Hippophagie
De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Vous lisez un « bon article » labellisé en 2011.
L′hippophagie est une pratique alimentaire consistant à consommer de la viande de cheval. Connue depuis la Préhistoire et pratiquée par de nombreux peuples eurasiatiques durant l'Antiquité, elle est souvent associée à des pratiques rituelles païennes qui poussent l'Église catholique du Moyen Âge à la prohiber. Elle demeure lors des périodes de disette, et chez les peuples nomades comme les Mongols. Pratiquée à grande échelle en France à partir de la fin du XIXe siècle, elle y a fortement baissé depuis les années 1960. Les États-Unis l'ont rendue illégale dans plusieurs États. Le scandale sanitaire de la trichinellose, les « images choc » des transports d'animaux de boucherie et la place symbolique et historique du cheval entretiennent une controverse, expliquant la désaffection pour l'hippophagie dans certains pays occidentaux. Les pays scandinaves, d'Asie centrale et de l'Est sont traditionnellement hippophages, par opposition aux pays anglo-saxons, considérés comme non hippophages. Les tabous alimentaires sur la viande de cheval peuvent avoir des origines culturelles ou religieuses. À l'échelle mondiale, l'hippophagie augmente et 4,7 millions de chevaux par an sont destinés aux huit pays les plus consommateurs. En janvier 2013 éclate une fraude européenne impliquant le remplacement de viande bovine par la viande chevaline.
Les animaux concernés par l'hippophagie sont en majorité réformés des activités équestres, ce qui rend leur revente aux abattoirs économiquement plus intéressante. Les poulains de trait de moins de dix-huit mois et les chevaux de course peu performants peuvent aussi être abattus. L'hippophagie a des partisans pour des raisons économiques, et chez les professionnels de la santé qui louent les qualités alimentaires de cette viande. Les principaux opposants à l'hippophagie sont les associations de protection animale, qui dénoncent les conditions de transport et d'abattage des chevaux.
Des campagnes de communication sont lancées de part et d'autre dans les pays occidentaux, pour défendre ou condamner l'hippophagie. Le cheval sert souvent les activités humaines sans bénéficier d'une retraite ou d'une fin plus éthique. Son rôle ayant fortement évolué dans ces pays, il est désormais perçu par certains comme proche d'un animal de compagnie. Les alternatives à l'hippophagie incluent leur mise à la retraite, leur euthanasie et la crémation des cadavres.
Le terme d'« hippophagie » vient du grec ίππός (hippos), « le cheval », et de φαγεῖν (phagein, « manger »), et décrit donc la consommation de viande de cheval[1]. Sa première utilisation date du XIXe siècle (1832)[2].
Bien que le mot puisse désigner toute forme de consommation de viande chevaline, il est surtout utilisé pour l'alimentation humaine. Les boucheries chevalines étaient autrefois nommées des « boucheries hippophagiques »[3].
L'histoire de l'hippophagie est à la fois longue et complexe. Pour la majeure partie de celle-ci, les chevaux sauvages étaient chassés et consommés comme source de protéines[4],[5]. Les principales oppositions historiques à l'hippophagie ont une base religieuse (hindouisme, bouddhisme, judaïsme, catholicisme, etc.) Toutefois, le rejet naturel de l'hippophagie est tout aussi lié au statut particulier du cheval par rapport à l'homme, à la haute considération envers cet animal et à son lien étroit avec les divinités[6]. De manière générale, un décalage existe entre les peuples cavaliers, comme les Mongols (où le cheval est omniprésent dans la langue, la religion et l’alimentation) et les sociétés où l’équitation manifeste la supériorité d'une classe sociale, dans l'Occident chrétien notamment. Si le cheval a valeur d’emblème, cela induit la condamnation de l’hippophagie[7].
Elle est souvent le fait d'une nécessité économique (guerre, famine ou pauvreté, la viande de cheval étant, notamment en Occident, nettement moins chère que les autres), et parfois (mais beaucoup plus tard) une recommandation diététique[8]. Le développement de cette pratique alimentaire accompagne souvent la fin de la traction hippomobile et de l'utilisation militaire du cheval, car une civilisation « ne peut se résoudre à manger l'animal sur lequel ses élites reposent ». Les chevaux sont alors envoyés massivement à l'abattoir pour demeurer rentables[9],[10].
Origines et Antiquité
Attestée dès le Paléolithique inférieur, l'hippophagie aurait été l'un des premiers modes d'alimentation carnée de l'homme[11]. Le cheval est un gibier très consommé au Paléolithique supérieur, la découverte d'ossements sur de nombreux sites archéologiques (en Palestine par exemple) ainsi que l'art préhistorique le prouvent. Lorsqu'il est domestiqué pour devenir une monture et un animal d'attelage, sa viande est consommée dans des proportions plus modestes[12]. Les hommes de la culture Kourgane, 4 000 ans avant notre ère, chassent les animaux des grands troupeaux sauvages pour leur chair et sont parmi les premiers à domestiquer le cheval. Bien que les historiens ne puissent connaître leurs motivations, la volonté de rendre l'accès à une source de nourriture plus aisé n'est pas à exclure[13]. Du IIe millénaire jusqu'à l'époque gauloise, l'hippophagie augmente quelque peu[12], elle est pratiquée entre autres par les Hyksôs[14]. Les premiers sacrifices équins afin d'offrir le cheval aux puissances élémentaires et aux dieux, accompagnés ou non d'hippophagie, sont attestés peu après dans de nombreuses cultures indo-européennes en Ukraine, Russie, Scandinavie, Germanie, Royaume-Uni, Irlande, Italie, et Grèce[15]. L'hippophagie se développe surtout dans les territoires offrant de vastes plaines et des prairies, où vivent des civilisations pastorales[16].
