Canis lupus
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Loup gris, Loup commun, Loup vulgaire
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Répartition géographique
Canis lupus est une espèce de canidés comprenant plusieurs sous-espèces sauvages, domestiques ou férales, toutes parfaitement interfécondes, comme le loup gris commun[1] (Canis lupus lupus), le loup arctique[1] (Canis lupus arctos), le chien (Canis lupus familiaris), le dingo (Canis lupus dingo), le loup des Indes (Canis lupus pallipes) ou encore le chien chanteur de Nouvelle-Guinée (Canis lupus hallstromi). Si les formes sauvages sont d'origine holarctique, la domestication et le marronnage ont permis à l'espèce de coloniser l'ensemble des écozones terrestres.
Sous ses formes sauvages, le loup gris a été peu à peu exterminé par l'homme dans plusieurs zones de son aire de répartition originelle, en particulier au XIXe siècle. Au XXIe siècle, il ne reste plus qu'environ 300 000 individus[2] dans le monde, principalement dans des zones « de grands espaces » restées sauvages, telles que la taïga de Sibérie et du Canada ou les steppes et les massifs montagneux d'Europe et d'Asie centrale. Il est désormais protégé dans de nombreux pays occidentaux, où l'on tente de préserver les populations restantes. Quelques programmes de sauvegarde ont permis aux loups gris de revenir dans des zones où ils avaient disparu, en particulier en Amérique du Nord.
À l'inverse, le chien, sa sous-espèce domestique Canis lupus familiaris, le premier animal à avoir été domestiqué par l'homme il y a au moins 33 000 ans[3], s'est mondialement répandu. Avec environ 900 millions d'individus[4], il représente aujourd'hui la quasi-totalité de l'effectif mondial de l'espèce.
Du chien descendent à leur tour les sous-espèces retournées à la vie sauvage que sont le dingo et le chien chanteur, fruits de milliers d'années d'évolution séparée.
Parmi les canidés proches n'appartenant pas à l'espèce Canis lupus mais également appelés « loups », on peut citer le loup à crinière (Chrysocyon brachyurus), le loup des Malouines (Dusicyon australis), le loup de l'Est (Canis lycaon), le loup rouge (Canis rufus), le loup d'Abyssinie (Canis simensis), etc.
Les loups sauvages ont toujours fasciné l'espèce humaine au cours de l'histoire, alimentant tous les domaines de la culture : la mythologie, la littérature, les arts mais aussi les peurs et les fantasmes collectifs. Le loup gris est ainsi l'un des animaux les plus connus et les plus étudiés au monde, avec probablement plus de livres écrits à son sujet que pour toute autre espèce sauvage[5]. Il a été méprisé et chassé dans la plupart des communautés pastorales à cause de ses attaques contre le bétail, mais respecté dans certaines sociétés agraires ou de chasseurs-cueilleurs[6] dans lesquelles il a noué des associations depuis longtemps. Bien que la peur du loup soit omniprésente dans de nombreuses sociétés, la majorité des attaques enregistrées contre des personnes ont été attribuées à des animaux souffrant de la rage. Les loups sains attaquent rarement l'homme : depuis le début du XXe siècle, on ne dénombre dans le monde entier qu'une ou deux attaques par an[7], les victimes étant principalement des enfants loin des agglomérations. La chasse au loup ayant fortement marqué le caractère de l'animal, il est en général craintif et méfiant vis-à-vis de l'homme[8].
Le terme loup /lu/ provient d'une ancienne forme lou /lu/, de l'ancien français leu /lew/, et du latin lupus /ˈlu.pus/ qui est lui-même issu comme le grec λύκος / lúkos de l'indo-européen wĺ̥kʷos, probablement par déformation volontaire liée à un tabou des chasseurs[9]. Le p final est un ajout savant récent, calqué sur l'étymon latin. Normalement, le mot devrait s'écrire louf, avec un f final qui se transforme en v s'il est suivi d'une voyelle (tel que d'autres couples de mots comme bœuf/bovin) ; ceci explique le fait que la femelle du loup est la louve, son petit le louveteau.
Le loup s'est appelé leu jusqu'au XIVe siècle. On retrouve cette forme de l'ancien français dans des toponymes comme Saint-Leu, dans des hagionymes comme Saint Leu, et dans l'expression à la queue leu-leu, qui désigne à l'origine le mode de déplacement d'une meute de loups en chasse[10].
