des esclaves de l'industrie sucrière et de celle de l'indigo. Des dizaines de milliers d'Africains ont été déportés chaque année comme esclaves pour faire fonctionner ces industries (dans les années 1780, ils sont déportés dans la colonie au rythme de 36 000 par an pour remplacer leurs prédécesseurs morts à la tâche[24]) ; leur sort est juridiquement encadré par le Code noir, mais, dans les faits, ils subissent des traitements souvent pires que ceux prescrits par ledit code. Leur nombre (400 000) est dix fois plus élevé que celui des Blancs, avec une centaine de milliers d'Africains déportés à Saint-Domingue pendant les 10 ans précédant la Révolution française[25].
De la révolte des esclaves à la proclamation de l'indépendance
Avant la Révolution une Société des amis des Noirs est créée en France en 1788. Elle se donne pour objectif d'obtenir l'abolition de l'esclavage. La Révolution française entraîne de graves bouleversements sociaux dans les petites Antilles comme à Saint-Domingue.
De nombreux députés français réclament l'abolition comme l'abbé Grégoire. S'ensuivent des révoltes d'esclaves qui se terminent en 1793 avec l'abolition de l'esclavage par les commissaires civils Sonthonax et Polverel, décision avalisée et généralisée à l'ensemble des colonies françaises par la Convention six mois plus tard (première abolition de l'esclavage le 16 pluviôse an II, donc le ). La grande majorité des non-esclaves ayant fui la colonie, soient-ils Européens ou gens de couleur, les plantations et habitations du pays sont collectivisées par le gouvernement provisoire et mises sous le contrôle des cultivateurs[25]. Toussaint Louverture, nommé gouverneur général à vie de Saint-Domingue par la France, après avoir rétabli la paix, chasse les Espagnols et les Anglais qui menaçaient la colonie. La promulgation le 3 juillet 1801 d'une constitution autonomiste lui permet de développer la cohésion des citoyens de l'île. L'abolition de l'esclavage ayant entraîné le ralliement à l'Angleterre des autres colonies françaises, Napoléon Bonaparte, sous l'influence des Créoles (Français — et Espagnols — nés sur l'une des îles des Antilles, plus tard en Louisiane aussi) et des négriers, décide de rétablir l'esclavage. Il envoie en décembre 1801 une expédition de 30 000 hommes sous les ordres de son beau-frère, le général Leclerc, avec pour mission de démettre Louverture et de rétablir l'esclavage à Saint-Domingue.
Aux États-Unis, les riches planteurs prennent peur et contribuent à financer une expédition pour mater ce qu'ils perçoivent comme une révolte d'esclaves[26]. Mais, après quelques victoires, l'arrestation (faux rendez-vous diplomatique, avec promesse de Bonaparte de sauf-conduit, non respectée[27]) et la déportation de Toussaint Louverture, arrêté le , les troupes françaises commandées par Donatien de Rochambeau sont définitivement battues par Jean-Jacques Dessalines, qui avait rejoint l'insurrection, à la bataille de Vertières le 18 novembre 1803.
Au terme d'une double bataille, la Déclaration d'indépendance[28] du pays est proclamée le . Le nom d'Haïti (ancien nom de l'île du temps des Indiens Caraïbes) est donné au territoire. Haïti est le premier pays au monde issu d'une révolte d'esclaves.
Du gouvernement de Dessalines à l'élection de Faustin Soulouque
Dessalines est proclamé gouverneur à vie par ses troupes. L'histoire rapporte qu'il exécuta la plupart des quelque 10 000 Blancs restés sur l'île et gouverna en despote. Il est assassiné à son tour le par des mulâtres. Le pays se divise alors en deux : un royaume au nord, commandé par le roi Henri Christophe, et une république au sud, dirigée par le mulâtre Alexandre Pétion.
Le président Pétion initie des négociations pour la reconnaissance d'Haïti en 1814. Elles durent jusqu'en 1824. Le , le roi de France Charles X promulgue une ordonnance reconnaissant l'indépendance du pays contre une indemnité de 150 millions de francs-or (la somme sera ramenée par Louis-Philippe Ier en 1838 à 90 millions de francs). Les efforts d'Haïti pour payer l'indemnité entraveront significativement son développement[29] car cela représentait six francs par an et par habitant.