De nombreuses preuves attestent de l'hippophagie des anciens Slaves (notamment en Russie[17]), des anciens Irlandais[18] et des Perses[19]. La viande de cheval est appréciée des peuples asiatiques de l'Antiquité, comme les Mongols, chez qui sa consommation inclut un sacrifice chamanique. Ce rite est plus tard combattu par les bouddhistes qui parviennent à l'éliminer, mais l'hippophagie demeure[20]. Pline l'Ancien mentionne la coutume des Sarmates, peuple cavalier de l'Antiquité, de prélever du sang sur leur cheval pour se nourrir[21].
Les Gaulois sont longtemps considérés comme un peuple non hippophage, à la suite des travaux de Salomon Reinach qui évoquait l'existence d'un tabou fort[22]. Toutefois, les découvertes archéologiques (par exemple à Acy-Romance) tendent à prouver que certains habitants consomment régulièrement la viande de cheval, tandis que d'autres la bannissent complètement. Attestée en Gaule belgique à la fin du premier âge du fer, l'hippophagie aurait été ordinaire en Gaule septentrionale, plus rare ou absente dans d'autres régions, souvent ritualisée et accompagnée de sacrifices de chevaux. Le cheval jouant un rôle important, tant militaire que rituel[23],[24], cela expliquerait qu'il soit considéré comme une monture avant d'être une source de nourriture[25], auquel cas sa consommation ne dépasse jamais 10 % de l'alimentation carnée des Gaulois. L'hippophagie gauloise semble par ailleurs décroître au fil du temps[26]. Les Gallois de l'Antiquité, eux aussi initialement hippophages, cessent peu à peu cette pratique[27]. Au sud de la Gaule, l'hippophagie est toujours liée à une situation de crise (guerre, famine…) qui affecte toute une région[28].
La même controverse existe chez les Indiens védiques, certains historiens arguent que le cheval est un animal trop rare et précieux pour être mangé (en effet, il supporte mal le climat du sous-continent indien), d'autres s'appuient sur le Rig-Veda pour affirmer que la viande des chevaux sacrifiés durant le rituel sacrificiel nommé Ashvamedha ne peut être que consommée. L'hippophagie pourrait être pratiquée par une faible partie de la population, ce qui semble cohérent avec le fait que la majorité des Indiens du XXIe siècle la réprouvent. L'Ashvamedha perdure jusqu'au XVIIIe siècle[29].
Le premier tabou hippophagique remonte à l'établissement des interdits alimentaires du judaïsme, qui désigne dans la Torah les mammifères ruminants au sabot fendu comme les seuls licites pour l'homme[30]. Si les Grecs ont pratiqué l'hippophagie, c'est uniquement dans un cadre rituel et de manière très sporadique[31], en effet, elle est strictement bannie[32], tout comme chez les Romains et par extension les « peuples civilisés » qui la considèrent comme une pratique barbare[23],[33] et immorale en dehors de grandes nécessités telles les famines et les campagnes militaires. De ce fait, au Ier siècle, l'hippophagie régresse fortement[12] chez tous les peuples intégrés à l'Empire romain, notamment les Gallo-romains de Gaule septentrionale qui l'abandonnent en quelques décennies[34], témoignant de la forte influence culturelle romaine. Une autre preuve réside dans le fait qu'au IVe siècle, lorsque l'Empire romain perd son influence, l'hippophagie réapparaît[35].
Le cheval étant absent des continents américain et océanien jusqu'à leur colonisation par les Eurasiens, ainsi que d'une grande partie de l'Afrique dont le climat lui convient peu, l'hippophagie demeure très longtemps inconnue hors d'Eurasie et d'une petite partie d'Afrique du Nord.
Du Moyen Âge au XIXe siècle
Avec la féodalité, le cheval devient l'animal de statut de la noblesse, ce qui contribue à rendre l'hippophagie taboue[12], dès l'Antiquité tardive et le Haut Moyen Âge pour la France[36].