Dans les langues germaniques, l'anglais wolf et l'allemand Wolf proviennent du proto-germanique *wulfaz. Le lupus latin est un mot emprunté au sabin[6]. Les deux dérivent de la racine proto-indo-européenne *wlqwos/*lukwos[11].
L'espèce a plusieurs noms vernaculaires : loup gris[12],[1], loup commun[1], loup vulgaire[1] ou encore loup[1]. On peut aussi ajouter les chiens, le chien chanteur de Nouvelle-Guinée et le dingo en tant que sous-espèces.
Groupe ou zone linguistique | Nom autochtone |
---|---|
Albanais | Ujku[13] |
Allemand | Wolf[1] |
Anglais | Grey wolf[1] |
Arabe | الذئب العربى (aldhiyb aleurbaa)[14] |
Bulgare | Вълк (Valk)[13] |
Catalan | llop[14] |
Chinois | 狼 (Láng)[14] |
Danois | Ulv[13] |
Espagnol | Lobo gris[15],[13],[16] |
Finnois | Susi[14] |
Français | Loup gris[1] |
Grec moderne | Λύκος, Lýkos[13] |
Hébreu | זאב אפור[17] |
Italien | Lupo comune[1] |
Japonais | タイリクオオカミ (tairikuōkami)[14] |
Lituanien | Vilkas[13] |
Norvégien bokmål | Ulv[13] |
Norvégien nynorsk | Ulv[13] |
Néerlandais | Wolf[14] |
Occitan | Lop[14] |
Ourdou | بھیڑیا bheṛiyā[14] |
Polonais | Wilk szary[13] |
Portugais | Lobo-cinzento[18],[19] |
Slovaque | Vlk dravý[13] |
Slovène | Volk[13] |
Suédois | Hundvarg[13] |
Roumain | Lup[13] |
Russe | Волк обыкновенный[14] обыкновенный серый волк (obyknovennyy seryy volk)[13] |
Turc | Kurt[13] |
Ukrainien | ВовкВовк сірий[13] |
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L'espèce est connue pour avoir une variabilité intraspécifique notable selon les régions et les sous-espèces ; qu'il s'agisse de la taille, du poids, de la robe ou même de l'aspect du museau. Les sous-espèces sauvages sont régulièrement comparées à certaines races de chiens domestiques de morphologie lupoïde comme le berger allemand ou le husky (eux-mêmes appartenant à la sous-espèce Canis lupus familiaris). Le morphotype le plus rencontré possède des oreilles pointues dressées au-dessus d'une tête large avec un museau allongé terminé par une truffe, une gueule puissante, une poitrine étroite et profonde, des pattes longues en extension avec de larges pieds ainsi qu'une queue droite et touffue[20].
Le génome de l'espèce est composé de 78 chromosomes[21]. Le premier génome de novo de référence (en) d'une sous-espèce naturelle du loup (Canis lupus lupus) a été révélé en 2017 et compte un total de 2,34 milliards de bases d'ADN assemblé[22].
Corpulence
La sous-espèce la plus petite est Canis lupus arabs où les mâles pèsent en moyenne 18 kg. On distingue empiriquement deux sous-populations du grand loup gris : celui des plaines d'Eurasie et le loup italien ou espagnol, de taille plus réduite.
Leur poids et leur taille peuvent varier considérablement dans le monde entier, ayant tendance à augmenter proportionnellement avec la latitude comme le prédisait la règle de Bergmann[24], avec des grands loups de l'Alaska et du Canada qui pèsent parfois de 3 à 6 fois plus que leurs cousins du Moyen-Orient et d'Asie du Sud[25].