En 1822, le président Jean-Pierre Boyer réunifie les deux parties nord et sud et conquiert la partie est de l'île, colonie espagnole. Le , malgré les attaques incessantes de la part des Haïtiens, la République dominicaine se déclare à nouveau indépendante ; l'occupation de la partie espagnole de l'île d'Hispaniola pendant ces 22 années par les Haïtiens — qui y commettent exactions et abus de pouvoir à répétition — laisse un fort mauvais souvenir aux Dominicains.
Une longue succession de coups d'État suit le départ de Jean-Pierre Boyer. Le président Louis Pierrot, qui reste moins d'un an au pouvoir, rétablit en 1846, la mémoire de l'empereur Jean-Jacques Dessalines, bannie par ses prédécesseurs. Le pouvoir ne cesse d'être contesté par des factions de l'armée, les élites mulâtre et noires, et la classe marchande, désormais composée majoritairement d'étrangers (Allemands, Américains, Français et Anglais). Le pays s'appauvrit, peu de chefs d'État se préoccupent de son développement. Dès que le pouvoir se fragilise, des révoltes armées se déclenchent, entretenues par les candidats à la succession.
En 1847, Faustin Soulouque est élu président de la République : il transforme le pays en empire d'Haïti le et devient Faustin Ier. Despote, il fuit le pays à la suite d'un soulèvement populaire en 1859.
Guerre financière, révolution de 1915 et occupation américaine
Guerre financière et révolution de 1915
Depuis 1906, le pays est dans le champ d'application de la « diplomatie du dollar » et le département d'État fait pression en 1910-1911 sur Port-au-Prince pour assurer l'entrée de la Citibank dans le capital de la Banque nationale. Depuis, la National City Bank s'emploie à conquérir de l'intérieur l'institution tout en essayant d'acculer les gouvernements haïtiens, endettés, à accepter le contrôle des douanes. En , des troupes américaines s'emparent de fonds publics contenus dans la banque et les transfèrent aux États-Unis, malgré les protestations haïtiennes contre un « acte de piraterie internationale »[30].
Le vice-président de la Banque nationale, Roger L. Farnham, définit le plan qui sera adopté par le département d'État. Il s'agit, à la faveur d'une occupation militaire, de contrôler l'ensemble de l'administration et ainsi de favoriser les intérêts économiques américains dans le pays. En dépit d'une forte pénétration par les capitaux américains de l'économie haïtienne (chemins de fer, transports urbains, électricité, etc.), la Constitution refusait aux étrangers le droit de propriété immobilière, les tenant éloignés de nombreux secteurs (sucre, café, coton, tabac, bois, etc.)[30].
En dehors des interférences américaines, le pays est en état d'insurrection quasi permanente. De 1910 à 1915, cinq présidents se succèdent, situation qui culmine avec l'exécution de 167 prisonniers politiques le , suivie d'une révolte populaire qui renverse le gouvernement et met à mort le président Vilbrun Guillaume Sam. Cette révolution, menée par Rosalvo Bobo, qui s'opposait notamment au rapprochement du pays avec les États-Unis, ne plait pas à ces derniers, mais la décision d'envahir Haïti était déjà prise avant le renversement de Vilbrun Guillaume Sam[30].
Occupation américaine (1915-1934)
Décidant d'intervenir par la force, les États-Unis, dont des soldats étaient présents sur l'île depuis 1914[31], envahissent le pays et établissent par un traité leur domination militaire, commerciale et financière. Une nouvelle Constitution est écrite par les États-Unis et instaurée en 1918. L'anglais devient de 1918 à 1934 la seconde langue officielle du pays, après le français. L'instauration du travail forcé et le racisme des Marines favorisent les recrutements par la résistance nationaliste, dirigée par Charlemagne Péralte, qui comprend 5 000 combattants permanents et 15 000 irréguliers. La zone de la guérilla concerne essentiellement le Nord et le Nord-Est du pays[30]. En France, des élus politiques pensaient que Haïti allait devenir une colonie Américaine, comme le furent les territoires Espagnols de Porto Rico et des Philippines, qui furent occupés par les Américains en 1898, lors de la guerre des États-Unis contre l'Espagne.