Lutte contre l'hippophagie rituelle
Ce sont les peuples germaniques qui réintroduisent l'hippophagie en Europe jusqu'au IXe siècle (les chrétiens d'Orient, à la même époque, ne sont pas hippophages[37]), surtout dans le cadre de pratiques rituelles liées au sacrifice de l'animal, réputées apporter protection et fertilité. La viande consommée[38] est censée transmettre la force du cheval, « génie de la fécondité », à celui qui en mange. Les Vikings continentaux de Gern[Quoi ?] effectuaient des sacrifices de chevaux blancs avant d'en consommer la viande[38]. Incarnation du cycle vital cosmique, le cheval devait l'entretenir par son sacrifice régulier[39]. Régis Boyer pense que le Völsa þáttr, texte où une famille scandinave mange son cheval après sa mort et garde le pénis de l'animal en le considérant comme un dieu, témoigne de ces « pratiques rituelles fort anciennes[40] », et souligne le caractère sacré du cheval[41].
Les Irlandais pratiquent le sacrifice rituel d'une jument blanche dont la chair bouillie est consommée par le roi prétendant au trône[18]. Les Francs font parfois des sacrifices comme le faisaient les Gaulois, avant de consommer la viande chevaline[42]. En Norvège, manger son cheval est signe de richesse et de bonne santé, le sacrifier aux dieux le plus grand cadeau qu'un homme puisse offrir[43]. Ces coutumes païennes sont rejetées par les évangélisateurs, lesquels n'y font aucune concession, sauf en Islande où l'hippophagie est tolérée en raison des rudes conditions climatiques de l'île et de l'absence de viande rouge consommable autre que celle du cheval[44],[45],[46],[47].
Toutes ces raisons poussent l'Église catholique, dont l'influence en Europe est croissante, à s'opposer de plus en plus fermement à l'hippophagie, thème abordé lors des conciles du IVe au VIIIe siècle. Le pape Grégoire III interdit la consommation de la viande de cheval en 732, la dénonçant comme une « pratique abominable »[48],[49],[50]. Il est probable que, sans la volonté de lutter contre la religion nordique ancienne, l'hippophagie n'aurait jamais été interdite par le pape car la pensée chrétienne de l'époque tendait à rompre avec les interdits alimentaires du judaïsme[51].
Les historiens ne sont toutefois pas unanimes pour affirmer que la christianisation des peuples germains et scandinaves est l'unique motif de cette interdiction, certains y voyant la volonté de conserver des chevaux pour lutter contre la conquête islamique. L'interdiction est renouvelée par le successeur de Grégoire, Zacharie, à partir d'une liste confiée par Boniface, évangélisateur de la Germanie[48]. Pour Ninon Maillard, il « semble que la répugnance à consommer du cheval en dehors des célébrations rituelles précède l’interdit canonique. La non-consommation de la viande de cheval repose sur une abstention collective plus ancienne, plus ou moins totale, que le christianisme a simplement contribué à favoriser et à étendre aux populations païennes[52] ».
Saint Olaf promulgue l'interdiction de l'hippophagie en Scandinavie[27], le sacrifice du cheval devient un signe d'hérésie[43]. Le souvenir de ces pratiques et du tabou papal demeure vif très longtemps dans les pays scandinaves[53]. L'Église s'oppose régulièrement à l'hippophagie jusqu'au XVIIIe siècle inclus[54].
Conséquences dans les pays chrétiens
L'interdit est appliqué diversement et n'est pas unanimement respecté[45], bien que l'on suppose un déclin de l'hippophagie en Occident[25] et que sa marginalisation soit évidente. Dans les îles Britanniques et notamment en Irlande, à l'époque de la promulgation de l'interdit papal, cette pratique est répandue et les hommes de religion font preuve de tolérance à son égard[55]. Certains documents médiévaux rapportent que les moines de l'abbaye de Saint-Gall, au XIe siècle, auraient dégusté la viande des chevaux sauvages de Westphalie, et que ceux de Poméranie sont chassés de même un siècle plus tard[56]. Les Danois font perdurer leurs banquets hippophagiques jusqu'au XVIe siècle et les Espagnols mangent du poulain, réservant la viande chevaline aux hommes d'équipage de la Marine[57].
L'équarrisseur chargé d'abattre les chevaux âgés devait officiellement revendre ou réutiliser les carcasses chevalines pour la nourriture animalière mais il vendait parfois clandestinement la viande aux pauvres, ou s'en nourrissait lui-même[58]. Pratiquement toutes les guerres sont accompagnées de famines, qui font que la viande de cheval est mangée[12], avant celle des chiens, des chats et des rats. En Russie, l'interdiction papale est globalement respectée en raison de la forte influence du christianisme dans le pays[27]. Lorsque la christianisation européenne est achevée, le tabou général sur la viande de cheval ne disparaît pas pour autant. Plusieurs raisons sont invoquées en plus de l'interdit religieux, notamment les considérations morales qui font que, particulièrement au XVIIe siècle, le cheval jouit d'un statut noble et prestigieux qui le distingue très nettement des autres animaux domestiques[59]. Alors que les interdits religieux ont perdu leur pouvoir dissuasif, entre 1739 et 1784, quatre ordonnances françaises, peut-être influencées par la volonté des bouchers ovins et bovins de conserver leur monopole, rappellent l'interdiction de l'hippophagie, et contribuent à lui donner mauvaise réputation[30]. Si l'argument économique selon lequel exploiter la force du cheval est plus rentable que de le manger semble ne pas tenir la comparaison avec le bœuf, une dernière raison est l'argument sanitaire[60], cette viande ayant la tenace réputation de propager des maladies[54]. Antoine Parmentier voit en son temps dans les chevaux une immense réserve carnée, mais ne parvient pas à faire accepter l'hippophagie à une population qui repose « sur le compagnonnage entre l'homme et le cheval »[61].