Les loups adultes mesurent en moyenne de 105 à 160 cm de longueur et 66 à 85 cm de hauteur au garrot. Le mâle est plus grand que la femelle. La queue mesure 29 à 50 cm de long. Les oreilles ont une hauteur de 90 à 110 mm et les pattes postérieures de 220 à 250 mm. La masse corporelle moyenne du loup gris actuel est de 20 à 70 kg pour le mâle et 16 à 50 kg pour la femelle, le plus petit spécimen ayant été pesé à 12 kg et le plus grand à 80 kg[26],[27],[28],[29],[30],[31]. Le poids du loup gris varie selon la région du monde ; en moyenne, les loups européens peuvent peser 38,5 kg, les loups nord-américains 36 kg, et les loups indiens et arabes 25 kg[32]. Dans une population donnée de loups, les femelles pèsent en général de 2,3 à 4,5 kg de moins que les mâles[33]. Les loups pesant plus de 54 kg sont rares, bien que des individus exceptionnellement grands aient été signalés en Alaska, au Canada[33] et dans les forêts de l'Ouest de la Russie[24]. Le loup gris le plus lourd en Amérique du Nord a été tué sur la rivière 70 Mile, dans le centre-est de l'Alaska, le 12 juillet 1939 ; il pesait 79,4 kg[34]. Un spécimen plus lourd encore fut abattu dans les Carpates en 1942, il pesait 96 kg, ceci est cependant exceptionnel[24].
Comparé à ses cousins sauvages les plus proches (le coyote et le chacal doré), le loup gris est plus gros et plus lourd, avec un museau plus large, des oreilles plus courtes, un torse plus court et une queue plus longue[24],[35],[36]. C'est le plus grand canidé sauvage[24]. Le loup gris est un animal élancé et puissant avec une grande cage thoracique descendant profondément, un dos incliné et un cou très musclé[24]. Les pattes du loup sont un peu plus longues que celles des autres canidés, ce qui permet à l'animal de se déplacer rapidement et de surmonter la neige profonde qui recouvre la majeure partie de son aire de répartition géographique[37]. Les oreilles sont relativement petites et triangulaires[24]. Les femelles ont tendance à avoir des museaux et des fronts plus étroits, des cous plus fins, des jambes légèrement plus courtes et des épaules moins massives que les mâles[38].
Fourrure et robe
Le loup gris a une fourrure hivernale très dense et duveteuse, avec un sous-poil court et un poil de garde long et grossier[24]. La plupart des sous-poils et une partie des poils de garde sont perdus au printemps et repoussent à l'automne[32]. Les poils les plus longs se trouvent sur le dos, en particulier sur les quartiers avant et le cou. Les poils sont particulièrement longs sur les épaules et forment presque une crête sur la partie supérieure du cou. Les poils sur les joues sont allongés et forment des touffes. Les oreilles sont couvertes de poils courts qui dépassent fortement de la fourrure. Des poils courts, élastiques et étroitement adjacents sont présents sur les membres depuis les coudes jusqu'aux tendons d'Achille[24].
La fourrure d'hiver est très résistante au froid ; les loups des climats nordiques peuvent se reposer confortablement dans des espaces ouverts à −40 °C en plaçant leur museau entre les pattes arrière et se recouvrant le visage de leur queue. La fourrure de loup offre une meilleure isolation que la fourrure de chien et ne récupère pas la glace lorsque l'haleine chaude se condense contre elle[32]. Dans les climats chauds, la robe est plus grossière et plus rare que chez les loups du Nord[24]. Les louves ont tendance à avoir des membres au poil plus lisse que les mâles, et développent en général une fourrure plus lisse au fur et à mesure qu'elles vieillissent. Les loups plus âgés ont souvent plus de poils blancs à l'extrémité de la queue, le long du nez et sur le front[38]. À la fin du printemps, la mue laisse apparaître la fourrure d'été qui s'épaissira tout au long de l'année pour devenir le manteau d'hiver[20]. La fourrure d'hiver est retenue le plus longtemps chez les femelles en lactation, bien qu'il y ait un peu de perte de poils autour des mamelons[38]. La longueur des poils au milieu du dos est de 6 à 7cm. La longueur des poils de garde sur les épaules ne dépasse généralement pas 9 cm, mais elle peut aussi atteindre 11 à 13 cm[24].
La couleur du pelage varie du blanc presque pur à diverses nuances de blond, de crème et d'ocre jusqu'aux variétés de gris, de bruns et de noirs. Ces variations de couleur de fourrure tendent à augmenter dans les latitudes plus élevées[39]. Les différences de couleur de robe entre les sexes sont largement absentes, bien que les femelles puissent avoir des tons plus rouges[40]. En Amérique du Nord, les loups de couleur noire ont hérité de l'allèle responsable du mélanisme Kb qui est issu de croisements passés avec des chiens[41] alors que la mutation s'est avérée être naturellement présente chez les loups d'Iran[42]. Les spécimens noirs sont plus fréquents en Amérique du Nord qu'en Eurasie, la moitié environ des loups du parc national de Yellowstone étant noirs[41].