Après de multiples combats aux abords de certaines grandes villes, les rebelles donnent l'assaut à la capitale, Port-au-Prince, le . Les forces d'occupation américaines peuvent compter sur leur avantage matériel : utilisation de mitrailleuses, avions de reconnaissance, missions de patrouilles et de mitraillage par des hydravions. La liberté de circulation à l'intérieur du pays est supprimée par l'occupant avec l'instauration de passeports intérieurs, et, surtout, la répression frappe régulièrement la population civile, au point que le commandement général des Marines reconnaisse la réalité de « tueries sans discrimination » dans les campagnes de contre-insurrection. Des paysans sont internés dans des camps de concentration sous prétexte de nécessité militaire de regroupement. Entre 1915 et 1920, 3 250 à 5 500 Haïtiens sont morts lors des rébellions contre l'occupation[32],[30].
Charlemagne Péralte est assassiné le , un espion ayant conduit les Marines jusqu'à lui. Benoît Batraville reprend le commandement et parvient à maintenir l'activité de la guérilla, mais est tué au combat le . Après la mort de ses chefs, démoralisée, la guérilla s'éteint progressivement. L'occupation prend fin en 1934[30].
De l'instabilité politique à la dynastie Duvalier (1957-1986)
Après la fin de l'occupation américaine, l'instabilité politique (entre militaires mulâtres et populistes noirs) reprend, et ne s'achève qu'à partir de 1957 avec l'élection de Duvalier, dont le régime, basé sur le principe du pouvoir au plus grand nombre, durera jusqu'en 1986.
Partisan de la lutte contre ceux qui contrôlent l'armée et qui ont précédemment renversé le noiriste Dumarsais Estimé, François Duvalier (surnommé « Papa Doc » pour son passé de médecin de campagne) assied son pouvoir personnel grâce à la délation et alimente la terreur à l'aide de ses partisans, surnommés Tontons Macoutes, véritables escadrons de la mort. Mettant en place un culte de la personnalité, il s'autoproclame président à vie en 1967 et meurt de maladie en 1971 après avoir désigné son fils Jean-Claude comme héritier. Ce dernier deviendra alors le plus jeune président du monde[33] et sera surnommé « Baby Doc ».
La dictature de la dynastie Duvalier est responsable de nombreuses tueries, de massacres d'opposants et de civils, tel celui de la ville de Jérémie (connu sous le nom « Vêpres jérémiennes ») en 1964. Elle pousse de nombreux Haïtiens à s'exiler, notamment aux États-Unis et au Canada, où certains, partisans du pouvoir aux plus capables et qui avaient jusque-là monopolisé le pouvoir politique et militaire, se posent en victimes du régime.
En 1986, après avoir répondu par la violence à une suite de manifestations, Jean-Claude Duvalier démissionne et s'exile en France sous la pression du peuple et des États-Unis. Il laisse le pouvoir aux six membres du Conseil national de gouvernement (en) qu'il a formé, et qui est mené par le commandant en chef des armées Henri Namphy. Le régime des Duvalier laisse environ 50 000 morts et le pays ruiné : pour la seule période allant de à , Jean-Claude Duvalier et neuf de ses proches avaient détourné à leur profit 120 575 000 dollars dans les caisses des entreprises publiques et de l'État haïtien[29]. En 1988, un tribunal de Miami reconnut que Jean-Claude Duvalier avait « détourné plus de 504 millions de dollars d'argent public »[34].
Après la chute de la dictature, les créditeurs du pays insistèrent pour que les Haïtiens honorent la dette contractée par les Duvalier, estimée à 844 millions de dollars et dont une grande partie était due à des institutions internationales comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. La légalité de ces remboursements, alors qu'une grande partie de cette dette n'a pas été dépensée en Haïti, mais détournée par les responsables du régime, a été contestée par certains hommes politiques et observateurs. Cephas Lumina, l'expert indépendant des Nations-Unies sur la dette extérieure, a soutenu que « le cas d'Haïti est l'un des exemples les plus frappants de dette odieuse dans le monde. Rien que pour cette raison, la dette devrait être annulée sans conditions »[34].
Ère de transition post-Duvalier (1987-1990)
Des élections générales sont organisées pour , mais sont annulées après des tirs de militaires et d'anciens Tontons Macoutes sur des dizaines de civils le jour du vote. Elles sont suivies par des élections en qui voient Leslie Manigat et son Rassemblement des démocrates nationaux progressistes l'emporter. Toutefois, le gouvernement est renversé en par un coup d'État militaire mené par le général Namphy, qui est lui-même démis du pouvoir par un second coup d'État militaire en septembre, mené par le général Prosper Avril, qui avait dû quitter le Conseil national de gouvernement après des manifestations populaires protestant contre sa proximité avec les Duvalier.