Pays non concernés par l'interdit papal
La plupart des peuples cavaliers issus d'Asie centrale et non convertis au christianisme, tels que les Mongols qui déferlent sur l'Europe chrétienne, sont hippophages. Cette différence culturelle renforce le tabou promulgué par l'Église, qui associe la consommation de viande de cheval aux peuplades païennes et barbares[54]. La viande de cheval, contrairement à celle de l'âne domestique ou des mules, est considéree licite par l'islam[62],[63]. Aux alentours de l'an mil, les peuples turcs[64] (dont les Khazars, qui pratiquent le sacrifice rituel[65]) sont hippophages. C'est également le cas des Égyptiens hanafis et des Tatars ; toutefois, les peuples du Maghreb ne l'ont jamais été[66]. Depuis un décret impérial, les Japonais ne consomment aucun quadrupède[67]. Ils sont connus pour leur profonde aversion envers la consommation de viande jusqu'à la fin du XIXe siècle, les chevaux et les bœufs de trait, très précieux, sont alors choyés comme des membres de la famille[68].
Lors de la colonisation des Amériques, les conquistadors emmènent leurs chevaux de guerre avec eux, dont un certain nombre retournent à l'état sauvage et sont chassés puis consommés par les Pehuenche, indigènes de l'actuel Chili et de l'Argentine. Les chevaux sauvages deviennent la principale source nutritionnelle de ces tribus indigènes nomades, dont l'économie originellement basée sur le guanaco adopte très vite le cheval. Les Pampas et les Mapuches deviennent des peuples cavaliers et hippophages[69].
XIXe siècle
En Europe occidentale, l'interdit papal tombe dans l'oubli mais l'hippophagie demeure longtemps marginale, et plus ou moins cachée : la viande du cheval est parfois vendue frauduleusement comme sanglier ou venaison, quand elle n'est pas discrètement utilisée dans la fabrication de saucisses[30].
Selon Salomon Reinach, les pays scandinaves (qui étaient les derniers à accepter l'interdiction de l'hippophagie, qu'ils auraient contournée de nombreuses fois) sont les premiers à redevenir ouvertement hippophages, sans que les autorités religieuses ne s'y opposent[70]. De nombreux pays destinent cette viande à l'alimentation des classes laborieuses, ainsi, Henry Mayhew décrit la manière dont les carcasses de chevaux sont utilisées à Londres dans les années 1840, dans London Labour and the London Poor[71]. Les Londoniens soupçonnent la viande de cheval d'avoir été utilisée dans des saucisses et les abats d'avoir été vendus comme du bœuf alors qu'il s'agissait de cheval. À la même époque, les Irlandais, sous domination britannique, sont hippophages[72].
En Suisse, après deux grandes famines en 1770 et en 1816, une lettre circule dans les cantons francophones afin « qu'il fût pris des mesures propres à favoriser l'usage, comme aliment, de la chair du cheval ». La proposition est d'abord perçue comme une hérésie, mais les défenseurs de l'hippophagie y voient l'avantage de pouvoir nourrir les classes pauvres, d'éliminer les chevaux défectueux et d'éviter leur exploitation, ainsi que l'intérêt des détenteurs de vieux chevaux pour en tirer meilleur parti[73]. Ces arguments servent de base à la légalisation de l'hippophagie, le royaume de Wurtemberg est le premier à l'adopter officiellement en 1841[74] et de grands banquets hippophagiques sont organisés l'année suivante[75]. La première boucherie spécialisée d'Allemagne ouvre à Berlin en 1847[76]. Dans la douzaine d'années qui suivent, la Bavière, le Hanovre, la Bohème, la Saxe, le Danemark, l'Autriche, la Belgique, la Suisse, la Prusse, la Norvège et la Suède légalisent l'hippophagie. La légalisation française reste le fait le plus connu et le plus documenté (bien qu'elle soit plus tardive) en raison de l'immense campagne de communication dont elle a fait l'objet[74],[77]. Cette campagne inspire des initiatives similaires en Angleterre, où des banquets sont donnés à Ramsgate en 1868, l'influence française étant perceptible jusque dans l'adoption du mot « chevaline » (chevaline delicacies) pour nommer la viande. Les Anglais demeurent toutefois réfractaires à l'hippophagie[78].