- Variabilité de coloration au sein d'une même meute.
- Forme la plus commune du Loup gris.
- Forme noire de la sous-espèce Canis lupus occidentalis
- Forme blanche.
Crâne et dentition
La tête du loup gris est large et lourde, avec un front large, des mâchoires fortes et un long museau arrondi[24]. Le crâne mesure en moyenne de 230 à 280 mm de long et de 130 à 150 mm de large[43]. Les dents sont lourdes et grandes, mieux adaptées au broyage des os que celles des autres canidés existants, mais pas aussi spécialisées que celles des hyènes[44],[45]. Ses molaires ont une surface de mastication plate, mais pas autant que le coyote, dont le régime alimentaire contient plus de matières végétales[46].
La denture adulte est de 42 dents. Les jeunes ont 32 dents de lait, la denture définitive apparaissant à 7 mois[47]. Les crocs des loups peuvent mesurer 6 à 7 cm dont 2 cm enchâssés dans la gencive[réf. nécessaire].
Performance physique
Le loup gris est connu pour sa morsure puissante, sa nage plutôt aisée et son endurance à la course.
Morsure
La morsure du loup gris peut atteindre une pression de 150 kg/cm2[47] contre 60 à 65 kg/cm2 chez un Labrador. Le Bite Force Quotient (en) (BFQ)[note 1] du loup gris est de 136, l'un des plus élevés parmi les carnivores actuels[48].
Les mâchoires du loup gris peuvent exercer une pression d'écrasement d'environ 10 340 kPa contre 5 200 kPa pour un berger allemand. Cette force est suffisante pour briser la plupart des os[49]. Une étude sur un grand échantillon de prédateurs vivants et de mammifères fossiles, ajustée en fonction de la masse corporelle, a révélé chez les mammifères placentaires que la force de morsure aux canines (en Newton/kilogramme de poids corporel) était la plus forte chez le loup redoutable (163), suivie parmi les canidés existants par les quatre hypercarnivores qui s'attaquent souvent à des animaux plus gros qu'eux : le lycaon (142), le loup gris (136), le dhole (112) et le dingo (108). Une tendance similaire a été observée avec la force d'occlusion des carnassières, mais avec le loup redoutable et le loup gris mesurant tous les deux (141), suivis du lycaon (136), du dhole (114) et du dingo (113)[50].
Course
Le loup gris est un excellent coureur parmi les prédateurs terrestres. Sa vitesse de pointe est d'environ 40 à 50 km/h et il peut parcourir 60 km en moyenne en une nuit[47]. C'est le carnivore terrestre le plus endurant à la course avec son cousin africain le lycaon[réf. nécessaire].
Le loup gris porte habituellement sa tête au même niveau que le dos, la soulevant seulement lorsqu'il est en alerte[24]. Il voyage habituellement à un rythme lopin (course bondissante), plaçant ses pattes les unes devant les autres. Cette démarche peut être maintenue pendant des heures à une vitesse de 8 à 9 km/h[51] et permet au loup de parcourir de grandes distances. Sur les chemins dénudés, un loup peut atteindre rapidement des vitesses de 50 à 60 km/h. Le loup gris a une allure de course de 55 à 70 km/h, peut sauter 5 m de longueur en une seule fois et peut poursuivre rapidement pendant au moins 20 minutes[52].
Les battements cardiaques ont une fréquence de 90 pulsations par minute, jusqu'à 200 lors d'efforts importants[47]. La fréquence respiratoire est de quinze à vingt inspirations par minute ; elle peut s'accroître jusqu'à 100 inspirations par minute lors du halètement[47].
Sens
L'odorat est puissant et permet de détecter un animal à 270 m contre le vent. L'angle de vision atteint 250° contre 180° chez l'homme[47]. La nuit, les yeux du loup paraissent phosphorescents car ils sont tapissés d'une couche de cellules, le tapetum lucidum, qui lui permettent d'augmenter leur sensibilité à la lumière.
L'audition du loup lui permet d'entendre des sons jusqu'à 40 kHz (20 kHz chez l'homme)[47], il perçoit notamment d'autres loups hurler jusqu'à une distance de 6,4 à 9,6 km[47].