Ce second coup d'État fait suite au massacre de St-Jean-Bosco le , par des hommes non identifiés, mais considérés généralement comme d'anciens Macoutes. Des dizaines de fidèles sont ainsi tués dans l'église catholique de St-Jean-Bosco à Port-au-Prince, la paroisse de l'influent prêtre Jean-Bertrand Aristide (qui survit à l'attentat), un des critiques les plus notoires de la famille Duvalier.
Ce massacre, qui dure trois heures, est suivi selon la Commission interaméricaine des droits de l'homme de déclarations à la télévision nationale de participants à l'attentat, qui menacent de commettre à nouveau de tels actes, montrant ainsi la proximité du pouvoir en place avec les ex-Macoutes[35]. Le gouvernement militaire d'avril se maintient en place jusqu'en mars 1990.
Malgré la fuite de Duvalier, ses ex-Macoutes et paramilitaires continuent de mener des opérations punitives contre des journalistes et militants politiques. Entre 1986 et 1990, plus de mille cinq cents personnes sont assassinées par ces groupes[29].
Haïti depuis 1990
1990-1996 : Premier mandat d'Aristide, coup d'État et retour au pouvoir
Les élections législatives et présidentielle de décembre 1990 se déroulent de façon régulière et en présence d'observateurs étrangers. Le père Jean-Bertrand Aristide, partisan d'une plus grande justice sociale et proche du courant de la théologie de la libération, est élu à la présidence avec 66,7 % des voix[36]. Cette consultation marquée par une forte participation, a été boycottée par les duvaliéristes[37]. Ceux-ci considèrent que l'élection de J.-B. Aristide a été un « coup d'État électoral ».
En janvier 1991, Roger Lafontant, ancien chef des tontons macoutes, tente de renverser le gouvernement, mais les soldats loyalistes parviennent à obtenir sa reddition. Le mandat d'Aristide débute le , mais un coup d'État sanglant mené par Raoul Cédras et des militaires (soutenus par l'oligarchie marchande) l'oblige en septembre à s'exiler aux États-Unis. Pendant trois ans, les milices (que d'aucuns estiment soutenues par les États-Unis[38],[39],[40]) intimident la population et assassinent les meneurs syndicaux et les militants qui avaient constitué la base de la résistance aux Duvalier et l'appui à l'élection d'Aristide. La plus importante de ces forces paramilitaires, le FRAPH, avait été fondée par un supposé agent de la CIA Emmanuel Constant[41],[42]. La dictature laisse environ quatre mille morts[43].
En , Aristide est rétabli au pouvoir par l'administration de Bill Clinton, lors de l'opération « Rétablir la démocratie »[44] à la condition de renoncer à récupérer les années perdues lors de l'intermède militaire et de se plier à un programme néolibéral[45],[46], surnommé « plan de la mort » par une partie des Haïtiens[47]. Il s'agissait en partie du programme[48] de son opposant lors des dernières élections, un ancien fonctionnaire de la Banque mondiale, Marc Bazin[49]. Son retour fut par ailleurs marqué par le démantèlement de l'armée, corrompue, prévaricatrice et vecteur d'instabilité politique.
1996-2001 : Premier mandat de Préval
Aristide quitte la présidence en 1996 et René Préval lui succède. Malgré son appartenance à Lavalas, le parti d'Aristide, il n'est soutenu que du bout des lèvres par l'ancien président. Il applique immédiatement le plan américain[50], ce qui provoque un véritable tollé dans l'île.
2000-2004 : Second mandat d'Aristide
Aristide est réélu en 2000, avec une abstention estimée à 90 % par l'ONU[51]. Des inondations provoquent la mort de 2 000 personnes en mai 2004. En septembre de la même année, une tempête tropicale laisse derrière elle 2 200 morts et disparus et quelque 300 000 sinistrés[36].
Après plusieurs mois de pressions exercées par la communauté internationale, plus particulièrement par la France (avec l'intervention de Régis Debray et Véronique de Villepin-Albanel) et les États-Unis, Aristide est obligé, lors de la révolte populaire du , de quitter le pays avec un commando des forces spéciales des États-Unis[52]. Boniface Alexandre, président de la Cour de cassation, assure ensuite le pouvoir par intérim.