France
Le goût des Français pour la viande de cheval remonte à la Révolution, lorsque ses agents doivent trouver, avec la chute de l'aristocratie, de nouveaux moyens de subsistance. Tout comme les coiffeurs et les tailleurs doivent se mettre au service du peuple, les chevaux, signe de prestige pour l'aristocratie qui en est propriétaire, finissent par servir à soulager la faim des basses classes[79]. Pendant les campagnes napoléoniennes, le chirurgien en chef de la Grande Armée, Dominique-Jean Larrey, conseille aux troupes affamées de consommer la viande des chevaux. Au siège d'Alexandrie, de la viande de jeunes chevaux arabes sert à remédier à une épidémie de scorbut. Lors de la bataille d'Eylau en 1807, Larrey sert du cheval en soupe. Il mentionne dans ses Mémoires de chirurgie militaire et campagnes[80], comment, coupé des lignes d'approvisionnement à la bataille d'Aspern-Essling, en 1809, il nourrit les blessés avec du bouillon de viande de cheval assaisonnée de poudre à canon[81],[82]. L'hippophagie a très mauvaise réputation au début du XIXe siècle car elle est associée, dans la perception populaire, aux équarrisseurs réputés égorger les chevaux, aux temps de famine et de misère, au peuple, à la pauvreté et même à la prostitution[76], elle est d'ailleurs longtemps réservée aux soldats des champs de bataille manquant de ravitaillement[83].
Elle gagne du terrain dans la cuisine française durant les dernières années du Second Empire. Les revendications d'Émile Decroix, ancien vétérinaire militaire, et d'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, zoologue, sont déterminantes. Leurs deux arguments sont la population parisienne démunie, souvent à la limite de la famine (le coût élevé de la vie à Paris leur interdisant l'achat de viande de porc ou de bœuf), et la présence de chevaux usés dans les rues : ils défendent le droit pour les propriétaires de chevaux âgés de vendre leurs bêtes à l'abattoir, afin d'éviter aux chevaux d'être exploités jusqu'à leur dernier souffle tout en créant une source d'alimentation pour les masses ouvrières[84]. C'est la raison pour laquelle la Société protectrice des animaux, fondée en 1845, soutient l'hippophagie[85]. Decroix, en sa qualité de membre du Comité des hippophages, organise des banquets « d'utilité publique », dont l'objectif est de prouver les avantages culinaires de la viande de cheval. Le , il convie 132 personnalités au Grand Hôtel afin de leur faire déguster des spécialités concoctées avec ladite viande[86].
Les bouchers bovins et porcins, dont la corporation est puissante, s'opposent à sa légalisation[87] mais ne peuvent l'empêcher en . Les premières boucheries chevalines ouvrent le à Nancy, et le à Paris, place d'Italie, fournissant de la viande de qualité à des prix inférieurs[88]. Un grand « banquet hippophagique » est organisé à l’occasion de cette ouverture parisienne ; le menu comporte notamment au premier service des potages au consommé de cheval, du saucisson de cheval et de l’aloyau de cheval aux croquettes de pommes de terre, au second service du filet de cheval rôti et une salade de romaine à l'huile de cheval[89]. Les boucheries chevalines à cette époque avaient généralement une enseigne typique constituée de têtes de chevaux en laiton, souvent par trois, et dont un néon rouge soulignait le profil pour que l'enseigne fût reconnue même les soirs d'hiver[90].
Pendant le siège de Paris en 1870, la viande de cheval est distribuée aux populations en raison d'une pénurie de viande fraîche (le , on compte 100 000 chevaux dans la ville, en novembre, il n’en reste que 70 000[91]), mais également parce que les chevaux se nourrissent des céréales requises par la population humaine. Dans L’Année terrible (Lettre à une femme) Victor Hugo écrit ce vers significatif pour montrer à quelle extrémité la population est réduite : « Nous mangeons du cheval, du rat, de l’ours, de l’âne… » Beaucoup de Parisiens acquièrent cependant un goût pour cette viande qui reste populaire après la fin de la guerre[92]. Elle est alors réputée la moins grasse[86], sa haute teneur en fer lui vaut d'être prescrite par les médecins pour lutter contre l'anémie[93], et sa richesse en azote rend sa consommation crue populaire pour soigner la tuberculose. Elle est réputée donner des forces aux travailleurs manuels, présentée comme un produit tonique, prolétaire, plus sanglant que le bœuf et moins cher que ce dernier[94],[95], d'où la popularité de l'expression « il a mangé du cheval » pour désigner les personnes pleines d'énergie[Note 1].
L'hippophagie finit par s'établir durant le dernier tiers du XIXe siècle, les utilisateurs de chevaux de trait et de chevaux de guerre y voient un moyen de tirer de l'argent de leurs animaux réformés, les boucheries chevalines ouvrent principalement dans les régions ouvrières comme le Nord-Pas-de-Calais ou le XIXe arrondissement de Paris[96]. Toutefois, l'hippophagie n'est pas unanimement adoptée : certains ouvriers la jugent malsaine, tandis que les paysans refusent souvent de se nourrir de la viande d'un animal qui est pour eux un compagnon de travail. De même, les classes aisées la refusent en raison de son association aux classes populaires, et de leur propre détention de chevaux comme animaux de loisir. C'est principalement la classe moyenne, composée d'artisans et de commerçants, qui se nourrit de viande de cheval[97]. Entre 1895 et 1904, l'hippophagie augmente de 77 %[85]. De 14 % en 1885, la part des chevaux qui finissent sur l'étal des bouchers passe à 73 % en 1905[98].
Asie
De nombreuses sources attestent que l'hippophagie est toujours une pratique commune en Asie centrale. Une famille kirghize possède en moyenne quinze chevaux et le mode de vie des Mongols dépend étroitement du cheval depuis des siècles. Les Iakoutes vouent un immense respect à l'animal, et considèrent qu'en maltraiter un est criminel. Ils préfèrent la viande de cheval entre toutes, y compris celle du bœuf[99]. Le sacrifice rituel du cheval (suivi ou non de sa consommation) perdure jusqu'au début du XXe siècle dans certaines régions isolées : en 1913, le peuple Mari de la région de la Volga le pratiquait encore[100].
En Inde, les Saora d'Orissa ont une profonde aversion pour l'hippophagie car leurs divinités tutélaires sont cavalières, le tabou allant jusqu'à l'interdiction de toucher un cheval ou ses excréments[101].
Au Japon, en 1872, l'empereur Meiji déclare aimer la viande de bœuf et promeut la viande rouge à grande échelle dans tout le pays. Sous l'influence de la culture occidentale, au fil des années, l'hippophagie s'impose[68].
Du XXe au XXIe siècle
Le XXe siècle marque la fin de l'utilisation militaire et agricole du cheval dans les pays développés, et aboutit à une diminution du nombre de ces animaux ainsi qu'une modification de leur perception, le cheval devenant un animal de loisir et de sport, et non plus de combat et de transport.
En , une jeune suédoise de 24 ans affronte une tempête médiatique après avoir avoué faire euthanasier sa jument, atteinte d'une maladie incurable, et l'avoir mangée pour ne pas gâcher ses 154 kg de viande[102],[103].
France
L'hippophagie connaît son apogée vers 1911, et les premières importations de chevaux de boucherie commencent en 1913, les abattoirs français ne parvenant plus à satisfaire les demandes de la population[104]. Après les années 1950, cette pratique alimentaire diminue régulièrement :
Abattages de chevaux et consommation humaine de viande de cheval (T.E.C.) en France[105].
- Abattages
- Consommation
1950-1970
L'utilisation du cheval pour le transport cesse complètement et seul l'animal de trait demeure élevé pour l'agriculture, tandis que le tracteur fait son apparition. La boucherie devenant la seule alternative pour les éleveurs de chevaux de trait français, ceux-ci, plutôt que de se spécialiser dans la production de bêtes à viande, revendent massivement leurs animaux aux abattoirs et s'orientent vers un autre type d'élevage. La France étant devenue « l'un des pays les plus hippophages du monde » (110 290 T.E.C. de viande consommées en 1964[106]), en 1967, les droits de douane sont supprimés pour l'importation de chevaux de boucherie vivants depuis les pays de l'Est, ce qui pousse encore davantage les éleveurs de trait français à abandonner leur production[107]. La même année, la viande de cheval est interdite dans les cantines et restaurants universitaires afin d'éloigner un éventuel risque sanitaire[108]. Vers 1970, les neuf races de trait françaises sont menacés d'extinction[109] et les progrès induisent un changement de statut du cheval qui, d'animal de travail quotidien lié à l'économie, est devenu un compagnon de loisirs et de vie, provoquant le rejet et dégoût de l'hippophagie[97].
Reconversion des chevaux lourds
Des initiatives se mettent en place pour encourager l'élevage hippophagique des chevaux de trait, tant pour assurer la « sauvegarde » de ces races en France que pour diminuer les importations de viande[98]. Ce changement de sélection alourdit leur morphologie au détriment de leurs aptitudes physiques, provoquant la perte de leur expression et de leur énergie[110]. Le modèle des animaux, autrefois puissant, sportif et bâti pour la traction, devient celui de « bêtes à viande » énormes et pataudes, affectueusement surnommées les « gros pépères » ou les « gros nounours », et par conséquent inaptes à tout autre débouché que l'abattoir. Les haras nationaux encouragent les éleveurs à sélectionner des étalons reproducteurs gros et lourds puisque les chevaux de boucherie sont vendus au poids. Ils achètent et approuvent ces étalons destinés à faire naître des poulains tués pour la viande avant l'âge de 18 mois[111].
De 1980 à nos jours
D'après une étude de l'OFIVAL, l'hippophagie baisse de 60 % entre 1980 et 2001[112]. Les conditions de transport du cheval de boucherie sont révélées au grand public en 1983, provoquant un choc, tout comme le scandale de la trichinellose (sept épidémies entre 1975 et 1998, l'hippophagie étant la première cause de trichinellose en Europe de l'Ouest avec plus de 2 800 cas en Italie et en France[113]), abondamment commenté par les médias. Il fait baisser l'hippophagie de 25 % deux ans plus tard[114],[115]. La filière viande est déficitaire d'un à deux milliards de francs en 1992, avec 60 % d'importations pour le marché national[115]. 53,5 millions d’euros de déficit en 2005[116]. La reconversion des chevaux de trait en animaux à viande est un échec[117],[109]. Un nouveau scandale sanitaire est lié en 1996 à des viandes importées d'Europe de l'Est[118]. La salmonellose a également contribué à faire diminuer la consommation de viande de cheval. En 2001, la crise de la vache folle provoque une légère hausse du prix de la viande de cheval et des abattages[119].