En mars 2004, les résultats d'une commission d'enquête sur Haïti, dirigée par l'ancien procureur général des États-Unis Ramsey Clark, indiquent que « les gouvernements des États-Unis et de la République dominicaine auraient participé à la fourniture d'armes et à la formation des rebelles haïtiens dans ce pays ». La commission a constaté que 200 soldats des forces spéciales américaines avaient été envoyés en République dominicaine pour participer à des exercices militaires en février 2003. Ces exercices, autorisés par le président dominicain Hipólito Mejía Domínguez, ont été menés « près de la frontière, précisément dans une zone à partir de laquelle les rebelles lançaient régulièrement des attaques contre les installations de l'État haïtien »[53].
De nouveau documents sortis en 2021, impliquent également le Canada dans ce coup d'État à Haïti[54].
2006-2011 : Second mandat de Préval
En février 2006, à la suite d'élections marquées par des incertitudes sur le décompte des bulletins de vote, et grâce à l'appui de manifestations populaires, René Préval est élu.
2011-2016 : Mandat de Martelly
Du au , Michel Martelly est président de la République. Durant son mandat, il décide de récréer l'armée haïtienne.
La corruption, déjà importante, devient plus visible sous sa présidence. Le scandale PetroCaribe en est emblématique : des hommes d'affaires et hommes politiques proches du pouvoir détournent à leur profit une grande partie de l'aide économique vénézuélienne (4,2 milliards de dollars) destinée à l'amélioration des services publics[55].
À la fin de son mandat, aucun successeur n'est élu et un gouvernement provisoire lui succède.
2017-2021 : Mandat de Moïse
En , Jovenel Moïse remporte l'élection présidentielle avec 54 % des voix.
Dès le mois de mai 2017, des milliers d'ouvriers employés par les industries textiles des zones franches prennent régulièrement la rue pour demander une hausse du salaire minimum, alors fixé à 300 gourdes (4 euros) par jour, mais leurs revendications restent ignorées. Les mobilisations sont renforcées en septembre par d'autres secteurs de la population en protestation contre le vote du budget de l'État. Celui-ci prévoit une hausse supplémentaire de taxes affectant l'ensemble de la population. En revanche, les tarifs douaniers qui s'appliquent au riz, par exemple (passés de 35 % à 3 % en 1994), n'évoluent pas, condamnant Haïti à la dépendance : 80 % du riz consommé sur place est importé, dans un marché contrôlé par une poignée d'importateurs richissimes. La libéralisation de l'économique est accentuée afin d'attirer les investissements étrangers, alors que l'environnement, la santé et l'éducation restent délaissés[55].
En , une hausse, inspirée par le Fonds monétaire international (FMI), allant jusqu'à 50 % des prix des carburants à la pompe et des scandales de corruption impliquant plusieurs ministres et le président lui-même provoquent d'importantes manifestations contre le gouvernement[56].
La majorité des manifestants sont issus des quartiers les plus pauvres. Marc-Arthur Fils-Aimé, directeur général de l'Institut culturel Karl-Lévêque, déclare : « Les revendications se sont radicalisées à un point tel qu'elles ont pris l'allure d'une lutte de classe. Les luttes conjoncturelles se sont superposées à des luttes structurelles. Il est presque impossible de bien cerner le contour des actuelles perturbations si on les sépare de la charpente socio-économique et culturelle du pays où les élites exportatrices ont prospéré au point de réduire l'île à l'état de néo-colonie[57].
Du 15 septembre à début octobre 2019, au moins 17 personnes sont tuées et près de 200 blessées par balles et armes blanches, d'après le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), qui indique : « Les autorités actuelles, depuis leur avènement au pouvoir, bafouent les acquis démocratiques du peuple haïtien et violent systématiquement ses droits. Elles n’ont jamais pris au sérieux les différents mouvements de protestation réalisés dans le pays depuis juillet 2018 par une population en proie à tous les maux et qui réclame la jouissance de ses droits civils, économiques, politiques et sociaux »[57].
Le , le Premier ministre sortant Claude Joseph annonce l'assassinat de Jovenel Moïse par un commando durant la nuit du 6 au [58].
Ariel Henry, nommé premier ministre, assure une présidence par intérim depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse. La crise politique s'aggrave le 9 janvier 2024, date de fin de mandat des élus nationaux. Faute d'élections organisées depuis 2016, le pays ne compte plus aucun représentant élu au niveau national[59]. L'instabilité politique a provoqué l'émergence de plusieurs groupes armés, menant des guerres de territoires dans le pays[60],[61].