La consommation du cheval s'est marginalisée[115],[6] : en 2001, 43 % des ménages français interrogés la refusent, 60 % de refus étant avancés par une autre source en 2006[98]. Le nombre de boucheries chevalines est tombé à 750 en 2014[120]. Certaines études avancent que cette pratique alimentaire pourrait être condamnée à disparaître dans les prochaines années[121]. La création de l'interprofession de la viande chevaline en 2002 a provoqué une augmentation de la consommation de l'ordre de 0,5 % en 2006 et de 3 % en 2007. La viande de cheval est à nouveau autorisée en collectivité[106]. Cependant, de 2008 à 2013, l'hippophagie française a de nouveau baissé, de l'ordre de 4,9 %, pour 18 % de ménages consommateurs[122].
Le Nord-Pas-de-Calais est la région française la plus hippophage[123], avec l'Est et l'Île-de-France[115]. La filière hippophagique française est mise en difficulté tant par le changement de statut du cheval que par la réglementation stricte concernant sécurité alimentaire et bien-être animal[124].
Italie
L'hippophagie a toujours eu une relative importance en Italie, où la législation autorise la vente de viande équine en boucherie généraliste depuis 1999. L'élevage de chevaux à viande (surtout des races trait italien, haflinger, bardigiano et franches-montagnes dans des régions montagneuses), récent dans ce pays, demeure marginal et la majorité de la viande est importée ou issue de chevaux de selle et de service blessés et réformés. Avec 1,3 kg de viande par habitant, le cheval représente 1,6 % du total des viandes consommées annuellement en 2001. La consommation est en baisse, et atteint 1 kg de viande par habitant environ en 2009[125]. L'Italie représente 61 % des importations de viande chevaline dans l'union européenne en 2009[125]. Un sondage réalisé en 1989 révèle que 56 % des familles italiennes n'en mangent jamais tandis que 11 % en consomment au moins une fois par semaine. La crise de la vache folle a provoqué une hausse de 25 % de la consommation avant une baisse régulière depuis 2003. Le mois de novembre est traditionnellement celui de l'abattage des poulains, qui fait baisser les prix de la viande à l'achat et favorise l'hippophagie. La consommation est plus forte dans les Pouilles[126].
Pays anglo-saxons
Malgré le tabou alimentaire général du monde anglo-saxon et le fait que l'hippophagie des Français les ait toujours choqués[94], les restrictions alimentaires en période de guerre font que des législations spécifiques ont été adoptées sur de courtes périodes. Ainsi, en 1915, New York abroge le code sanitaire et légalise la vente de viande de cheval[127]. Les chevaux et les ânes étaient mangés en Grande-Bretagne, particulièrement dans le Yorkshire, jusque dans les années 1930[128]. Durant la Seconde Guerre mondiale, l'hippophagie est fréquente que ce soit en France, en Allemagne ou aux États-Unis, où dans les années d'après-guerre, elle gagne une courte popularité[129], son utilisation dans les hôpitaux étant attestée[130]. Jusqu'en 1985, le Harvard Faculty Club à l'université Harvard proposait du cheval à son menu, depuis au moins un siècle[131].
Fraudes européennes à la viande de cheval
L'affaire de la fraude à la viande, ou « affaire Findus », débute le . Un inspecteur sanitaire de Newry (Irlande du Nord) constate un problème d'étiquetage et d'emballage sur un stock de viande surgelée d'origine polonaise. Le scandale éclate mi-janvier 2013[132]. En et , l'affaire du « horsegate » (surnom donné dans les îles Britanniques[133]) éclabousse un grand nombre de fournisseurs et de fabricants de plats préparés à base de viande bovine, accusés de camoufler du cheval dans des préparations censées être 100 % pur bœuf. Deux ans plus tard, un réseau criminel organisé est démantelé et 26 personnes sont arrêtées : elles falsifiaient les documents d'identification des chevaux afin de faire entrer des animaux impropres à la consommation dans la chaîne alimentaire humaine européenne[134] : 4 700 chevaux sont ainsi concernés[135].
Cette affaire a eu pour effet d'augmenter le taux d'hippophagie de 3,8 % en France, grâce à la médiatisation du produit[136].
L'hippophagie est étroitement liée à une économie en relation avec l'élevage équin. Des chevaux de diverses provenances sont vendus au poids aux abattoirs, qui fournissent ensuite les boucheries et les grandes surfaces.
Provenance des chevaux consommés
Les chevaux produisent moins de viande par rapport à la nourriture qu'ils absorbent que le bétail, ce qui rend leur élevage pour la viande globalement moins rentable et plus « polluant » quant au bilan carbone[137]. Ils sont rarement engraissés pour être mangés, les animaux concernés étant surtout des poulains de trait. Les chevaux consommés sont majoritairement réformés du sport hippique et de l'équitation. Selon les pays, les chevaux enlevés par les équarrisseurs sont destinés à l'alimentation animale ou à la transformation pour diverses matières premières (engrais…). En France en 2006, 29 % des chevaux abattus pour la consommation humaine sont des poulains de trait élevés dans ce but, 23 % des chevaux de trait adultes réformés, et 48 % des chevaux de sang réformés[98].
Chevaux légers réformés
La majorité des chevaux consommés sont réformés de la filière des courses ou de l'équitation. Dans le cas des courses, il s'agit de trotteurs et de Pur-sangs aux mauvaises performances sportives, blessés, au mauvais caractère, ou dont la carrière se termine du fait de l'âge. Les Pur Sangs et demi-sangs de plus de sept ans nourris à l'avoine sont particulièrement recherchés pour la qualité de leur viande, les juments davantage que les étalons, dont la viande est plus dure[138].
Les animaux de sport équestre, de travail et de clubs d'équitation peuvent être abattus, y compris des chevaux de loisir détenus par des particuliers. Plusieurs raisons peuvent pousser leurs propriétaires à les vendre aux abattoirs, bien souvent un impératif économique, les propriétaires de chevaux n'ayant pas toujours des ressources financières suffisantes pour assumer le coût de leur entretien ou de leur retraite sur la durée (un cheval vit en moyenne 25 ans). Un cheval léger sur trois est envoyé à l'abattoir en France[106].
Chevaux lourds élevés pour la boucherie
Les chevaux élevés dans le but d'être consommés sont principalement des races de trait reconverties en races lourdes. Leur histoire est intimement liée à celle de l'hippophagie, notamment en France[139].
Chevaux sauvages
Les troupeaux de chevaux sauvages sont parfois considérés comme nuisibles en raison de l'absence de prédateurs, de leur concurrence avec le bétail domestique et de leur rôle supposé dans le phénomène de désertification. Ils sont alors abattus, principalement pour l'alimentation animale (l'absence de papiers d'identification interdisant l'utilisation de leur viande pour la consommation humaine). Les brumbies australiens sont concernés, et les mustangs américains, bien que protégés depuis les années 1970, sont au centre de controverses en raison de l'augmentation de leur population[140].
Transport
Les chevaux destinés à la consommation sont rarement abattus sur le lieu où ils sont stationnés, et doivent généralement être transportés vers un abattoir. Le règlement CE 1/2005 impose un certain nombre de règles, comme l'obligation de nourrir et d'abreuver les animaux, l'interdiction de transporter une bête malade ou blessée, ou encore l'interdiction d'utiliser des camions à double étage. Les conditions de transport sont très régulièrement dénoncées, malgré les affirmations des professionnels de la filière, et rarement conformes à la réglementation[141].
Abattage
Les conditions d'abattage des chevaux destinés à la consommation ont évolué au fil du temps et dans la plupart des pays industrialisés, leur mise à mort est similaire à celle des bovins. L'animal débarqué dans un abattoir est enfermé dans une cage close nommée piège de tuerie. L'utilisation d'un pistolet d'abattage juste avant la saignée, soit rend inconscient l'animal (projectile captif non perforant), soit le tue (projectile captif perforant ou balle libre pénétrant le cerveau)[142].
Au Royaume-Uni, la tige perforante est rarement utilisée et les chevaux sont généralement tués d'une balle libre. Les animaux assommés (ou tués) sont ensuite suspendus par une jambe arrière accrochée à une chaîne, et vidés de leur sang par une saignée réalisée en leur coupant la veine jugulaire ou l'artère carotide alors qu'ils sont suspendus, la tête en bas. Les battements du cœur permettent en principe une saignée rapide qui mène à la mort du cheval. Lorsque celui-ci n'a plus de gestes nerveux, les jambes antérieures sont coupées, le cuir est ôté, les abats blancs et les abats rouges retirés. La carcasse est pesée moins d'une heure après la saignée, puis transformée.
L'étourdissement préalable avec un pistolet à projectile captif a été imposé en 1974 en France. Cette pratique existait déjà auparavant[143], ainsi que le montre Le Sang des bêtes, un film documentaire court-métrage de 1949, écrit et réalisé par Georges Franju. Désormais, le règlement CE 853/2004 est censé garantir un certain nombre de règles, les professionnels de la viande chevaline affirmant que leur filière s'engage en faveur du bien-être animal pendant l'abattage. Les conditions d'abattage des chevaux sont toutefois fréquemment dénoncées par les associations de protection animale, aussi bien en France, au Canada, en Belgique ou aux Pays-Bas. Toutes ont filmé et constaté de nombreux abus lors d'enquêtes commanditées en 2009 et 2010, tels que des animaux reprenant conscience avant la saignée, ce qui induit pour eux une très grande souffrance[144],[145].
Dans les pays à tradition pastorale ou nomade, l'abattage du cheval peut s'effectuer de manière traditionnelle par des bouchers qui se déplacent chez les éleveurs, l'animal étant immobilisé et tué sur son lieu d'élevage[146].